En juin 2025, le gouvernement indien a proposé que tous les nouveaux systèmes de climatisation (AC) dans les foyers, les espaces commerciaux et les véhicules opèrent entre 20°C et 28°C, avec un réglage par défaut de 24°C. Cette initiative, portée par le Bureau de l'efficacité énergétique (BEE), vise à économiser 20 milliards d'unités d'énergie par an, soit environ 10 000 crores de roupies, et à réduire les émissions de 16 millions de tonnes. Bien que ces mesures d'économie d'énergie soient importantes, surtout en période de pénurie potentielle, des défis plus fondamentaux liés à l'accès à la climatisation doivent être relevés.
L'accès à la climatisation reste très limité dans les pays en développement, dont l'Inde. L'amélioration de cet accès est une nécessité urgente pour la santé publique et une mesure d'adaptation essentielle face au changement climatique. En se concentrant principalement sur la climatisation comme un problème d'énergie et d'émissions, on risque de négliger le besoin d'universaliser l'accès au refroidissement et de fournir des installations publiques capables de protéger les populations vulnérables du stress thermique.
Points clés
- Le gouvernement indien propose une plage de température pour les climatiseurs (20-28°C).
- Cette mesure vise des économies d'énergie substantielles et une réduction des émissions.
- L'accès à la climatisation est insuffisant en Inde et dans de nombreux pays du Sud.
- Le refroidissement est une nécessité d'adaptation au changement climatique et de santé publique.
- Les inégalités d'accès au refroidissement sont profondes, tant au niveau national qu'international.
Inégalités d'accès au refroidissement en Inde
En Inde, l'accès à la climatisation est largement insuffisant. Le principal défi n'est pas une consommation excessive, mais plutôt un manque d'accès. Alors que les températures augmentent et menacent le bien-être et les moyens de subsistance, le refroidissement n'est plus une simple question de confort pour les pays du Sud, mais une nécessité d'adaptation de première ligne.
En 2021, seulement 13% des ménages urbains et 1% des ménages ruraux en Inde possédaient un climatiseur. Les mesures d'efficacité et de comportement peuvent réduire l'empreinte carbone des utilisateurs existants. Cependant, sans prioriser simultanément l'accès pour les plus vulnérables, de telles politiques risquent de devenir des gestes symboliques, inefficaces face aux inégalités profondes qui sont au cœur de la justice climatique.
Chiffres clés sur l'accès à la climatisation en Inde
- Moyenne nationale de possession de climatiseurs : environ 5%.
- Les 10% les plus riches en Inde possèdent 72% des climatiseurs.
- À Delhi, plus de 32% des ménages ont un climatiseur.
- Dans des États à faible revenu comme le Bihar et l'Odisha, ce chiffre tombe à 1%.
Disparités régionales et socio-économiques
La moyenne nationale de possession de climatiseurs en Inde est d'environ 5%. Cette possession est très concentrée parmi les riches des zones urbaines. Par exemple, en 2021, les 10% les plus riches en Inde, qui vivent majoritairement en ville, possédaient 72% de tous les climatiseurs. Cette inégalité se retrouve aussi dans les différences entre États et régions.
Par exemple, à Delhi, plus de 32% des ménages avaient au moins un climatiseur. Ce chiffre descendait à 1% pour les États à faible revenu comme le Bihar et l'Odisha. Malgré la hausse des températures dans ces États, l'offre publique d'infrastructures de refroidissement reste très limitée. Des problèmes comme l'approvisionnement électrique peu fiable, le coût élevé des appareils et une mauvaise conception des bâtiments s'ajoutent à cela.
Le fossé international du refroidissement
Le fossé entre les pays en matière de refroidissement est encore plus frappant et injuste. Les pays développés jouissent depuis longtemps d'un accès quasi universel au confort thermique, principalement grâce à des systèmes de chauffage généralisés, et plus récemment, grâce à l'adoption croissante de la climatisation.
En 2020, près de 90% des ménages aux États-Unis et au Japon possédaient un climatiseur. Ce chiffre contrastait fortement avec les 22% en Amérique centrale et du Sud et seulement 6% en Afrique subsaharienne. La consommation d'électricité par habitant pour le refroidissement des locaux est de 7 milliards de joules aux États-Unis. C'est plus de 28 fois plus qu'en Inde, 19 fois plus qu'en Indonésie et 13 fois plus qu'au Brésil.
« Le refroidissement n'est plus une question de confort pour le Sud global, mais un besoin d'adaptation de première ligne. »
Pendant la vague de chaleur européenne, où les températures ont atteint environ 42°C dans des villes comme Londres et Paris, des investissements publics urgents ont été faits dans les infrastructures de refroidissement. La possession de climatiseurs en Europe a doublé depuis 1990. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit une multiplication par quatre d'ici 2050.
Pourtant, plusieurs grandes villes du Sud enregistrent régulièrement des températures supérieures à 40°C. Le discours international autour de leur demande croissante en refroidissement est souvent présenté comme un problème d'atténuation. Pour le Nord, c'est justifié comme une mesure d'adaptation nécessaire. Cela révèle une hypocrisie troublante.
Contexte climatique mondial
Le changement climatique entraîne une augmentation des températures moyennes mondiales et une fréquence accrue des vagues de chaleur. Ces phénomènes affectent de manière disproportionnée les régions les plus vulnérables, en particulier les pays en développement qui manquent d'infrastructures adéquates pour faire face à ces défis.
