Face à l'accélération du réchauffement climatique, des scientifiques explorent des techniques controversées de modification du rayonnement solaire pour refroidir la planète. Un nouveau rapport de la Royal Society met en lumière le potentiel et les dangers de ces technologies, soulignant qu'elles ne peuvent en aucun cas remplacer la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ces méthodes, connues sous le nom de géo-ingénierie solaire, visent à réfléchir une petite partie de la lumière du soleil vers l'espace. Si elles pourraient en théorie limiter la hausse des températures, elles comportent des risques importants et des incertitudes majeures qui nécessitent une extrême prudence.
Points Clés
- La géo-ingénierie solaire (SRM) est une technique envisagée pour refroidir la Terre en réfléchissant la lumière du soleil.
- Elle ne traite pas la cause profonde du changement climatique, à savoir les émissions de gaz à effet de serre.
- Les deux principales méthodes sont l'injection d'aérosols stratosphériques (SAI) et l'éclaircissement des nuages marins (MCB).
- Des risques majeurs existent, notamment des perturbations climatiques régionales et un réchauffement rapide en cas d'arrêt brutal (« effet de terminaison »).
- Une gouvernance mondiale stricte serait indispensable pour toute mise en œuvre éventuelle.
Qu'est-ce que la modification du rayonnement solaire ?
Alors que les politiques actuelles peinent à limiter le réchauffement bien en deçà de 2°C, certains experts se tournent vers des solutions technologiques radicales. La modification du rayonnement solaire (SRM) est l'une d'entre elles. L'idée est d'intervenir directement sur l'atmosphère pour diminuer la quantité d'énergie solaire atteignant la surface de la Terre.
Cette approche ne s'attaque pas à la concentration de CO2 dans l'atmosphère, mais cherche plutôt à masquer ses effets en abaissant artificiellement la température globale. Elle est souvent présentée non comme une solution, mais comme un outil potentiel pour gagner du temps pendant que le monde opère sa transition énergétique.
Les deux techniques principales à l'étude
Deux méthodes de SRM retiennent particulièrement l'attention de la communauté scientifique :
- L'injection d'aérosols stratosphériques (SAI) : Cette technique consisterait à libérer des particules réfléchissantes, comme des sulfates, dans la haute atmosphère (la stratosphère). Ces particules agiraient comme un miroir, renvoyant une partie du rayonnement solaire dans l'espace. Le phénomène s'inspire des grandes éruptions volcaniques, qui refroidissent temporairement le climat en projetant des cendres dans l'atmosphère.
- L'éclaircissement des nuages marins (MCB) : Cette méthode vise à augmenter la réflectivité des nuages bas au-dessus des océans. En pulvérisant de fines particules de sel de mer dans l'air, on favoriserait la formation de gouttelettes d'eau plus petites et plus nombreuses, rendant les nuages plus blancs et donc plus réfléchissants.
Parmi ces deux options, l'injection d'aérosols est actuellement considérée comme plus réalisable à grande échelle, et ses mécanismes sont mieux compris par les modèles climatiques.
Un potentiel de refroidissement aux conséquences incertaines
Les simulations climatiques et l'observation d'événements naturels, comme les éruptions volcaniques, suggèrent qu'un déploiement coordonné de la géo-ingénierie solaire pourrait effectivement faire baisser la température moyenne mondiale. Selon le rapport de la Royal Society, une telle intervention pourrait atténuer certains des impacts les plus graves du changement climatique, tels que les vagues de chaleur extrêmes.
Un réchauffement alarmant
Selon certaines projections, les politiques climatiques actuelles pourraient entraîner une augmentation des températures mondiales de plus de 3°C d'ici 2100, bien au-delà des objectifs de l'Accord de Paris. Ce scénario entraînerait des risques catastrophiques pour les écosystèmes et les sociétés humaines.
Cependant, les experts insistent sur le fait que la confiance dans les prédictions des modèles diminue considérablement lorsqu'il s'agit d'impacts régionaux. Une intervention dans une partie du globe pourrait avoir des conséquences imprévues et potentiellement désastreuses ailleurs.
« Si elle était déployée de manière scientifiquement informée, coordonnée au niveau mondial et convenue internationalement, l'injection d'aérosols stratosphériques pourrait améliorer de nombreux impacts négatifs du changement climatique, mais pas tous. Cependant, si elle était déployée sans la diligence requise, la SRM pourrait exacerber le changement climatique régional. »
Des risques qui ne peuvent être ignorés
La liste des dangers potentiels associés à la géo-ingénierie solaire est longue et préoccupante. Le rapport met en évidence plusieurs points critiques qui freinent tout enthousiasme hâtif.
Perturbations des régimes climatiques
L'un des plus grands risques est l'altération des régimes de précipitations. Une injection d'aérosols concentrée dans un seul hémisphère ou le long de l'équateur pourrait déplacer les moussons et provoquer des sécheresses ou des inondations dans différentes régions du monde. Ces effets inégaux pourraient créer de nouvelles tensions géopolitiques.
La géo-ingénierie ne résoudrait pas non plus tous les problèmes liés au CO2. L'acidification des océans, par exemple, continuerait de s'aggraver tant que les émissions ne seront pas réduites à la source.
L'« effet de terminaison » : un danger majeur
Un scénario particulièrement redouté est celui de l'« effet de terminaison ». Si un programme de SRM était déployé pendant des décennies puis arrêté brusquement (par exemple, suite à un conflit ou une crise économique), le masquage de l'effet de serre disparaîtrait. Les températures mondiales pourraient alors grimper de 1 à 2°C en seulement quelques années, un choc thermique que la plupart des écosystèmes et des sociétés ne pourraient pas supporter.
La nécessité d'une gouvernance mondiale
Face à des enjeux aussi complexes, les scientifiques sont unanimes : toute décision concernant la géo-ingénierie solaire devrait être le fruit d'un consensus international robuste et d'une gouvernance mondiale transparente. Les défis sont immenses, tant sur le plan technique que politique.
Le professeur Keith Shine, qui a présidé le groupe de travail du rapport, insiste sur ce point : « Si les décideurs politiques prenaient la décision de déployer la SRM, une stratégie scientifiquement informée, coordonnée au niveau mondial et acceptée internationalement serait essentielle pour parvenir à un refroidissement global et éviter des impacts climatiques régionaux indésirables potentiellement importants. »
En conclusion, la modification du rayonnement solaire reste une perspective lointaine et risquée. Le rapport de la Royal Society la présente non pas comme une solution miracle, mais comme un sujet de recherche qui doit être abordé avec une extrême prudence. La priorité absolue demeure, et de loin, la réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre, seule véritable solution à la crise climatique.





