L'industrie éolienne offshore, pilier de la transition énergétique mondiale, fait face à une menace croissante : l'intensification des vents extrêmes. Une étude récente révèle une augmentation significative de la vitesse des vents marins les plus violents, mettant en péril la résilience et la sécurité des parcs éoliens existants et futurs. Ces changements, liés au réchauffement climatique, exigent une adaptation urgente des infrastructures.
Points Clés
- Augmentation moyenne de 0,016 m/s/an de la vitesse des vents extrêmes océaniques depuis 1940.
- Plus de 40% des parcs éoliens en Europe et en Asie exposés à des vents supérieurs aux normes de conception.
- 60% des parcs éoliens à risque sont situés dans des zones où les vents extrêmes s'intensifient.
- Les cyclones tropicaux et extratropicaux sont les principaux moteurs de cette intensification.
- Nécessité d'adapter les normes de conception et les stratégies de planification pour l'éolien offshore.
Une Intensification Alerte des Vents Marins
Depuis 1940, la vitesse des vents extrêmes en mer, mesurée sur une période de retour de cinquante ans (U50), a augmenté de manière notable. Globalement, cette hausse est d'environ 0,016 mètre par seconde par an. Cette tendance à la hausse est particulièrement visible dans 62,85% des régions côtières du monde. L'analyse des données horaires de vent ERA5 à 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, couvrant la période de 1940 à 2023, met en lumière cette évolution préoccupante.
Les zones les plus touchées par cette intensification se trouvent le long des trajectoires des cyclones tropicaux et dans les régions de haute latitude, notamment le Pacifique Nord-Est, l'Atlantique Nord et les vents d'ouest de l'hémisphère sud. Ces régions sont cruciales pour le développement de l'énergie éolienne offshore.
Fait Marquant
Près de 36,7% des cellules de grille océaniques mondiales affichent des valeurs U50 dépassant 37,5 m/s, seuil de conception des turbines de Classe III. Environ 20,2% dépassent 42,5 m/s (Classe II) et 0,8% vont au-delà de 50 m/s (Classe I).
Les régions tropicales, y compris le Pacifique Nord-Est, l'Atlantique Nord et l'océan Indien Nord, montrent une proportion élevée de cellules de grille avec des augmentations substantielles de U50. Dans ces zones, plus de 40% des cellules de grille enregistrent une tendance à la hausse supérieure à 0,05 m/s par an.
Risques Accrus pour les Parcs Éoliens Existants
L'étude révèle que plus de 40% des parcs éoliens offshore déjà en service ou en projet en Asie et en Europe sont confrontés à des vitesses de vent qui dépassent les seuils de conception des turbines de Classe III (37,5 m/s). Plus de la moitié de ces installations se situent dans des zones où la tendance des vents extrêmes est à la hausse.
En Europe, les parcs éoliens en exploitation présentent des valeurs U50 autour de 40 m/s. La majorité (74,26%) de ces installations se trouvent dans des régions où les tendances U50 sont à la hausse, notamment au sud-est du Royaume-Uni et dans les eaux côtières de l'Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Belgique et de la Suède. Environ 48 parcs éoliens, représentant une capacité totale de 9,68 GW, sont exposés à un risque de Type 1 (U50 > 37,5 m/s), et 61 parcs (18,14 GW) à un risque de Type 2 (U50 > 42,5 m/s).
« L'intensification des vents extrêmes est une réalité que l'industrie éolienne offshore ne peut ignorer. Elle exige une réévaluation de nos standards de conception et de nos stratégies d'implantation. »
En Asie, la variabilité spatiale des U50 est plus prononcée, allant de moins de 15 m/s à plus de 40 m/s. Bien que plus de la moitié des sites asiatiques montrent des tendances U50 à la baisse, huit installations sont en risque de Type 1, et deux près du détroit de Taïwan sont exposées aux risques de Type 2 et Type 3 (U50 > 50 m/s), totalisant une capacité de 1,45 GW.
Zones de Développement et Pays Émergents
Les zones de développement de parcs éoliens offshore montrent des tendances similaires. En Europe, 68,03% des futures installations sont prévues dans des régions où les vents extrêmes s'intensifient, principalement en mer du Nord, en mer Baltique et le long de la côte ouest de l'Angleterre. Sur les parcs éoliens planifiés, 208 sont exposés à un risque de Type 1 et 292 à un risque de Type 2, représentant une capacité combinée de 403,00 GW.