L'impératif du refroidissement pour la santé publique
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu'entre 2000 et 2019, l'exposition à la chaleur a contribué à environ 489 000 décès dans le monde. L'Inde, à elle seule, a enregistré plus de 20 000 décès liés à la chaleur pendant cette période. La chaleur extrême est de plus en plus reconnue comme l'une des principales menaces pour la santé dans les pays du Sud.
Le taux de mortalité ou de morbidité qui en résulte n'est pas seulement une fonction de la hausse des températures. Il reflète un manque aigu d'infrastructures de protection. Cela inclut des logements thermiquement sécurisés, un approvisionnement électrique fiable et des systèmes de santé publique bien équipés.
Infrastructures de santé et énergie
En 2022, la majorité des établissements de santé dans les pays à revenu élevé disposaient d'un approvisionnement électrique fiable. En revanche, près d'un milliard de personnes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire étaient desservies par des établissements ayant un approvisionnement électrique peu fiable, voire inexistant. En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne (ASS), 12% et 15% des centres de santé, respectivement, n'avaient pas d'électricité. Seulement 50% des hôpitaux en ASS déclaraient avoir un approvisionnement électrique fiable.
Sans une infrastructure énergétique adéquate, la prestation de services essentiels devient précaire. Cela inclut les soins néonatals, les salles d'urgence climatisées et la réfrigération des vaccins, qui dépendent tous de systèmes de refroidissement stables. Pendant les périodes de chaleur extrême, des pays comme le Kenya, le Ghana et le Burkina Faso ont enregistré des pics importants de maladies cardiovasculaires, respiratoires et rénales. Ces conditions ne peuvent pas être traitées en toute sécurité dans des installations surchauffées et sous-alimentées en électricité.
Impact sur le travail et les moyens de subsistance
Au-delà des hôpitaux, le manque d'accès au refroidissement compromet également la sécurité au travail et la productivité de la main-d'œuvre. L'Organisation internationale du travail (OIT) indique qu'en 2020, plus de 70% de la main-d'œuvre mondiale était exposée à une chaleur excessive. Cela a causé 23 millions de blessures professionnelles et coûté la vie à près de 19 000 personnes.
Ces impacts ont été ressentis de manière disproportionnée dans les pays pauvres d'Afrique, d'Asie du Sud et des États arabes. Dans ces régions, l'emploi informel domine et les travailleurs manquent généralement d'assurance maladie et d'accès à des espaces de travail climatisés et ventilés. En Inde, près de 80% de la main-d'œuvre est employée dans des secteurs comme l'agriculture, la construction et la vente de rue. Ces emplois nécessitent des activités extérieures intenses.
Plusieurs États et villes indiens ont élaboré des plans d'action contre la chaleur pour reconnaître cette vulnérabilité. Ces plans incluent des systèmes d'alerte précoce, le partage d'informations, des abris contre la chaleur et des campagnes de sensibilisation du public. Cependant, leur mise en œuvre est souvent limitée en raison du sous-financement, d'une coordination institutionnelle limitée et de fondations juridiques faibles. En conséquence, des millions de travailleurs continuent de faire face à des risques accrus de maladies liées à la chaleur et de pertes de revenus.
Pour relever ces défis interconnectés dans les pays du Sud, il est urgent d'intégrer la résilience à la chaleur comme une priorité de développement fondamentale. Cela passe par des politiques axées sur une protection du travail plus forte, des filets de sécurité sociale ciblés et des plans d'action complets contre la chaleur.
Justice climatique avant l'efficacité
Les pays développés ont longtemps assuré des systèmes de chauffage robustes, soutenus par des décennies d'émissions incontrôlées et de généreuses subventions publiques. Aujourd'hui, les pays en développement font face à un besoin similaire de refroidissement, mais dans des conditions bien plus difficiles. Ils ont des ressources financières limitées, une pauvreté énergétique paralysante et une pression internationale croissante pour la décarbonisation.
En 2022, les émissions mondiales de carbone dues au refroidissement s'élevaient à un milliard de tonnes par an. C'est encore quatre fois moins que les émissions liées au chauffage, qui sont principalement concentrées dans le Nord. Cependant, la demande mondiale de refroidissement devrait tripler d'ici 2050. L'Inde seule devrait connaître une multiplication par huit par rapport aux niveaux de 2020.
Projections de la demande en refroidissement
- Demande mondiale de refroidissement devrait tripler d'ici 2050.
- L'Inde devrait voir sa demande augmenter de huit fois par rapport à 2020.
Dans un monde contraint par le carbone, des solutions de refroidissement efficaces et durables sont essentielles. Cependant, la rhétorique de l'efficacité ignore souvent que de telles interventions nécessitent des capitaux initiaux importants, un accès technologique et un soutien institutionnel. Les nations à faible revenu sont déjà confrontées à des défis considérables en raison de la pauvreté économique et énergétique.
Sans des investissements massifs dans les infrastructures publiques et un accès au financement du Nord, le refroidissement restera inabordable pour des milliards de personnes dans les pays du Sud. Combler cet écart est important pour prévenir des décès évitables, protéger les moyens de subsistance et construire des systèmes publics résilients au climat. Par conséquent, le refroidissement ne doit pas être traité comme une charge climatique à rationner, mais comme un droit au développement non négociable, crucial pour renforcer l'équité et permettre l'adaptation.





