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Réchauffement des sols forestiers tropicaux : fortes émissions

Une étude à Porto Rico révèle que le réchauffement des sols forestiers tropicaux entraîne une augmentation inattendue des émissions de CO2, jusqu'à 204% plus élevées, avec des implications majeures po

Émilie Dubois
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Émilie Dubois

Émilie Dubois est une journaliste spécialisée dans les marchés de l'énergie et la politique environnementale. Avec plus d'une décennie d'expérience, elle analyse les tendances mondiales des combustibles fossiles, les énergies renouvelables et les impacts du changement climatique sur l'économie.

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Réchauffement des sols forestiers tropicaux : fortes émissions

Une étude menée à Porto Rico révèle que le réchauffement des sols dans une forêt tropicale humide entraîne une augmentation inattendue de la respiration du sol. Les chercheurs ont observé des taux d'émission de dioxyde de carbone (CO2) jusqu'à 204 % plus élevés dans les parcelles chauffées expérimentalement. Ces résultats sont importants pour les prévisions climatiques mondiales.

Points Clés

  • Le réchauffement expérimental de +4 °C augmente la respiration du sol de 42 à 204 %.
  • Ces taux d'émission de CO2 sont parmi les plus élevés jamais enregistrés dans un écosystème terrestre.
  • La sensibilité à la température (Q10) du sol a diminué de 71,7 %, indiquant un changement mécanique.
  • La biomasse microbienne du sol a augmenté de plus de 50 % dans les parcelles chauffées.
  • La contribution des racines à la respiration totale du sol a diminué.

Impact du Réchauffement sur la Respiration du Sol

Au cours du siècle prochain, les températures de l'air dans les régions tropicales pourraient augmenter de 1 à 6 °C. Les sols tropicaux devraient se réchauffer à un rythme similaire. Cela soulève des questions sur la réaction de la respiration du sol dans ces environnements déjà chauds. Les forêts tropicales sont des régulateurs majeurs du cycle global du carbone. Elles échangent plus de CO2 avec l'atmosphère que tout autre biome terrestre. Des changements même subtils dans la respiration du sol peuvent donc influencer fortement les concentrations atmosphériques de CO2 et le climat mondial.

Une analyse de modèles du système terrestre a montré une variation trois fois plus grande des projections de bilan carbone dans les tropiques par rapport à d'autres latitudes. Cela suggère une faible représentation des réponses du cycle du carbone au changement global dans ces écosystèmes riches en carbone. La compréhension de la régulation des flux de carbone du sol par la température dans les forêts tropicales chaudes (températures annuelles moyennes supérieures à 20 °C) est particulièrement limitée. Cela est en partie dû à l'idée que les écosystèmes tropicaux seraient moins sensibles au réchauffement que ceux des latitudes plus élevées.

Fait Marquant

Les taux de respiration du sol dans les parcelles chauffées étaient 42 à 204 % plus élevés que dans les parcelles témoins. C'est l'un des taux les plus élevés jamais signalés pour un écosystème terrestre.

L'Expérience TRACE à Porto Rico

Pour mieux comprendre ces mécanismes, une expérience de réchauffement in situ a été menée à Porto Rico. Cette expérience, nommée TRACE (Tropical Responses to Altered Climate Experiment), a évalué les réponses de la respiration du sol à un réchauffement chronique. Les plantes du sous-bois et les sols ont été chauffés expérimentalement à 4 °C au-dessus des températures ambiantes, jusqu'à une profondeur de 50 cm. Des radiateurs infrarouges ont été utilisés dans un arrangement hexagonal. Trois parcelles chauffées ont été comparées à trois parcelles témoins de position topographique similaire : pente inférieure, pente médiane et pente supérieure.

Pendant un an, les taux de respiration du sol ont été mesurés toutes les demi-heures dans chaque parcelle. Plus de 57 450 mesures ont été enregistrées entre septembre 2016 et septembre 2017. En plus de ces mesures continues, 152 mesures de flux supplémentaires ont été effectuées en novembre 2020. L'objectif était d'évaluer l'hétérogénéité spatiale des taux de respiration du sol sur le site.

« Les modèles climatiques prévoient un réchauffement climatique sans précédent dans les régions tropicales. Cependant, les études de réchauffement in situ y sont rares. »

Résultats : Augmentation et Variations de la Respiration

Le réchauffement expérimental a provoqué des augmentations substantielles et plus importantes que prévu de la respiration du sol. Les flux de CO2 ont augmenté de 42 % et 59 % dans les positions de pente médiane et inférieure, respectivement. Dans la position de pente supérieure, l'augmentation a été encore plus marquée, atteignant 204 %. Ces réponses sont supérieures à celles observées dans la plupart des expériences de réchauffement de terrain, quel que soit l'écosystème étudié. Étant donné les flux de respiration du sol déjà élevés caractéristiques des forêts tropicales, le réchauffement a libéré une quantité importante de CO2 supplémentaire dans l'atmosphère.

Émissions Supplémentaires

  • Pente inférieure : 6,5 Mg CO2-C ha-1 an-1 de CO2 supplémentaire.
  • Pente médiane : 9,7 Mg CO2-C ha-1 an-1 de CO2 supplémentaire.
  • Pente supérieure : 81,7 Mg CO2-C ha-1 an-1 de CO2 supplémentaire.

Ces augmentations sont considérables. Par exemple, l'excès de CO2 de la pente médiane équivaut à la productivité primaire nette annuelle totale d'une prairie tempérée.

