Le mantra environnemental « réduire, réutiliser, recycler » est en place depuis plus de 50 ans. Bien qu'il encourage l'action individuelle, des experts en justice climatique affirment qu'il détourne l'attention des causes profondes de la crise écologique. Ils plaident pour des changements structurels profonds, notamment la régulation, la redistribution et les réparations, afin de s'attaquer aux pollueurs industriels et aux inégalités économiques.
Points Clés
- Le slogan « réduire, réutiliser, recycler » est critiqué pour son approche individualiste.
- Moins de 20% des émissions sont sous le contrôle direct de l'individu moyen.
- Les campagnes de relations publiques des entreprises de combustibles fossiles ont délibérément déplacé la responsabilité vers les consommateurs.
- De nouvelles approches incluent la régulation des industries polluantes, la redistribution des richesses et les réparations pour les nations historiquement exploitées.
- Les changements systémiques sont essentiels pour atteindre des réductions d'émissions significatives.
L'Approche Individualiste face aux Enjeux Mondiaux
Depuis des décennies, le message « réduire, réutiliser, recycler » a été la pierre angulaire des efforts environnementaux. Il incite chacun à adopter des comportements plus écologiques. Cependant, des voix critiques, y compris celles d'universitaires et d'activistes pour la justice climatique, remettent en question l'efficacité de cette approche centrée sur l'individu. Ils soutiennent que cette focalisation masque les responsabilités des grands pollueurs industriels.
Un chercheur-activiste ayant travaillé plus de 16 ans au sein de mouvements pour la justice climatique souligne que les campagnes de relations publiques des entreprises de combustibles fossiles ont activement promu l'idée que les problèmes environnementaux sont principalement dus au comportement des consommateurs. Ces campagnes visent à détourner l'attention et la responsabilité des principaux acteurs de la destruction écologique : les grandes entreprises, les industries polluantes et les gouvernements qui les soutiennent.
Fait Important
Les émissions individuelles directement contrôlées par une personne moyenne représentent moins de 20% des émissions totales. La grande majorité provient des systèmes industriels et des infrastructures, qui sont hors du contrôle des citoyens.
Les Campagnes de Relations Publiques et leurs Conséquences
L'industrie des combustibles fossiles, en collaboration avec des cabinets de relations publiques, a systématiquement orienté le débat. Leur objectif est de faire en sorte que les individus se concentrent sur leur propre empreinte environnementale. Cette stratégie vise à les empêcher de réclamer des changements structurels et politiques plus profonds. De tels changements menaceraient directement les profits de cette industrie.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), l'autorité mondiale en matière de changement climatique, a clairement indiqué que des transitions rapides et de grande envergure sont nécessaires dans tous les secteurs et systèmes. Ces transitions sont indispensables pour atteindre des réductions d'émissions profondes et durables. Face à l'ampleur de ces changements requis, le simple « réduire, réutiliser, recycler » semble insuffisant.
« Le GIEC a affirmé que des transitions rapides et de grande envergure dans tous les secteurs et systèmes sont nécessaires pour des réductions d'émissions profondes et durables. »
De Nouvelles Approches: Régulation, Redistribution, Réparations
Un chapitre de livre récemment publié propose de dépasser les trois R traditionnels. Il suggère d'adopter de nouveaux principes plus radicaux, comme la Régulation, la Redistribution et les Réparations. Ces nouveaux R se concentrent sur les facteurs structurels et économiques qui alimentent les crises écologiques. Ils visent à réorienter les sociétés vers des objectifs plus justes sur le plan social et écologique.
Les mouvements sociaux reconnaissent de plus en plus la nécessité de se concentrer sur ces facteurs systémiques. C'est pourquoi le slogan « Changement de système, pas de climat » est devenu un cri de ralliement essentiel pour les mouvements de justice climatique dans le monde entier.
Contexte Historique
L'idée que les problèmes environnementaux sont principalement le résultat du comportement individuel a été popularisée par des campagnes corporatives, notamment celle du "carbon footprint" (empreinte carbone), qui a été lancée par BP au début des années 2000. L'objectif était de personnaliser la responsabilité climatique.
