Vingt-deux jeunes Américains, âgés de 7 à 25 ans, ont engagé une action en justice contre le gouvernement fédéral des États-Unis. Dans l'affaire connue sous le nom de Lighthiser v. Trump, ils demandent à un tribunal du Montana de déclarer inconstitutionnels trois décrets présidentiels qui favorisent l'exploitation des énergies fossiles. Les plaignants soutiennent que ces politiques menacent directement leur avenir et violent leurs droits fondamentaux.
L'audience, qui s'est tenue à Missoula, Montana, devant le juge Dana L. Christensen, a mis en lumière les impacts personnels du changement climatique sur la jeune génération. Cette affaire représente une nouvelle tentative de tenir le gouvernement responsable de sa politique énergétique, en adoptant une stratégie juridique distincte de celle de l'affaire précédente, Juliana v. United States.
Points Clés
- 22 jeunes plaignants poursuivent le gouvernement fédéral américain pour sa politique en faveur des énergies fossiles.
- L'affaire, Lighthiser v. Trump, vise à faire déclarer inconstitutionnels trois décrets présidentiels.
- Les plaignants affirment que ces décrets violent leurs droits constitutionnels à la vie et à la liberté.
- La stratégie juridique est plus ciblée que dans l'affaire Juliana pour éviter un rejet pour des raisons de compétence judiciaire.
- Le ministère de la Justice demande le rejet de l'affaire, arguant que la politique énergétique relève du pouvoir exécutif.
Les fondements de l'action en justice
L'affaire Lighthiser v. Trump a été initiée par 22 jeunes plaignants, avec le soutien du cabinet d'avocats à but non lucratif Our Children’s Trust. Ils contestent la légalité de trois décrets spécifiques signés par l'ancien président Donald Trump. Ces décrets, intitulés « Libérer l'énergie américaine », « Déclarer une urgence énergétique nationale » et « Revigorer la belle industrie du charbon propre en Amérique », ordonnent aux agences fédérales de supprimer les obstacles à la production d'énergie nationale, en particulier le charbon, tout en excluant les énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire de ces mesures de soutien.
Les plaignants soutiennent que cette accélération délibérée du développement des combustibles fossiles a des conséquences directes et néfastes sur leur santé physique, mentale et économique. Lors de l'audience qui a débuté le 16 septembre, cinq jeunes ont témoigné pour décrire comment le changement climatique affecte déjà leur vie.
Témoignages poignants des jeunes plaignants
Les récits présentés au tribunal ont illustré les dangers concrets auxquels cette génération est confrontée. Joseph Lee, 19 ans, originaire de Californie, a raconté avoir été hospitalisé pour un coup de chaleur. Avery McRae, 20 ans, étudiante en Floride, a expliqué que les ouragans l'ont forcée à évacuer son campus à trois reprises en deux ans.
Un autre plaignant, Jeffrey K., âgé de 11 ans, a témoigné que l'aggravation de la fumée des incendies de forêt représente un risque important pour lui et son jeune frère, tous deux atteints de maladies pulmonaires. « Libérer les combustibles fossiles va certainement aggraver l'environnement, en termes de chaleur et de qualité de l'air », a-t-il déclaré à la cour.
Impacts sur la santé mentale
Au-delà des impacts physiques, tous les jeunes témoins ont mentionné les conséquences sur leur santé mentale. Ils ont décrit des sentiments de peur, d'anxiété, de tristesse et d'incertitude quant à leur avenir, des émotions directement liées à la crise climatique.
Une stratégie juridique pour éviter un précédent échec
Le succès de l'affaire Lighthiser dépendra de sa capacité à se distinguer d'une autre action en justice climatique très médiatisée, Juliana v. United States. Cette dernière, également portée par Our Children's Trust, a été rejetée en mars dernier après dix ans de procédure, principalement pour un motif de « défaut de qualité pour agir ».
Pour intenter une action devant un tribunal fédéral, les plaignants doivent prouver trois éléments : qu'ils ont subi un préjudice, que ce préjudice a été causé par l'action contestée (la « traçabilité »), et que le tribunal a le pouvoir de remédier à ce préjudice (la « réparabilité »). C'est ce dernier point qui a fait échouer l'affaire Juliana, les tribunaux ayant estimé que le pouvoir judiciaire ne pouvait pas contraindre le gouvernement à adopter un plan climatique spécifique.
Une demande plus ciblée
L'équipe juridique de Lighthiser a donc formulé une demande plus restreinte. Plutôt que d'exiger un plan d'action climatique complet, ils demandent simplement au tribunal de déclarer que les trois décrets présidentiels en question sont inconstitutionnels.
« Dans l'affaire Juliana, nous demandions un plan de relance climatique. Dans cette affaire, nous soutenons que les trois décrets mis en œuvre par Trump portent atteinte à nos droits constitutionnels à la vie et à la liberté », a expliqué Miko Vergun, 24 ans, plaignant dans les deux affaires.
Cette approche vise à contourner l'obstacle de la réparabilité en présentant une solution que le tribunal est en mesure de prononcer : l'annulation d'actes administratifs spécifiques.
Les arguments de la défense
Le ministère de la Justice, représentant le gouvernement fédéral, ainsi que 18 États et Guam intervenant dans l'affaire, ont demandé le rejet de la plainte. Leur principal argument repose sur la séparation des pouvoirs, affirmant que la politique énergétique est une prérogative du pouvoir exécutif et du Congrès, et non du pouvoir judiciaire.
Michael Sawyer, l'avocat principal du ministère de la Justice, a qualifié l'action en justice de « fondamentalement non démocratique », soulignant que les électeurs avaient élu un président connaissant sa préférence pour les énergies fossiles.
La séparation des pouvoirs au cœur du débat
La question centrale est de savoir si les tribunaux ont le rôle de prendre des décisions majeures sur la politique énergétique nationale. « Les plaignants de Lighthiser demandent moins que ceux de Juliana, mais ils demandent encore beaucoup », a commenté Michael Gerrard, directeur du Sabin Center for Climate Change Law à l'Université Columbia.
La défense a également soulevé d'autres points, arguant que :
- Les décrets ne représentent pas une menace imminente pour les jeunes.
- Les émissions de carbone supplémentaires liées à ces décrets sont négligeables à l'échelle mondiale.
- De nombreuses actions gouvernementales contestées ne sont encore que des propositions.
- Un réseau d'énergie propre serait peu fiable et plus coûteux.
Quel avenir pour l'affaire ?
Les espoirs des plaignants sont renforcés par le succès d'une autre affaire climatique, Held v. Montana, en 2023. Dans cette affaire, un tribunal a statué que l'État du Montana devait prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre dans ses processus d'autorisation. Cependant, cette victoire reposait sur une disposition de la constitution du Montana garantissant le droit à « un environnement propre et sain », une garantie absente de la Constitution américaine.
Le juge Christensen doit maintenant rendre sa décision. Il peut soit accorder l'injonction préliminaire demandée par les plaignants, soit laisser les décrets en vigueur tout en permettant au procès de se poursuivre, soit rejeter complètement l'affaire. En cas de rejet, Our Children’s Trust a la possibilité de faire appel devant la Cour d'appel du neuvième circuit.
Après l'audience, les jeunes plaignants se sont montrés déterminés. « Entendre mes co-plaignants témoigner a été incroyablement inspirant », a déclaré Eva Lighthiser, 19 ans, plaignante principale. « C'est incroyable d'avoir l'opportunité de faire entendre nos voix. » L'issue de cette affaire pourrait créer un précédent majeur pour la justice climatique aux États-Unis.