Le réchauffement a également augmenté la variabilité des taux de respiration. Cela pourrait indiquer une plus grande variabilité des conditions environnementales ou une synergie entre le réchauffement et les contrôles de l'humidité du sol. Les chercheurs ont utilisé plusieurs approches pour confirmer que ces augmentations étaient bien dues au réchauffement et non à une variabilité spatiale aléatoire ou à des erreurs de mesure. Les données avant traitement n'ont montré aucune différence significative entre les parcelles chauffées et non chauffées.

Mécanismes Sous-Jacents : Microbes et Racines

L'expérience TRACE, qui a chauffé à la fois le sous-bois et les sols, permet une exploration intégrée des contrôles aériens et souterrains sur la respiration du sol. Les plantes cultivées à des températures plus élevées peuvent modifier l'allocation du carbone vers la biomasse racinaire et les exsudats racinaires. Cela influence la contribution de la respiration racinaire à la respiration totale du sol, ainsi que le carbone disponible pour les processus microbiens.

Contexte

La respiration du sol est le processus par lequel le CO2 est libéré du sol dans l'atmosphère. Elle est le résultat de l'activité des micro-organismes du sol et de la respiration des racines des plantes. C'est un composant clé du cycle global du carbone.

Après six mois de réchauffement, la biomasse des racines fines vivantes a diminué de 32 % dans les parcelles chauffées par rapport aux parcelles témoins. Bien qu'aucune acclimatation significative de la respiration spécifique des racines n'ait été observée, la réduction de la biomasse racinaire a entraîné une diminution de la contribution des racines à la respiration totale. En revanche, la biomasse microbienne du carbone du sol a augmenté de plus de 50 % dans les parcelles chauffées.

Ces résultats suggèrent que la forte augmentation de la respiration du sol est due à une augmentation du flux de CO2 d'origine microbienne. Cela s'est produit simultanément à une diminution de la contribution du CO2 d'origine racinaire. Une expérience similaire au Panama, chauffant uniquement le sol, a également trouvé une forte augmentation de la respiration du sol due principalement à des sources microbiennes, sans changement dans la contribution des racines. Ces différences mettent en évidence le rôle important des interactions entre les processus aériens et souterrains dans la réponse de la respiration du sol aux températures plus chaudes.

Sensibilité à la Température et Humidité du Sol

Malgré des taux élevés de flux de CO2 du sol, aucune différence significative n'a été trouvée dans les stocks de carbone total ou disponible dans les sols de surface après six mois de réchauffement. Il n'est pas clair si, et pendant combien de temps, les stocks de carbone du sol pourront être maintenus à ces niveaux élevés. Il est crucial de déterminer la source du carbone supplémentaire qui alimente ces taux de respiration élevés, en particulier sur la pente supérieure.

La sensibilité à la température (Q10) de la respiration du sol a été significativement réduite avec le réchauffement. Le Q10 est passé de 2,51 ± 1,23 dans les parcelles témoins à 0,71 ± 1,30 dans les parcelles chauffées. Un Q10 inférieur à 1 indique que le taux de respiration du sol a diminué par unité d'augmentation de température dans les parcelles chauffées. Cependant, les taux de respiration eux-mêmes étaient plus élevés. Cela suggère un changement vers des taux métaboliques de base globalement plus élevés, avec une réponse plastique de la communauté microbienne.

Le réchauffement a également affecté l'humidité du sol. Les températures du sol ont augmenté de manière similaire dans toutes les parcelles chauffées, en moyenne de 3,99 °C. Cependant, l'humidité du sol a réagi différemment selon la position topographique. Les sols des pentes inférieure et médiane étaient plus secs sous le traitement de réchauffement. En revanche, les sols de la pente supérieure étaient étonnamment plus humides dans les parcelles chauffées. Ces données suggèrent que le réchauffement régulera la respiration du sol en partie par des interactions avec l'humidité du sol.

Implications Globales pour le Climat Futur

Les forêts tropicales de plaine connaissent une gamme de températures très étroite. Une augmentation expérimentale moyenne de 4 °C a presque doublé l'intervalle de température total de l'écosystème. Cela a poussé les parcelles chauffées dans un nouvel espace climatique. Le réchauffement climatique futur attendu dans les forêts tropicales aura des augmentations proportionnelles similaires de température.

Contrairement à l'idée que les réponses des forêts tropicales à l'augmentation de la température seraient relativement modérées, cette étude montre des augmentations importantes de la respiration du sol. Ces augmentations ont des implications substantielles pour les prévisions climatiques mondiales. Bien que la respiration du sol ait montré des signes d'acclimatation en ce qui concerne le Q10, les taux de respiration étaient nettement plus élevés dans les parcelles chauffées. Cette étude, la deuxième observation de terrain d'une expérience in situ, démontre un potentiel de pertes importantes de carbone des écosystèmes forestiers tropicaux dans un monde plus chaud.

Il est essentiel d'évaluer la réponse de la respiration du sol aux températures plus chaudes dans une gamme d'écosystèmes forestiers tropicaux. Chaque type de forêt reflète une diversité incroyable dans la structure, la composition de la communauté et les conditions du sol. Cela rend peu probable que ces systèmes présentent une trajectoire de réponse unique à un climat changeant. Comprendre les mécanismes sous-jacents est crucial pour une représentation précise des écosystèmes tropicaux dans les modèles globaux et pour évaluer l'ampleur et la durée des rétroactions sur le climat futur à long terme.