Un nouveau modèle économique émerge, prouvant que la croissance du produit intérieur brut (PIB) peut coexister avec une diminution des émissions de carbone. Ce phénomène, baptisé « économie crocodile », voit les courbes du PIB et des émissions se séparer, comme les mâchoires d'un crocodile qui s'ouvrent. Quarante-neuf pays ont déjà réussi à découpler leur croissance économique de l'utilisation des combustibles fossiles, marquant un changement profond dans le paysage économique mondial.
Points Clés
- 49 pays ont découplé leur croissance économique de leurs émissions de combustibles fossiles.
- L'Union Européenne a réduit ses émissions de 37% depuis 1990, avec un PIB en hausse de 70%.
- Les énergies renouvelables et les véhicules électriques sont les principaux moteurs de ce changement.
- La Chine montre des signes de découplage, ses émissions ayant diminué de 1% au cours des 12 derniers mois.
- De nombreuses entreprises adoptent également des stratégies de réduction des émissions tout en augmentant leurs revenus.
L'émergence d'un nouveau paradigme économique
Historiquement, l'expansion économique a toujours été liée à une augmentation de la consommation d'énergies fossiles. Cependant, les données récentes révèlent une transformation significative. Le concept d'« économie crocodile » décrit précisément cette divergence : la richesse d'une nation continue de croître tandis que ses émissions de gaz à effet de serre diminuent. Ce découplage est le résultat de plusieurs facteurs, notamment la baisse des coûts des énergies renouvelables et l'adoption croissante des véhicules électriques.
Ce phénomène n'est pas marginal. Environ un quart des pays du monde ont déjà franchi ce cap. Certains ont même commencé ce processus il y a plus de 25 ans. Cette tendance suggère que les économies émergentes pourraient éviter les trajectoires de développement intensives en carbone en adoptant directement les technologies propres actuelles, qui sont désormais plus abordables.
Fait Marquant
L'énergie solaire est devenue la source d'électricité la moins chère de l'histoire en 2020. Cette évolution a un impact majeur sur la capacité des pays à réduire leur dépendance aux combustibles fossiles.
Des exemples concrets de découplage
L'Union Européenne est un exemple frappant de cette « économie crocodile ». En 2023, les émissions nettes de gaz à effet de serre de l'UE étaient inférieures de 37% aux niveaux de 1990. Pendant la même période, le PIB de l'Union a augmenté d'environ 70%. L'Agence européenne pour l'environnement a même signalé une baisse de 9% des émissions de l'UE pour la seule année 2023, principalement grâce au secteur de l'énergie, où les émissions ont chuté de 22%.
Le Royaume-Uni présente une dynamique similaire. En 2023, les émissions étaient inférieures d'environ 54% aux niveaux de 1990, tandis que le PIB a progressé d'environ 84%. Le pays a également franchi une étape symbolique en septembre 2024 avec la fermeture de sa dernière centrale électrique au charbon. Ces chiffres illustrent la capacité des économies matures à opérer une transition vers des modèles plus durables.
"Nous ne débattons plus de la possibilité d'une transformation économique ; nous la voyons se dérouler à des vitesses différentes à travers l'économie mondiale."
Contexte International
Alors que les dirigeants mondiaux se préparent pour la COP30 au Brésil, la pression pour accélérer l'action climatique est plus forte que jamais. Les récifs coralliens d'eau chaude ont déjà franchi un point de basculement climatique, et d'autres écosystèmes sont menacés. Ces avancées économiques offrent une lueur d'espoir.
La progression des technologies vertes
Les progrès en matière de réduction des émissions ne sont pas encore suffisants pour atteindre les objectifs les plus stricts de l'Accord de Paris, qui vise à limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius. Cependant, le rythme du changement s'accélère. Au cours des trois dernières décennies, des technologies clés comme l'éolien et le solaire étaient plus coûteuses que les combustibles fossiles. Les véhicules électriques commençaient tout juste à être considérés comme des alternatives viables.
Aujourd'hui, la situation est radicalement différente. Les prix des énergies renouvelables et des véhicules électriques chutent de manière exponentielle. L'énergie solaire est désormais la source d'électricité la moins chère de l'histoire. Les véhicules électriques deviennent de plus en plus abordables et, avec les bonnes incitations, peuvent rivaliser avec les moteurs à combustion interne sur de nombreux marchés. Cette évolution technologique est essentielle pour étendre le modèle de l'économie crocodile à l'échelle mondiale.
- Coût de l'énergie solaire : Source d'électricité la moins chère depuis 2020.
- Véhicules électriques : Baisse des prix et compétitivité croissante.
- Incitations : Rôle crucial des politiques publiques pour accélérer l'adoption.
Le saut technologique pour les économies émergentes
La prochaine vague d'économies crocodiles devrait se propager plus rapidement que la première. Les nations les moins développées, qui ont historiquement eu des émissions minimes, peuvent "sauter" les étapes de développement traditionnellement basées sur le charbon et le pétrole. Elles peuvent adopter directement des infrastructures et des technologies propres, évitant ainsi le piège des énergies fossiles.
La Chine, un acteur majeur en termes d'émissions mondiales, montre des signes prometteurs. Au cours des 12 mois précédant le premier trimestre 2025, ses émissions ont diminué d'environ 1%. Cette réduction est due à l'intégration rapide de nouvelles capacités éoliennes, solaires et nucléaires, qui ont dépassé la croissance de la demande énergétique. Cela pourrait indiquer l'émergence d'un nouveau "crocodile" économique à grande échelle.
Statistique Clé
En Chine, les émissions ont baissé d'environ 1% sur un an grâce à l'expansion des énergies renouvelables et du nucléaire.
Les entreprises rejoignent le mouvement
Le découplage ne concerne pas seulement les nations ; de nombreuses entreprises adoptent également ce modèle. Vingt-quatre entreprises ont déjà réussi à découpler leurs émissions de Scope 1 et 2 (émissions directes et indirectes liées à l'énergie) de leurs revenus. Ces entreprises, issues de secteurs variés comme l'énergie, la technologie, le divertissement, l'industrie, la mode et la banque, démontrent qu'il est possible de croître tout en réduisant son empreinte carbone.
Certaines de ces entreprises affichent un découplage absolu, où les émissions diminuent même lorsque les revenus augmentent. D'autres montrent un découplage relatif, où les émissions augmentent à un rythme plus lent que les revenus. Bien que ces données soient encore préliminaires et principalement basées sur des entreprises suédoises, elles signalent une tendance importante dans le monde des affaires. L'analyse devrait s'étendre à d'autres régions pour confirmer cette tendance à l'échelle mondiale.
Impact de la COP30
La COP30, qui se tiendra à Belém, au Brésil, représente une opportunité cruciale. Les pays et les entreprises qui ont déjà adopté l'économie crocodile ont ouvert la voie, dérisquant les technologies et construisant des chaînes d'approvisionnement viables. Avec la production chinoise de panneaux solaires, d'éoliennes et de véhicules électriques à des prix sans précédent, les obstacles à l'entrée pour de nouveaux "crocodiles" ont considérablement diminué.
Les nations qui emboîteront le pas n'auront plus besoin de décennies pour opérer leur transition ; leurs transformations peuvent être beaucoup plus rapides. Le message est clair : la transformation économique n'est pas une question de "si", mais de "quand" et de "comment". Ignorer cette tendance pourrait avoir des conséquences importantes pour l'avenir.