En Asie, 61,23% des projets planifiés se trouvent dans des zones avec des tendances U50 croissantes, notamment en Corée du Sud, au Vietnam et sur les côtes est et sud-est de la Chine. Plusieurs projets y sont exposés à des catégories de risque plus élevées, avec 72 parcs en risque de Type 1, 46 en risque de Type 2 et 69 en risque de Type 3.
Contexte Global
La capacité éolienne offshore cumulée devrait passer de 63 GW en 2022 à près de 494 GW d'ici 2030, soulignant l'importance stratégique de cette énergie pour la transition mondiale.
Les pays en développement, essentiels pour atteindre l'objectif de développement durable des Nations Unies (accès à une énergie propre et abordable), sont également concernés. Au Brésil, en Colombie, en Inde, aux Philippines, en Roumanie, en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Turquie et au Vietnam, l'évaluation des risques liés aux vents extrêmes est cruciale pour des investissements efficaces. Six de ces neuf pays, à l'exception du Brésil, de la Turquie et de la Roumanie, ont plus de la moitié de leurs zones côtières montrant des tendances U50 à la hausse.
- Sri Lanka : Plus de 30% des cellules de grille côtières affichent une tendance supérieure à 0,05 m/s par an.
- Turquie et Philippines : Environ 3% des cellules de grille côtières dépassent 50 m/s (risque de Type 3), principalement en mer Noire pour la Turquie.
Le Rôle du Changement Climatique et des Cyclones
L'intensification des vents extrêmes est fortement corrélée aux changements dans l'activité des cyclones tropicaux (CT) et extratropicaux (CET) sous l'effet du réchauffement climatique. Une forte corrélation (r = 0,80, p < 0,05) est observée entre la température moyenne de la surface de la mer (SST) et la vitesse maximale annuelle du vent (AMW) à l'échelle mondiale depuis 1940.
Sur cette période, l'AMW a augmenté de 1,05 m/s par degré de changement de SST, indiquant une réponse potentielle des vents extrêmes au réchauffement. Les CT et CET sont responsables de plus de 80% des événements de vent extrême, et leur intensification est un facteur clé.
Mécanismes d'Intensification
- Flux de chaleur latente accru : Des SST plus élevées augmentent le flux de chaleur latente, alimentant les tempêtes.
- Vents de haute altitude plus forts : Le réchauffement climatique intensifie les vents de haute altitude et le gradient de température méridien, favorisant le déplacement des CET vers les pôles.
- Vagues de chaleur marines : Les vagues de chaleur marines peuvent tripler le taux d'intensification des cyclones tropicaux.
Bien que la fréquence des cyclones tropicaux ait culminé dans les années 1990 et 2000, la période 2010-2023 a enregistré les vitesses de vent maximales les plus élevées pour la plupart des bassins. L'énergie cyclonique accumulée (ACE) a également atteint un sommet durant cette période, et l'étendue géographique des régions touchées par les cyclones de catégorie 4 et 5 a augmenté de 4,3% par rapport à la période de référence 1980-2001.
Implications et Recommandations
Cette étude souligne la nécessité critique d'adapter les infrastructures éoliennes offshore pour résister à l'évolution des vents extrêmes. Les recommandations incluent l'utilisation de turbines de classe de charge de conception supérieure dans les régions à vents extrêmes intensifiés et une planification axée sur la résilience.
Les échecs de turbines dus aux vents extrêmes représentent 54,9% de toutes les pannes signalées, avec des pertes économiques considérables, allant de 0,64 million à 6,4 millions de dollars par turbine, soit jusqu'à 10% de l'investissement total. Une approche de conception « colonne forte-poutre faible » est suggérée, où les pales sont conçues pour céder en premier afin de protéger les composants plus coûteux comme les tours et les nacelles.
Les normes actuelles, comme la CEI 61400-3, sont basées sur des climats d'Europe du Nord et pourraient ne pas être adaptées aux régions sujettes aux cyclones. Il est impératif de localiser les critères de conception en fonction du comportement éolien régional.
En résumé, une adaptation proactive, incluant une meilleure modélisation des risques, des normes de conception révisées et une ingénierie robuste des turbines, sera essentielle pour protéger les infrastructures éoliennes offshore et soutenir leur expansion à long terme face à un climat en mutation.





