Le long des côtes du Massachusetts, 78 communautés sont confrontées à une réalité inévitable : la montée des eaux. Des inondations de plus en plus fréquentes transforment le quotidien, inondent les sous-sols et coupent les routes. Pour de nombreuses villes, l'avenir est déjà là, et il apporte avec lui des choix difficiles entre se protéger, s'adapter ou se retirer.
De Revere à Hull, en passant par Quincy et même des villes à l'intérieur des terres comme Taunton, les habitants et les municipalités luttent contre un ennemi implacable. Les solutions sont complexes, coûteuses et souvent insuffisantes face à l'accélération du changement climatique.
Points Clés
- Les communautés côtières du Massachusetts font face à des inondations de plus en plus graves dues à l'élévation du niveau de la mer.
- Des villes comme Revere, Quincy et Hull sont directement menacées, avec des infrastructures et des habitations régulièrement submergées.
- Même des villes situées à l'intérieur des terres, comme Taunton, sont affectées par les marées qui remontent les rivières.
- Les solutions varient de la construction de digues à la relocalisation volontaire des résidents, mais se heurtent à des coûts prohibitifs et à des défis réglementaires.
Revere : Vivre avec l'eau aux portes
À Revere, Joe LaVigueur, 77 ans, connaît bien le cycle des inondations. Sa maison sur Pearl Avenue est régulièrement cernée par les eaux. "J'ai une vue à un million de dollars et une maison à 10 dollars", dit-il avec une pointe d'ironie. L'eau arrive de partout : de l'océan qui franchit la digue, des eaux de pluie qui dévalent les rues et du marais voisin de Belle Isle qui déborde.
Dans son sous-sol, la chaudière et le chauffe-eau sont surélevés sur des parpaings, une précaution devenue indispensable. "On a appris à vivre avec", confie-t-il. "Mais ça empire."
Les projections pour la ville sont alarmantes. D'ici la fin de la décennie, les marées hautes moyennes pourraient être supérieures de 40 centimètres à celles de 2008. D'ici 2050, cette hausse pourrait atteindre 76 centimètres. La digue existante est vieillissante et s'effrite par endroits, offrant une protection limitée.
Un avenir incertain
Un rapport commandé par la ville suggère que la meilleure option à long terme pour des zones comme celle de M. LaVigueur serait un programme de rachat volontaire des propriétés par le gouvernement. Cependant, le financement d'une telle initiative reste une question sans réponse.
La construction d'une nouvelle digue ou d'une berme en terre se heurte à des obstacles financiers et réglementaires. Le coût d'une berme, estimé à 4,7 millions de dollars sans compter l'ingénierie et l'entretien, est jugé trop élevé pour un projet bénéficiant principalement à des propriétés privées.
Quincy : L'isolement par les marées
Pour les 3 000 habitants de la péninsule de Squantum à Quincy, l'inondation n'est pas seulement une question de dégâts matériels, mais aussi d'isolement. La seule route qui relie le quartier au reste de la ville, East Squantum Street, est régulièrement impraticable lors des fortes marées et des tempêtes.
Nasser Brahim, un résident, se souvient de plusieurs épisodes où la route a été coupée. "La question n'est pas de savoir si ça pourrait arriver ici", explique-t-il. "C'est ce qui est en train de se passer." L'eau ne vient pas toujours de la mer, mais refoule souvent des égouts pluviaux, submergeant la chaussée.
Une priorité de sécurité publique
La ville de Quincy, qui compte 43 kilomètres de côtes, a longtemps considéré ces fermetures de routes comme des "désagréments". Mais la répétition des événements a transformé le problème en une question de sécurité publique, empêchant l'accès des véhicules d'urgence.
Face à cette situation, le conseil municipal a approuvé à l'automne un plan de 1,2 million de dollars pour la protection contre les inondations, qui inclut la péninsule de Squantum. Des études sont en cours pour élever certaines sections de la route et construire de nouvelles protections. Cependant, pour des experts comme Ian Cooke de la Neponset River Watershed Association, ces défis dépassent souvent les capacités d'une seule municipalité.
"La réalité est que certains de ces défis sont trop grands pour que les municipalités individuelles les gèrent seules. Il faut vraiment des mécanismes de planification et de financement plus robustes." - Ian Cooke, Neponset River Watershed Association
Taunton : La menace qui vient de la rivière
À environ 24 kilomètres de l'océan, la ville de Taunton découvre sa vulnérabilité. La rivière Taunton, qui la traverse, est soumise à l'influence des marées. Son faible dénivelé permet à l'eau salée de remonter loin à l'intérieur des terres.
Cheryl Latour, propriétaire du restaurant Riverhouse dans le quartier de Weir, observe chaque jour le flux et le reflux de la rivière. Elle sait que ce qui fait le charme de son établissement pourrait un jour causer sa perte. Selon les projections de l'État, son quartier pourrait être inondé lors des fortes tempêtes dès 2030.
Des risques sous-estimés
Depuis 1930, le niveau de la mer dans la région a déjà augmenté de plus de 22 centimètres. Le plan de gestion des risques de la ville de Taunton évalue que plus de 300 millions de dollars de biens immobiliers sont menacés. Pourtant, la prise de conscience reste limitée.
Mme Latour, 67 ans, admet ne pas avoir beaucoup réfléchi au problème. "Je suppose que je devrais commencer à y penser un peu plus", dit-elle. Comme beaucoup, l'idée de partir est difficile à envisager. "Je dois être près de l'eau. J'ai élevé mes enfants sur l'eau, sur cette rivière."
Hull : Entre adaptation et retraite stratégique
Construite sur une étroite péninsule, la ville de Hull est l'une des plus exposées de l'État. Pour Bryan Fenelon, 62 ans, un chiffre est synonyme de danger : 12 pieds (environ 3,6 mètres). Lorsque les cartes de marées affichent cette hauteur, il sait que son sous-sol et son jardin seront inondés. Il commence alors à préparer ses sacs de sable.
Les prévisions pour Hull sont particulièrement sombres. D'ici 2050, de grandes parties de la péninsule devraient être inondées au moins une fois par an. La ville a adopté une stratégie proactive, aidée par un directeur de l'adaptation climatique à plein temps, une rareté pour une commune de cette taille.
Les projets incluent :
- La reconstruction d'une digue de 15 millions de dollars plus à l'intérieur des terres.
- La transformation de parkings en dunes pour créer une défense naturelle.
- Le déplacement d'une station de pompage des eaux usées loin de la côte.
"Même si notre taille est petite, notre besoin est grand", déclare Chris Krahforst, le directeur de l'adaptation climatique. La partie la plus difficile reste la gestion des zones résidentielles. Des discussions ont été entamées avec les habitants sur les deux seules options viables : surélever les maisons ou partir.
Même un résident résilient comme Bryan Fenelon, qui a installé trois pompes de puisard et vérifie lui-même les drains, commence à envisager de déménager. L'idée de trouver un endroit plus sûr commence à faire son chemin, alors que la lutte contre la mer devient un combat de tous les jours.





