Philippe Aghion, l'un des récents lauréats du prix Nobel d'économie, soutient que l'innovation technologique, et non uniquement les taxes sur le carbone, est la solution la plus efficace pour lutter contre le changement climatique. Son travail se concentre sur la théorie de la "destruction créatrice", un processus où les nouvelles technologies remplacent les anciennes, stimulant ainsi la croissance économique et la décarbonation.
Selon l'économiste, une politique climatique efficace doit combiner des incitations pour les technologies propres avec des mesures qui renchérissent les énergies fossiles. Cette approche mixte est, selon lui, essentielle pour accélérer la transition énergétique tout en assurant son acceptabilité sociale.
Points Clés
- Philippe Aghion, lauréat du prix Nobel, applique sa théorie de la "destruction créatrice" à la crise climatique.
- Il considère que l'innovation dans les énergies propres est plus cruciale que les seules taxes carbone.
- Aghion préconise une politique industrielle verte qui subventionne l'innovation tout en taxant la pollution.
- L'Inflation Reduction Act (IRA) américain est cité comme un exemple pratique de cette approche.
- L'économiste avertit que sans alternatives abordables, l'augmentation du prix des énergies fossiles peut provoquer des troubles sociaux.
La "destruction créatrice" appliquée au climat
L'économiste Philippe Aghion, récemment récompensé par le prix Nobel, a développé avec Peter Howitt des modèles mathématiques pour décrire la "destruction créatrice". Ce concept, initialement formulé par l'économiste Joseph Schumpeter, explique comment l'innovation technologique entraîne le remplacement d'anciennes entreprises par de nouvelles, générant ainsi une croissance économique durable.
Appliqué à la transition énergétique, ce principe suggère que le développement de nouvelles sources d'énergie propres et de technologies économes en énergie est le moyen le plus efficace de remplacer les combustibles fossiles. "Je pense que l'innovation est le meilleur espoir face au changement climatique", a déclaré Aghion lors d'une interview en 2023.
Une vision différente de l'économie climatique
L'approche d'Aghion se distingue de celle de William Nordhaus, un autre lauréat du Nobel, qui a été un pionnier de l'économie du climat. Pour Nordhaus, le changement climatique est une "externalité" que le marché ne prend pas en compte. La solution la plus efficace serait donc d'intégrer ce coût par le biais d'une taxe sur les émissions de carbone.
Si Aghion ne rejette pas l'utilité d'un prix du carbone, il le considère comme un outil parmi d'autres, insuffisant à lui seul pour catalyser la transformation nécessaire.
Une combinaison de politiques est nécessaire
Pour Philippe Aghion, la lutte contre le changement climatique ne peut reposer sur un seul instrument. Il plaide pour une stratégie à plusieurs volets qui encourage activement les alternatives propres tout en décourageant la pollution.
"Une taxe ou un prix du carbone est un outil pour réorienter [...] mais ce n'est pas le seul outil", a-t-il affirmé. "Vous avez besoin d'autres outils, comme des subventions à l'innovation verte et, plus généralement, une politique industrielle verte."
L'importance d'agir rapidement
L'économiste insiste sur l'urgence d'une action politique forte et rapide. Selon ses recherches, plus on attend, plus les entreprises se spécialisent dans les technologies polluantes, ce qui rend la transition vers des technologies propres plus longue et plus coûteuse. "Il faut agir rapidement", a-t-il souligné en 2023.
Le cas de l'industrie automobile
Une étude de 2012 co-écrite par Aghion a analysé l'industrie automobile. Les résultats ont montré que des prix du carburant plus élevés incitaient les entreprises à orienter leurs innovations vers des technologies propres. Cependant, l'étude a aussi révélé que les entreprises spécialisées dans les moteurs à combustion interne avaient tendance à améliorer cette technologie polluante plutôt que de pivoter vers l'électrique, contrairement à de nouveaux acteurs comme Tesla.
Tesla illustre parfaitement le succès d'une politique mixte. L'entreprise a bénéficié à la fois des taxes sur l'essence, qui ont réduit l'attrait des véhicules traditionnels, et de subventions qui l'ont aidée à développer ses technologies et à atteindre une production à grande échelle.
Des exemples concrets et des défis politiques
Philippe Aghion voit dans la loi américaine sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act ou IRA) une mise en œuvre concrète de ses idées. Cette loi, qui privilégie les subventions et les crédits d'impôt pour les technologies vertes plutôt qu'une taxe carbone directe, correspond à la politique industrielle qu'il préconise.
"Les Américains le font maintenant avec l'IRA", a-t-il commenté en 2023 lorsqu'il a été interrogé sur le type de politique industrielle qu'il envisageait. Cette approche est non seulement jugée efficace sur le plan économique, mais aussi nécessaire sur le plan politique.
Éviter les tensions sociales
L'économiste prend l'exemple de la crise des "gilets jaunes" en France, déclenchée par une hausse des taxes sur les carburants. Il avertit que si les politiques rendent les énergies polluantes plus chères sans rendre les technologies propres plus accessibles et abordables, "alors les gens se révoltent".
- Taxer la pollution : Augmenter le coût des émissions de carbone pour refléter leur impact environnemental.
- Subventionner l'innovation : Fournir un soutien financier direct aux entreprises qui développent des technologies vertes.
- Créer un marché : Mettre en place des réglementations qui favorisent l'adoption de solutions propres.
Cependant, la durabilité politique de telles stratégies reste un défi majeur. L'article original note que malgré leurs succès, des politiques comme l'IRA font face à une forte opposition, notamment de la part de l'industrie des combustibles fossiles, qui peut chercher à démanteler ces programmes lors de changements d'administration.
Malgré ces obstacles, la conclusion de Philippe Aghion reste claire. "Je pense que nous avons maintenant progressé sur l'idée que l'innovation est une grande partie de la solution et que [...] le prix du carbone ne suffit pas", a-t-il déclaré. "Vous avez besoin d'une politique industrielle intelligente axée sur l'innovation verte. C'est ça, l'idée."





