Le méthane et le dioxyde de carbone sont deux des principaux gaz à effet de serre. Cependant, leur impact sur le climat diffère de manière fondamentale. Alors que le méthane est un polluant à courte durée de vie, le CO2 persiste dans l'atmosphère pendant des siècles. Cette distinction cruciale rend leur substitution dans les stratégies de compensation carbone risquée pour l'objectif de neutralité carbone à long terme.
Points Clés
- Le méthane est un polluant à courte durée de vie, se décomposant en environ 10 ans.
- Le CO2 est un polluant à long terme, s'accumulant dans l'atmosphère pendant des siècles.
- La réduction des émissions de méthane offre un refroidissement rapide, mais ne compense pas le CO2 à long terme.
- L'utilisation de métriques comme le Potentiel de Réchauffement Global (PRG) pour comparer les gaz peut être trompeuse.
- Des cibles distinctes pour le CO2 et les polluants à courte durée de vie sont préférables.
Comprendre la nature des polluants
Les gaz à effet de serre ne sont pas tous égaux. Le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4) en sont des exemples frappants. Le CO2 est une molécule extrêmement stable. Elle s'accumule dans l'atmosphère au fil du temps. Même si une partie est absorbée par les océans et les terres, elle ne se dégrade pas naturellement. Le réchauffement qui en résulte est une fonction quasi constante des émissions cumulées. Si les émissions de CO2 atteignent zéro, la planète ne se refroidit pas de manière significative avant des siècles.
Le méthane, lui, est une molécule instable. Il interagit avec les radicaux hydroxyles dans l'atmosphère et s'oxyde en CO2 et en eau. Cette instabilité signifie que le méthane ne s'accumule pas sur de longues périodes, sauf si les émissions augmentent. La concentration de méthane dans l'atmosphère dépend du taux d'émissions, et non des émissions cumulées.
Le saviez-vous ?
Le méthane est responsable d'environ un tiers du réchauffement climatique total observé à ce jour par les gaz à effet de serre bien mélangés dans l'atmosphère. Réduire ses émissions peut avoir un effet de refroidissement rapide sur la planète.
L'exemple de la vache et de la centrale électrique
Pour illustrer cette différence, imaginons un scénario simple. Prenons l'exemple d'un éleveur possédant un troupeau de 1 000 vaches. Chaque vache émet du méthane. La durée de vie moyenne du méthane dans l'atmosphère est d'environ 10 ans. Si le troupeau reste stable, la quantité de méthane dans l'atmosphère provenant de ces vaches reste constante. Les nouvelles émissions sont équilibrées par la dégradation des anciennes.
Comparons cela à une petite centrale électrique au charbon. Cette centrale émet du CO2. Chaque année, environ la moitié du CO2 émis par la centrale reste dans l'atmosphère, l'autre moitié étant absorbée par les puits de carbone. Contrairement au méthane, le CO2 s'accumule. Même si la centrale ferme, le CO2 qu'elle a émis continue de réchauffer la planète pendant des siècles. Le réchauffement de la centrale fermée serait comparable à celui d'un troupeau de 1 000 vaches qui continuent d'émettre.
« Il est utile de réduire le méthane, mais cela ne nous aidera pas vraiment à atteindre la neutralité carbone. La seule vraie solution à la crise climatique est de réduire les émissions de dioxyde de carbone le plus près possible de zéro. »
Cette analogie souligne la distinction fondamentale. Le CO2 s'accumule, et nous sommes confrontés à ses effets à long terme, sauf si nous l'éliminons activement de l'atmosphère. Le méthane, lui, ne s'accumule pas à long terme. Sa quantité dans l'atmosphère dépend du taux d'émissions. Les deux sont des gaz à effet de serre importants, mais leur comportement dicte des stratégies d'atténuation différentes.
Les limites des métriques de comparaison
La difficulté réside dans la comparaison directe du méthane et du CO2. Tout cadre qui les additionne implique des jugements de valeur. Quelle métrique utiliser ? Sur quelle période comparer leurs impacts ? Les gouvernements et la communauté scientifique ont souvent recours au « potentiel de réchauffement global » (PRG), notamment le PRG sur 100 ans (PRG100).
Le PRG100 estime qu'une tonne de méthane équivaut à 28 à 34 tonnes de CO2. Cependant, cette équivalence ne reflète pas la réalité physique. Elle ne dit pas comment les émissions ou les réductions influencent réellement les températures mondiales. Elle peut masquer un compromis entre le refroidissement à court terme et le réchauffement à long terme. Si une entreprise compense une tonne de CO2 avec une réduction équivalente de méthane basée sur le PRG100, l'effet réel pourrait être un refroidissement temporaire suivi d'un réchauffement à long terme.
Contexte des compensations carbone
De nombreuses entreprises cherchent à compenser leurs émissions de CO2. L'idée est de financer des projets qui réduisent les gaz à effet de serre ailleurs. Si ces compensations utilisent la réduction du méthane pour équilibrer le CO2, sans tenir compte de leurs différences fondamentales, cela pourrait compromettre les objectifs climatiques à long terme.
Les PRG peuvent être vus comme un moyen de « discounting » le futur, c'est-à-dire de donner moins de poids aux dommages futurs par rapport aux bénéfices immédiats. Cela va à l'encontre de l'Accord de Paris, qui vise à stabiliser les températures mondiales bien en dessous de 2°C, plutôt que de maximiser la valeur actuelle nette au détriment des générations futures.
Comment agir efficacement ?
Compte tenu des différences fondamentales entre le CO2 et les polluants à courte durée de vie comme le méthane, comment devons-nous les gérer dans le cadre de l'atténuation du changement climatique ? Le consensus actuel s'oriente vers la fixation de cibles distinctes pour le CO2 et pour les polluants à courte durée de vie. Cela évite de les confondre directement.
Pour le secteur privé, plusieurs approches sont possibles. L'une d'elles est le principe du « comme pour comme » : réduire directement les émissions de méthane au sein de sa propre chaîne d'approvisionnement. Si ce n'est pas possible, il faut compenser ces émissions par l'achat de crédits d'abattement de polluants à courte durée de vie de haute qualité.
- Réduction directe : Diminuer les émissions de méthane à la source.
- Soutien à l'abattement : Financer des projets de réduction du méthane sans nécessairement les lier à une compensation directe du CO2.
- Compensations spécifiques : Utiliser des compensations de méthane en tenant explicitement compte de leur nature à courte durée de vie, par exemple en garantissant une réduction continue sur une longue période.
Certaines entreprises, comme Google, explorent l'utilisation de la réduction du méthane comme un pont temporaire vers l'élimination permanente du carbone. Cela fonctionnerait si l'élimination permanente est garantie et que la quantité de méthane est calibrée de manière à ce que la combinaison des deux ait un impact sur le réchauffement équivalent ou meilleur que l'élimination immédiate du carbone.
Il est impératif d'éviter que l'engouement actuel pour les « super-polluants » n'incite les entreprises à les utiliser comme compensations carbone basées sur des équivalences problématiques. Cela risquerait d'entraîner un réchauffement à long terme plus important. La réduction des polluants à courte durée de vie ne doit pas devenir un substitut à la réduction drastique et urgente des émissions de CO2.





