L'ancienne ministre canadienne de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a récemment publié ses mémoires intitulés Run Like a Girl. Cet ouvrage offre un aperçu de son mandat gouvernemental, des défis qu'elle a rencontrés, y compris le sexisme et les menaces de mort, et de son rôle dans la lutte contre la crise climatique. McKenna y partage ses réflexions sur l'action climatique et la politique.
Points Clés
- Catherine McKenna, ancienne ministre canadienne du Climat, a publié ses mémoires, Run Like a Girl.
- Le livre aborde les expériences de sexisme et les menaces rencontrées durant son mandat.
- McKenna a joué un rôle clé dans l'instauration de la taxe carbone au Canada.
- Elle exprime des regrets concernant l'approbation du pipeline Trans Mountain.
- L'ouvrage vise à inspirer les femmes et les jeunes à s'engager pour le changement.
L'engagement pour le climat et les défis personnels
Catherine McKenna utilise une analogie frappante pour décrire l'urgence de la crise climatique. Elle compare la situation à un camion se dirigeant vers des enfants, soulignant la nécessité d'utiliser « tous les outils à notre disposition » pour éviter un danger imminent. Ce sentiment d'urgence a guidé son action politique.
Son livre, Run Like a Girl, n'est pas une autobiographie traditionnelle. Il est conçu pour encourager « les femmes et les jeunes qui veulent apporter un changement » à s'engager. Malgré un ton optimiste, McKenna y aborde des sujets difficiles, comme le sexisme qu'elle a subi. Elle a été surnommée « Barbie climatique » par un opposant conservateur et a reçu de nombreuses insultes en ligne, dont des menaces de mort. Elle raconte une expérience où un homme l'a agressée verbalement, elle et ses trois enfants, dans la rue, tout en les filmant.
« Il y a beaucoup de jeunes extraordinaires qui font des choses incroyables », déclare McKenna. « Mais cela peut être difficile et démoralisant. »
Elle insiste sur l'importance de ne pas abandonner. L'essentiel, selon elle, est de continuer à essayer. Son parcours personnel, marqué par une discipline développée en tant qu'aspirante nageuse olympique, l'a menée vers la politique, même si ce n'était pas son ambition initiale.
Un fait marquant
- McKenna a été ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada de 2015 à 2019.
- Elle a représenté la circonscription d'Ottawa Centre à la Chambre des communes de 2015 à 2021.
La politique climatique et le gouvernement Trudeau
McKenna fait preuve de franchise concernant sa carrière politique, les défis mondiaux et l'impact potentiel d'un second mandat de Donald Trump. Elle n'hésite pas à critiquer son ancien patron, Justin Trudeau, le décrivant comme « distant » et semblant désintéressé de ses ministres, à l'exception de ses amis d'enfance. Elle estime que ses références constantes à un cabinet paritaire « ont commencé à ressembler à un stratagème marketing pour le faire paraître bien ».
Malgré ces critiques, McKenna souligne que Trudeau partageait sa conviction en matière d'action climatique et l'a soutenue dans ses efforts. Sous son mandat, une politique phare a été mise en œuvre : la taxe carbone. Cette taxe s'appliquait aux grands pollueurs industriels et à l'utilisation quotidienne des combustibles fossiles, tels que l'essence, le diesel et le gaz naturel. McKenna a appelé cela un « prix sur la pollution ».
Contexte de la taxe carbone
La taxe carbone canadienne visait à inciter les entreprises et les citoyens à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Un aspect crucial de cette politique était le système de remboursement, qui redistribuait les revenus de la taxe aux Canadiens. Un rapport a indiqué que la plupart des ménages étaient protégés de l'impact de cette taxe, et certains en ont même tiré un gain financier, en particulier les ménages à faible et moyen revenu.
Elle admet ne pas avoir été une experte en la matière lorsqu'elle est devenue ministre en 2015. Elle ignorait même la signification de l'acronyme COP. Cependant, une semaine après sa nomination, elle a assisté à la COP21, où l'Accord de Paris a été signé. Cet accord est le premier traité universel et juridiquement contraignant sur le climat.