1. Régulation: Maîtriser les Pollueurs
La régulation implique la mise en place de règles strictes et exécutoires pour contrôler les industries destructrices et tenir les élites responsables. Les entreprises ont longtemps promu l'idée que la régulation est inutile et que les marchés peuvent résoudre les problèmes. Cependant, malgré des décennies d'engagements volontaires, la plupart des entreprises sont loin d'atteindre leurs objectifs environnementaux.
Une étude récente, portant sur 23 200 entreprises de 14 industries dans 129 pays, a révélé que près de 75% d'entre elles n'avaient aucun plan officiel (plan de transition climatique) pour éliminer leurs émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises de combustibles fossiles continuent d'investir massivement dans de nouvelles productions de pétrole, de gaz et de charbon, bien que le monde dispose déjà de bien plus de combustibles fossiles que ce qui peut être brûlé sans provoquer de catastrophe climatique.
2. Redistribution: Financer une Transition Juste
La redistribution consiste à réorienter les richesses et les ressources des industries destructrices vers un avenir plus juste socialement et écologiquement. En Afrique du Sud, par exemple, des fédérations syndicales ont proposé des taxes progressives sur la richesse, la pollution et les transactions financières. Ces fonds serviraient à financer une transition juste pour les travailleurs et les communautés. Des propositions similaires ont été avancées dans de nombreux autres pays, notamment par le Réseau africain pour la justice fiscale.
Une taxation progressive est particulièrement importante dans des pays très inégalitaires. En Afrique du Sud, par exemple, 10% de la population possède plus de 80% de la richesse. S'attaquer à cette inégalité par une taxation équitable, le désinvestissement des combustibles fossiles et le réinvestissement dans des projets communautaires est essentiel. La redistribution peut garantir que les avantages de l'action climatique atteignent ceux qui sont le plus touchés par la crise. Elle aide également à construire un avenir plus prospère, socialement et écologiquement juste.
Statistique Clé
En 2020, pendant les confinements liés à la COVID-19, les émissions mondiales n'ont diminué que de 8%. Cette baisse, bien que sans précédent, était loin d'être suffisante pour atteindre l'objectif de zéro émission nette ou même d'émissions négatives.
3. Réparations: Réparer et Reconstruire
La troisième R, les réparations, reconnaît que la crise écologique actuelle est enracinée dans des siècles d'extraction et d'exploitation coloniales. L'Afrique est le continent le moins responsable de la crise climatique, mais elle subit d'innombrables catastrophes climatiques. Les réparations devraient donc inclure l'annulation de la dette, le transfert de technologie et le financement climatique de la part des nations riches et polluantes. Ces fonds ne devraient pas être des prêts, mais des paiements de dettes.
Cependant, les réparations devraient aller au-delà des simples transferts financiers. Selon le philosophe Olúfẹ́mi O. Táíwò, les réparations sont un projet de construction de monde. Elles peuvent être utilisées pour reconstruire les relations, les communautés, les sociétés et les écosystèmes endommagés par le colonialisme, le capitalisme et le racisme environnemental. Les réparations devraient servir de base à la création de nouveaux systèmes fondés sur le bien-être social et écologique, et non sur l'exploitation.
Prochaines Étapes pour une Action Climatique Efficace
Même le recyclage le plus diligent ou la consommation la plus verte ne nous mèneront pas à zéro émission. Les actions individuelles, bien que louables, ne suffisent pas à elles seules. Il est crucial de ne pas se concentrer trop lourdement sur ces actions au détriment d'un changement structurel.
Une leçon similaire peut être tirée des luttes pour la justice raciale. Stephen Bantu Biko, l'un des fondateurs du Mouvement de la Conscience Noire en Afrique du Sud, critiquait la manière dont certaines églises, pendant l'apartheid, blâmaient les pauvres pour leur pauvreté. Elles attribuaient la pauvreté au péché, plutôt qu'à un système d'apartheid conçu pour exploiter et maintenir les gens dans la pauvreté. De même, les trois R peuvent stigmatiser les individus comme des « pécheurs environnementaux ».
Cette approche détourne l'attention du système économique alimenté par les combustibles fossiles, qui est le véritable moteur de la crise écologique. Si les éducateurs, les activistes et les citoyens concernés veulent promouvoir une éthique environnementale efficace, il est vital de dépasser une focalisation étroite sur les actions individuelles. Au lieu d'essayer de nettoyer les symptômes du problème, la société doit s'attaquer aux racines des crises écologiques auxquelles nous sommes confrontés.





