Il y a dix ans, les États-Unis et la Chine, les deux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, s'unissaient dans un engagement historique pour le climat, ouvrant la voie à l'Accord de Paris. Aujourd'hui, alors que la conférence COP30 se prépare au Brésil, leurs trajectoires ont radicalement divergé, remodelant la géopolitique énergétique mondiale.
D'un côté, une administration américaine qui se retire des accords internationaux et promeut les énergies fossiles. De l'autre, une Chine qui se positionne en leader de la transition verte, malgré ses propres défis en matière d'émissions. Ce schisme laisse le reste du monde face à des choix complexes pour l'avenir de la planète.
Les points clés
- Les États-Unis se sont retirés de l'Accord de Paris et boycotteront la prochaine conférence sur le climat, la COP30.
- La Chine a réaffirmé ses engagements climatiques et se positionne comme un leader mondial des énergies renouvelables.
- Cette divergence crée un vide de leadership et modifie les alliances géopolitiques mondiales autour de l'énergie.
- Les pays en développement cherchent leur propre voie entre les puissances des énergies fossiles et celles des énergies renouvelables.
Un revirement américain spectaculaire
Le contraste avec la situation de 2014 est saisissant. À l'époque, le président américain Barack Obama et le dirigeant chinois Xi Jinping annonçaient ensemble à Pékin leur intention de réduire leurs émissions de carbone. Cet accord bilatéral avait été le catalyseur essentiel de l'Accord de Paris l'année suivante, unissant la quasi-totalité des nations dans un effort commun.
Une décennie plus tard, la politique américaine a pris un virage à 180 degrés. L'une des premières mesures du président Donald Trump, après son retour au pouvoir, a été de retirer les États-Unis de ce même accord. Le discours a changé, passant de la promotion des énergies vertes à un soutien affirmé aux combustibles fossiles sous le slogan "drill, baby, drill" (fore, bébé, fore).
Lors de récentes déclarations publiques, le président américain a qualifié le changement climatique de "plus grande escroquerie jamais perpétrée" et a dénigré les technologies renouvelables, décrivant les éoliennes comme "pathétiques".
Une diplomatie sous pression
Cette nouvelle orientation ne s'est pas limitée à des discours. Des actions concrètes ont été menées sur la scène internationale pour freiner les initiatives climatiques. Lors d'une conférence de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) à Londres visant à finaliser un accord sur les émissions du transport maritime, la délégation américaine, soutenue par l'Arabie Saoudite et la Russie, a exercé une forte pression pour reporter la décision.
"Ce n'était pas une réunion normale et régulière de l'OMI ; ce n'est pas la façon dont nous menons habituellement nos affaires", a déclaré le secrétaire général de l'OMI, Arsenio Dominguez, soulignant le caractère inhabituel des tactiques employées.
Des responsables européens ont rapporté des menaces de sanctions contre les pays et les fonctionnaires qui soutenaient des politiques climatiques jugées contraires aux intérêts américains. Le point culminant de cette nouvelle politique est la décision de ne pas envoyer de délégation à la COP30 au Brésil, un événement majeur pour la diplomatie climatique mondiale.
La Chine comble le vide
Pendant que les États-Unis se retirent, la Chine avance ses pions. Profitant du vide laissé par Washington, le président Xi Jinping a saisi l'occasion de se positionner en leader. Lors de la Semaine du Climat des Nations Unies, il est apparu par vidéo pour réaffirmer l'engagement de son pays envers l'Accord de Paris.
Dans une déclaration qui semblait viser directement les États-Unis, il a affirmé que "la transition verte et bas-carbone est la tendance de notre temps, et même si un certain pays agit à contre-courant, la communauté internationale doit rester concentrée sur la bonne direction".
Les nouveaux objectifs de la Chine pour 2035
La Chine a annoncé des objectifs ambitieux pour renforcer sa transition énergétique. D'ici 2035, le pays vise à :
- Réduire ses émissions de 7 %.
- Augmenter la part des énergies renouvelables dans sa consommation à plus de 30 %.
- Multiplier par six sa capacité installée d'énergie éolienne et solaire par rapport aux niveaux de 2020.
Bien que les militants écologistes estiment que ces objectifs sont encore insuffisants au vu des 14 milliards de tonnes de CO2 que le pays émet chaque année, cette démarche place la Chine au centre du jeu diplomatique sur le climat.
"La Chine est en train de combler l'espace et le vide laissés par les États-Unis", analyse Kaveh Guilanpour, ancien négociateur pour l'UE et le Royaume-Uni sur le climat. "Il est triste, du point de vue américain, de constater que les discussions internationales sur l'avenir du système énergétique mondial se dérouleront à la COP30 sans leur participation."
Une nouvelle géopolitique de l'énergie
Cette divergence entre les deux superpuissances redessine la carte mondiale de l'énergie. Pendant des décennies, la géopolitique était dominée par le contrôle des ressources en pétrole et en gaz, un monde de "pétro-États".
Selon l'experte en climat Rachel Kyte, nous entrons dans une ère où la géopolitique est de plus en plus façonnée par l'accès aux minéraux, aux métaux et aux technologies nécessaires aux énergies renouvelables, créant une nouvelle dynamique entre les "pétro-États" et les "électro-États".
Ce changement influence déjà les relations bilatérales, que ce soit entre l'Inde et les États-Unis ou entre l'Union Européenne et la Chine. Les pays en développement, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, se retrouvent dans une position délicate.
"Nous ne voulons pas être complètement redevables à un pôle ou à l'autre", a commenté Rachel Kyte. "Nous devons trouver notre propre voie."
Le Brésil poursuit les préparatifs de la COP30
Malgré l'absence annoncée des États-Unis, le Brésil, pays hôte de la COP30, maintient le cap. L'ambassadrice Liliam Chagas, principale négociatrice brésilienne pour le climat, a minimisé l'impact du boycott américain.
"Tous les autres sont là. Nous avons des confirmations pour la quasi-totalité des parties prenantes du régime climatique", a-t-elle déclaré. "Ce serait mieux s'ils pouvaient être à bord, mais si les États-Unis ne le peuvent pas, nous devrons continuer à travailler avec le reste d'entre nous qui sommes très préoccupés par la vitesse des impacts du changement climatique sur nos sociétés."
Alors que le monde se prépare pour ce sommet crucial, la fracture entre ses deux plus grandes puissances économiques n'a jamais été aussi profonde. L'issue des négociations au Brésil pourrait bien déterminer la trajectoire de la lutte contre le changement climatique pour la décennie à venir, avec ou sans Washington.





