Le Pakistan est de nouveau confronté à des inondations dévastatrices. Chaque année, la saison de la mousson apporte son lot de pluies torrentielles, mais l'intensité et la fréquence des événements extrêmes s'aggravent, poussant le pays au bord de la catastrophe humanitaire et environnementale. Cette année, plus de 1 000 personnes ont perdu la vie en trois mois, et près de 7 millions sont directement affectées.
Points Clés
- Plus de 1 000 décès en trois mois, 6,9 millions de personnes affectées.
- Le Pakistan, responsable de seulement 1 % des émissions mondiales, subit des conséquences disproportionnées du changement climatique.
- Des phénomènes variés : débâcles glaciaires, crues éclair et inondations fluviales simultanées.
- La pauvreté et la corruption exacerbent les risques pour les communautés vulnérables.
- Des solutions d'habitation résilientes et des systèmes d'alerte précoce sont mis en place, mais les défis restent immenses.
Le Changement Climatique, une Menace Permanente
Le Pakistan est un pays particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique. Paradoxalement, il n'est responsable que d'environ 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, ses populations, en particulier les plus démunies, paient un lourd tribut. Les inondations de cette année, qui ont débuté fin juin, ont révélé une fois de plus la fragilité du pays face à des phénomènes météorologiques de plus en plus intenses.
Dans la province du Pendjab, Arshad, un grand-père du village de Sambrial, a vu sa famille emportée par une crue soudaine en août. Sa petite-fille Zara, âgée d'un an, ainsi que ses parents et trois frères et sœurs, ont péri. « Nous avons soudainement vu beaucoup d'eau. J'ai grimpé sur le toit et je les ai exhortés à me rejoindre », a-t-il raconté. Un témoignage poignant qui illustre l'horreur vécue par de nombreuses familles.
Chiffres alarmants
- Plus de 1 000 morts en trois mois de mousson.
- 6,9 millions de personnes affectées selon l'OCHA.
- 2,7 millions de déplacés rien que dans le Pendjab.
- Plus d'un million d'hectares de terres agricoles endommagées.
Des Phénomènes Multiples et Dévastateurs
Les inondations au Pakistan ne se manifestent pas d'une seule manière. Du nord au sud, le pays subit une variété de catastrophes liées au climat.
Débâcles glaciaires dans le Nord
Dans les régions montagneuses de Gilgit-Baltistan, l'augmentation des températures provoque la fonte accélérée des plus de 7 000 glaciers de l'Himalaya, du Karakoram et de l'Hindu Kush. Cette fonte forme des lacs glaciaires qui peuvent éclater soudainement, provoquant des débâcles. Des milliers de villages sont menacés. Cet été, des centaines de maisons ont été détruites et des routes endommagées par des glissements de terrain et des crues éclair.
Les systèmes d'alerte précoce, bien qu'en développement avec le soutien de la Banque Mondiale, sont souvent inefficaces dans ces zones reculées où le réseau mobile est faible. Cependant, la solidarité communautaire joue un rôle crucial. Un berger nommé Wasit Khan a réussi à sauver des dizaines de personnes en courant alerter les villages après avoir perçu les signes d'une débâcle.
« J'ai dit à tout le monde de laisser leurs affaires, de quitter la maison, de prendre leurs femmes, leurs enfants et les personnes âgées et de s'enfuir », a-t-il déclaré.
Crues éclair et pluies intenses
Dans la province du Khyber Pakhtunkhwa, les crues éclair causées par des averses intenses sont fréquentes. À Gadoon, des villageois ont fouillé les décombres à mains nues après qu'une pluie soudaine ait emporté plusieurs maisons et déclenché un glissement de terrain. Les engins de chantier, pourtant indispensables, étaient bloqués par les routes inondées. La recherche de survivants est devenue une course contre la montre, souvent vaine, comme en témoigne la découverte des corps de deux enfants.
Qu'est-ce qu'une averse intense ?
Une averse intense (ou « cloudburst » en anglais) se produit lorsqu'un courant ascendant soudain d'air humide et moite entraîne une forte concentration de pluie localisée, provoquant des inondations éclair et des glissements de terrain.
