Les États-Unis et le Qatar ont conjointement demandé à l'Union européenne de revoir sa nouvelle législation sur la durabilité des entreprises. Dans une lettre adressée à Bruxelles, les deux géants de l'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) affirment que ces règles pourraient compromettre les investissements et la sécurité énergétique du continent.
Cette démarche intervient alors que l'administration Trump vient d'autoriser un nouveau projet majeur d'exportation de GNL sur la côte de la Louisiane, renforçant sa politique de « domination énergétique » et suscitant des inquiétudes quant à l'impact climatique et local.
Points Clés
- Les États-Unis et le Qatar demandent à l'UE d'abroger ou de modifier sa directive sur la durabilité des entreprises.
- Ils qualifient la nouvelle réglementation de « menace existentielle » pour les économies européennes.
- Cette pression coïncide avec l'approbation du terminal d'exportation de GNL CP2 en Louisiane.
- Le projet CP2 pourrait émettre l'équivalent de 54 centrales à charbon par an.
- Les critiques soulignent les risques pour le climat, la santé publique et les prix de l'énergie pour les consommateurs américains.
Une directive européenne au cœur des tensions
La législation au centre du débat est la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). Ce texte, qui doit être débattu par les législateurs européens, vise à responsabiliser les grandes entreprises opérant au sein du marché unique.
Concrètement, la directive exigerait que les exportateurs de gaz vers les 27 pays membres de l'UE démontrent qu'ils respectent les droits de l'homme et qu'ils prennent des mesures actives pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En cas de non-conformité, les entreprises s'exposeraient à des amendes importantes.
La position américaine et qatarie
Dans leur lettre commune, les États-Unis et le Qatar, deux des trois plus grands exportateurs mondiaux de GNL, soutiennent que cette directive est trop contraignante. Ils estiment que « sa mise en œuvre pourrait mettre en péril les investissements existants et futurs, l'emploi et le respect des récents accords commerciaux ».
Le document insiste sur le rôle crucial du gaz dans le mix énergétique européen pour les décennies à venir. « Il y a peu de débat sur le fait que le gaz naturel et le GNL resteront une source d'énergie essentielle et un élément clé du mix énergétique de l'UE pendant de nombreuses décennies », peut-on lire dans la lettre.
Contexte : La dépendance européenne
Depuis le début du conflit en Ukraine, l'Union européenne cherche activement à réduire sa dépendance au gaz russe. Elle s'est tournée massivement vers d'autres fournisseurs, notamment les États-Unis, pour sécuriser ses approvisionnements. En 2022, un accord prévoyait l'achat de 750 milliards de dollars de pétrole et de gaz américains d'ici 2028, bien que la faisabilité de cet objectif ait été remise en question.
L'expansion américaine du GNL
Cette pression diplomatique s'inscrit dans une stratégie plus large de l'administration Trump visant à promouvoir les combustibles fossiles, tant sur le territoire américain qu'à l'international. Cette politique, baptisée « domination énergétique », se traduit par une accélération des approbations pour de nouvelles infrastructures gazières.
Mercredi, le département américain de l'Énergie a annoncé l'approbation finale pour le projet CP2 de Venture Global, un immense terminal de GNL prévu sur la côte de la Louisiane. Une fois opérationnel, ce site pourra exporter jusqu'à 3,96 milliards de pieds cubes de GNL par jour.
L'empreinte carbone du projet CP2
Selon une analyse, le projet CP2, en incluant son exploitation et la combustion du gaz exporté, générerait environ 190 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an. Cela équivaut à la pollution émise par 54 centrales électriques au charbon de taille moyenne.
Kyle Haustveit, secrétaire adjoint du bureau de l'énergie fossile au Département de l'Énergie, a déclaré : « En moins de 10 mois, l'administration du président Trump redéfinit ce que signifie libérer l'énergie américaine en approuvant de nouvelles exportations record de GNL ».
« Venture Global est reconnaissant de l'approbation finale de l'administration Trump pour CP2, un projet essentiel qui fournira aux alliés américains du GNL à bas coût pendant des décennies, soutiendra des milliers d'emplois et profitera grandement à la balance commerciale américaine. »
– Mike Sabel, PDG de Venture Global
Le projet devrait être achevé d'ici 2027. Cette décision annule une pause sur les nouveaux terminaux de GNL qui avait été mise en place sous l'administration précédente de Joe Biden.
Les conséquences pour le climat et les communautés
L'expansion rapide de l'industrie du GNL aux États-Unis soulève de vives critiques de la part des scientifiques et des organisations environnementales. Les experts du climat rappellent que pour éviter un réchauffement climatique catastrophique, le monde doit s'éloigner rapidement des combustibles fossiles, y compris du gaz naturel.
Un bilan climatique controversé
Longtemps présenté comme une énergie de transition « plus propre » que le charbon, le GNL est de plus en plus contesté. Des recherches récentes suggèrent que lorsque l'on prend en compte l'ensemble de son cycle de vie – de l'extraction au transport par navire méthanier, en passant par la liquéfaction – son impact climatique pourrait être pire que celui du charbon, notamment à cause des fuites de méthane, un gaz à effet de serre très puissant.
Impacts locaux et économiques
La construction du terminal CP2 inquiète également les communautés locales de la paroisse de Cameron, en Louisiane. Les résidents sont depuis longtemps confrontés aux conséquences de l'industrie fossile : pollution de l'air et de l'eau, nuisances sonores et impacts sur la pêche.
Mahyar Sorour, une militante du Sierra Club, a réagi à l'approbation du projet :
« Les exportations de GNL augmentent les factures d'énergie des Américains, sont désastreuses pour les communautés comme la paroisse de Cameron, augmentent les atteintes à la santé publique et perpétuent la crise climatique. »
Ironiquement, le propre département de l'Énergie de l'administration a déterminé que l'augmentation des exportations de gaz entraînerait une hausse des prix de l'énergie pour les ménages américains. Malgré cela, la politique de promotion des exportations se poursuit, au profit des grandes entreprises du secteur.