L'Accord de Paris et ses limites
McKenna est fière des réalisations de cette période, malgré les critiques selon lesquelles l'Accord de Paris n'allait pas assez loin. Elle déclare :
« Je ne suis pas quelqu'un qui a d'énormes regrets ou qui dit 'oh, si seulement nous avions fait ceci…', car c'était un moment particulier. »
Elle souligne l'importance de ne pas sous-estimer cet accord. « Pour la première fois, nous avions un objectif de température clair et chaque pays devait faire sa part. Était-il imparfait ? Oui. Mais la neutralité carbone n'était même pas un concept en 2015. » Selon elle, le monde se dirigeait vers un réchauffement de 5°C, ce qui a exercé une forte pression sur les gouvernements.
L'impact de l'Accord de Paris
L'Accord de Paris a établi un cadre mondial pour limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, de préférence à 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriels. Il a également mis en place un cycle de révision quinquennal pour que les pays augmentent leurs ambitions climatiques.
Contradictions et regrets
Le bilan climatique du gouvernement Trudeau présente des contradictions. À l'été 2019, moins de 24 heures après que la Chambre des communes a déclaré une urgence climatique au Canada, le gouvernement a approuvé des plans visant à tripler la capacité du pipeline Trans Mountain. Ce pipeline transporte le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta, un site d'extraction particulièrement dévastateur pour l'environnement, vers la Colombie-Britannique. Tripler sa capacité devait résoudre un problème pour l'industrie : un excès de pétrole pour un nombre insuffisant de pipelines entraînait une vente à prix réduit sur le marché mondial. L'année précédente, le gouvernement Trudeau avait acquis le pipeline pour 4,5 milliards de dollars après que la société chargée de l'expansion avait menacé d'abandonner le projet en raison de protestations et de contestations juridiques.
Bien que McKenna ait été « sidérée » par le moment de l'annonce, elle s'est convaincue que c'était nécessaire pour obtenir un consensus sur le climat, en ralliant des provinces comme l'Alberta. Elle affirme que ce n'était pas du greenwashing, mais une réelle conviction qu'ils pouvaient rassembler tout le monde. C'est l'un de ses rares regrets. « Je pense que [nous avons été] pris pour des idiots [par l'industrie pétrolière et gazière]. » Les conséquences ont été désastreuses : en 2023, le Canada était la seule nation du G7 à émettre des gaz à effet de serre bien au-dessus de ses niveaux de 1990.
Après le départ de McKenna en 2021, Trudeau a annoncé une pause sur la taxe carbone. Par la suite, l'un des premiers gestes de Mark Carney après être devenu premier ministre du Canada a été de supprimer complètement la taxe carbone.
Optimisme réaliste et pression publique
Malgré ces revers, McKenna reste optimiste. « Je suis une optimiste réaliste… Nous devons simplement continuer à présenter des arguments économiques et logiques aux gens. » Cela inclut l'engagement avec les gros émetteurs, les entreprises et les institutions financières. Il faut, dit-elle, parler leur langage. Au lieu de se concentrer sur les changements individuels, il faut se tourner vers ces acteurs majeurs.
Elle pointe les énergies renouvelables : elles sont moins chères que les combustibles fossiles, plus efficaces et accessibles à tous. « La politique gouvernementale doit rattraper son retard… [nous avons] beaucoup d'obstacles du côté réglementaire. Les vents contraires politiques créés par Trump sont si difficiles à gérer, mais c'est beaucoup plus proche du cycle économique pour les hommes d'affaires. »
L'universitaire Brett Christophers a soutenu que ce n'est pas le coût des projets d'énergies renouvelables qui empêche leur construction, mais les faibles marges bénéficiaires. McKenna insiste sur la rationalité en matière climatique. Cependant, la question demeure : que faire si la décision économiquement rationnelle pour les grandes entreprises à un moment donné ne sert pas les intérêts du climat ?
McKenna exhorte également le public à faire pression sur les politiciens. Dans son livre, elle raconte une grande marche de protestation prévue le lendemain de l'approbation du pipeline Trans Mountain. Ses collègues l'ont évitée à tout prix, mais McKenna est allée dans la rue avec les manifestants.
« Nous n'en avons pas fait assez, mais j'avais besoin qu'ils nous poussent en tant que gouvernement à faire plus », dit-elle. « Manifester, ça compte. »