Constructions Illégales et Corruption
Un facteur aggravant de la crise des inondations est la construction illégale dans les plaines inondables. Des millions de personnes se sont installées le long des rivières et des ruisseaux, des zones naturellement sujettes aux inondations. La loi pakistanaise interdit de construire à moins de 61 mètres d'une rivière, mais cette règle est souvent ignorée.
Selon le climatologue Fahad Saeed, la corruption locale est en cause. Les fonctionnaires ne feraient pas respecter la loi, permettant des constructions dangereuses. Il a pointé du doigt un immeuble de quatre étages en construction près d'un ruisseau à Islamabad, qui a inondé cet été, tuant un enfant. « À quelques kilomètres du parlement et de telles choses se produisent encore au Pakistan », a-t-il déploré, visiblement frustré.
L'ancienne ministre du Climat, la sénatrice Sherry Rehman, a qualifié ces pratiques de « corruption » ou de « fermer les yeux » sur l'octroi de permis de construire dans des zones vulnérables.
Le Grenier du Pakistan Submergé
Fin août, les inondations avaient submergé 4 500 villages dans le Pendjab, la région considérée comme le « grenier du Pakistan ». Pour la première fois, trois rivières – le Sutlej, le Ravi et le Chenab – ont débordé simultanément, déclenchant la plus grande opération de sauvetage depuis des décennies.
« C'était l'anomalie la plus importante », a souligné Syed Muhammad Tayyab Shah, responsable des risques à l'Autorité Nationale de Gestion des Catastrophes (NDMA).
À Lahore, la capitale du Pendjab, l'impact sur les communautés riches et pauvres est frappant. Le quartier résidentiel de Park View City a été inondé par la rivière Ravi, forçant l'évacuation des résidents des maisons de luxe. Abdullah et son père Gulraiz étaient convaincus que l'eau serait rapidement drainée grâce au promoteur immobilier de la zone, Aleem Khan, un ministre fédéral. « Pas de problème, Aleem Khan s'en occupera », a déclaré Gulraiz.
Cependant, pour les habitants du quartier plus pauvre de Theme Park, les inondations ont été dévastatrices. Les résidents revenaient désespérément chez eux pour tenter de sauver leurs biens lorsque le niveau de l'eau baissait, pour se retrouver de nouveau bloqués lorsque l'eau remontait. Sumera, enceinte de quelques semaines, vit sous une tente avec son fils Arsh, souffrant de malnutrition et ayant besoin de transfusions sanguines. À côté, Ali Ahmad, un jeune garçon, tente de réconforter un chaton sauvé des inondations.
Rechercher des Solutions Résilientes
Face à cette réalité, des initiatives émergent pour trouver des solutions durables. L'architecte Yasmeen Lari a conçu des « maisons résilientes au climat » dans des dizaines de villages. Ces habitations circulaires sur pilotis, construites avec des matériaux naturels comme le bambou et le ciment de chaux, peuvent être rapidement reconstruites par les villageois eux-mêmes.
Dr Lari explique que l'objectif n'est pas de construire des villages entiers sur pilotis, ce qui serait trop coûteux, mais de s'assurer que les toits ne s'effondrent pas et que les maisons puissent être reconstruites facilement. « Il ne s'agit plus de sauver des bâtiments ; il s'agit de sauver des vies », affirme-t-elle.
Le futur du Pakistan reste préoccupant. Tous les experts et politiciens interrogés par les journalistes préviennent d'une aggravation de la situation. « Chaque année, la mousson deviendra de plus en plus agressive », a prédit Syed Muhammad Tayyab Shah de la NDMA. « Chaque année, il y aura une nouvelle surprise pour nous. »
Alors que le pays fait face à des défis climatiques croissants et changeants, les plus pauvres sont souvent les plus touchés. Beaucoup de ceux qui retournent dans leurs maisons, probablement inondées l'année prochaine, répètent la même chose : « Je n'ai nulle part où aller. »





