Les forêts tropicales australiennes, autrefois considérées comme des puits de carbone vitaux, sont désormais une source nette d'émissions de dioxyde de carbone. Une étude récente menée par des scientifiques internationaux révèle que la biomasse ligneuse de ces écosystèmes libère plus de CO2 qu'elle n'en absorbe, avec des implications mondiales pour le climat.
Points Clés
- Les forêts tropicales australiennes sont devenues une source nette de carbone.
- Le changement s'est probablement produit il y a environ 25 ans.
- L'augmentation de la mortalité des arbres, sans croissance compensatoire, est le principal facteur.
- Les cyclones, plus fréquents et intenses, aggravent la mortalité.
- Cette tendance pourrait s'étendre à d'autres forêts tropicales mondiales.
Un Changement Inquiétant pour le Climat Mondial
Les forêts tropicales humides sont des éléments cruciaux de la régulation climatique mondiale. Elles couvrent moins de 10 % de la surface terrestre, mais abritent plus de la moitié des espèces végétales et animales de la planète. Leur capacité à séquestrer le carbone est un service écosystémique inestimable, aidant à retirer le dioxyde de carbone de l'atmosphère et à freiner le réchauffement climatique.
Pourtant, une nouvelle recherche publiée dans la revue scientifique Nature, intitulée « Aboveground biomass in Australian tropical forests now a net carbon source », met en lumière un renversement préoccupant. L'étude, dirigée par Hannah Carle de l'Université Western Sydney, démontre que la biomasse ligneuse aérienne (AGB) des forêts tropicales australiennes émet désormais plus de carbone qu'elle n'en absorbe.
Chiffres Clés
- De 1971 à 2000, l'AGB absorbait en moyenne 620 kg de carbone par hectare annuellement.
- De 2010 à 2019, l'AGB a émis en moyenne 930 kg de carbone par hectare annuellement.
- La capacité d'absorption nette de carbone de l'AGB diminue de 41 kg de carbone par hectare et par an.
Une Perte de Capacité d'Absorption de Carbone
Les chercheurs ont analysé 49 ans de données provenant de 20 sites de forêts tropicales du nord-est du Queensland, incluant des zones près de Cooktown, Cairns et Mackay. Cet ensemble de données représente le plus grand inventaire disponible des forêts tropicales australiennes, avec plus de 10 000 arbres de 474 espèces différentes.
Les résultats indiquent que ce basculement d'un statut de puits de carbone à celui de source de carbone s'est probablement produit il y a environ 25 ans, au tournant du siècle. Ce n'est pas seulement que la biomasse ligneuse a cessé d'absorber du carbone ; elle en émet maintenant plus qu'elle n'en a historiquement absorbé.
Le Rôle des Forêts Tropicales
En 2021, une étude menée par des scientifiques de la NASA estimait que, de 2000 à 2019, les forêts tropicales mondiales agissaient comme un « puits de carbone » net, absorbant 410 millions de tonnes de carbone de plus par an qu'elles n'en émettaient. La biomasse ligneuse vivante (racines, bois, écorce, feuilles) était responsable de 80 % de cet effet de séquestration.
Les Causes Profondes du Déclin
La principale raison de cette inversion est l'augmentation de la mortalité des arbres, sans une augmentation correspondante de la croissance des arbres survivants. Les forêts tropicales australiennes connaissent des taux de mortalité deux fois plus élevés qu'en 1970. Cette conclusion découle d'une étude antérieure utilisant les mêmes sites de surveillance.
Deux facteurs majeurs sont identifiés :
- Le déficit de pression de vapeur (DPV) : Une demande atmosphérique accrue en eau par les plantes, provoquant des déficits hydriques.
- L'augmentation de la température atmosphérique : Ces deux effets sont largement attribuables au changement climatique.
L'Impact Croissant des Cyclones
L'étude souligne également le rôle significatif des cyclones. Leur sévérité augmente sous l'effet du changement climatique, y compris dans le nord du Queensland. Les cyclones « ont considérablement réduit la capacité de puits de carbone de l'AGB ligneuse dans les six années suivant un cyclone » et « ont augmenté le taux de mortalité au-dessus des niveaux de base de 19 % ».
« Les résultats de cette étude suggèrent un potentiel de réponse similaire au changement climatique par la biomasse ligneuse aérienne dans les forêts tropicales humides du monde entier, ce qui pourrait aboutir à un basculement à long terme des puits de carbone vers des sources de carbone. »
Des Implications Mondiales et un Cercle Vicieux
Ces découvertes s'ajoutent à d'autres recherches montrant une diminution similaire de l'absorption de carbone dans les forêts tropicales d'autres continents. En 2021, une étude a révélé un déclin à long terme de la fonction d'absorption de carbone de la forêt amazonienne, la partie sud-est de l'Amazonie agissant même comme une source nette de carbone, en raison de l'augmentation de la mortalité des arbres due à l'intensification des saisons sèches et à la déforestation.
D'autres recherches internationales ont montré que des conditions climatiques extrêmes comme les sécheresses, qui ont causé une mortalité massive d'arbres dans les forêts tropicales, ont eu des impacts temporaires mais significatifs sur la capacité de puits de carbone de l'AGB. Des sécheresses majeures en 2005 et 2010 en Amérique du Sud ont temporairement inversé le puits de carbone à long terme de la forêt amazonienne. Les sécheresses liées à El Niño ont également interrompu temporairement les puits de carbone de la biomasse à Bornéo en 1997-98 et dans les forêts sud-américaines en 2015-16.
Cependant, cette nouvelle étude est la première à signaler une inversion à long terme de l'AGB dans les forêts tropicales, passant de puits de carbone à émetteurs de carbone. Cela fournit une preuve supplémentaire que les écosystèmes forestiers mondiaux pourraient potentiellement devenir des sources nettes de dioxyde de carbone dans un avenir proche, surtout en l'absence de réductions rapides et majeures des émissions de gaz à effet de serre.
Un Danger de Boucle de Rétroaction
Si les forêts tropicales diminuent leur absorption de carbone en raison du changement climatique, cela entraînera à son tour des niveaux plus élevés de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, exacerbant davantage le réchauffement climatique. C'est une boucle de rétroaction dangereuse.
Urgence d'Agir pour le Climat
Il est impératif d'intensifier la recherche pour obtenir une image globale complète de ce danger, en se concentrant sur les forêts tropicales d'autres continents et en étudiant le rôle d'autres composants de l'écosystème, comme le sol.
Les auteurs de l'étude concluent leur article en déclarant que « l'action sur le changement climatique doit être une priorité absolue si nous voulons sauvegarder la capacité de puits de carbone des forêts tropicales. »
Les gouvernements du monde entier sont appelés à prendre des mesures urgentes face à cette accumulation de preuves. L'inaction pourrait avoir des conséquences irréversibles sur les écosystèmes les plus productifs de la planète, les transformant en contributeurs actifs à la crise climatique qu'ils étaient censés atténuer.





