Une nouvelle étude publiée dans Nature Geoscience révèle que les plantes terrestres ont intensifié leur processus de photorespiration durant la dernière période glaciaire. Cette découverte remet en question certaines hypothèses sur la régulation du dioxyde de carbone atmosphérique et la productivité végétale à cette époque. Les chercheurs ont analysé des échantillons de bois subfossiles pour parvenir à ces conclusions.
Points Clés
- La photorespiration des plantes C3 a augmenté durant la dernière période glaciaire.
- Ce phénomène s'est produit malgré des températures plus froides globalement.
- La hausse est principalement observée dans les environnements de croissance plus chauds.
- Une nouvelle méthode isotopique a été utilisée pour mesurer la photorespiration.
- Cette augmentation pourrait avoir limité la productivité végétale et stabilisé le CO2.
Comprendre la Photorespiration et son Rôle Climatique
La photorespiration est un processus biochimique où les plantes, en particulier les plantes C3, absorbent de l'oxygène moléculaire et libèrent du dioxyde de carbone en présence de lumière. Ce processus est souvent considéré comme inefficace car il réduit la photosynthèse nette. Toutefois, son rôle dans le cycle du carbone et la régulation climatique est complexe.
Pendant les périodes glaciaires, les niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique étaient très bas. On pensait que cela entraînait une suppression de la productivité des plantes terrestres, en partie à cause d'une augmentation de la photorespiration. Cependant, les températures glaciaires plus froides auraient dû, en théorie, freiner la photorespiration, créant une contradiction.
Contexte des Périodes Glaciaires
La dernière période glaciaire, également appelée Maximum Glaciaire, s'est étendue il y a environ 26 500 à 19 000 ans. Elle était caractérisée par des calottes glaciaires massives et des niveaux de CO2 atmosphérique significativement plus bas qu'aujourd'hui, souvent autour de 180 à 200 parties par million (ppm), contre environ 420 ppm actuellement.
Une Nouvelle Méthode de Mesure Révélatrice
Pour résoudre cette énigme, une équipe de scientifiques a développé et appliqué une nouvelle méthode. Cette technique se base sur les compositions isotopiques groupées des groupes méthoxyles du bois. Elle a été validée sur des arbres modernes et récents avant d'être appliquée à des spécimens d'arbres subfossiles d'Amérique du Nord datant de la dernière période glaciaire.
Cette approche innovante permet d'estimer le taux de photorespiration des plantes anciennes avec une précision inédite. Les chercheurs ont pu ainsi obtenir des données directes sur le fonctionnement physiologique des forêts glaciaires.
« Notre proxy isotopique nous a permis de regarder directement la physiologie des plantes il y a des milliers d'années, offrant une fenêtre unique sur la façon dont elles ont réagi aux conditions climatiques extrêmes de la période glaciaire », explique l'un des membres de l'équipe de recherche.
Des Résultats Surprenants sur l'Intensité de la Photorespiration
Les analyses des échantillons de bois subfossiles ont montré que, dans la majeure partie de l'Amérique du Nord non recouverte de glace, les arbres de la dernière période glaciaire présentaient une photorespiration plus élevée que les arbres plus récents des mêmes régions. Ils photorespiraient également plus que les arbres contemporains des latitudes plus élevées.
Ce constat est d'autant plus intéressant qu'il va à l'encontre de l'idée qu'un climat plus froid devrait réduire la photorespiration. Les chercheurs ont pu concilier ces différences en utilisant un modèle unique. Ce modèle relie la température, les niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique et le taux de photorespiration.
Faits et Chiffres
- Les niveaux de CO2 atmosphérique durant la dernière période glaciaire étaient environ 30% à 50% inférieurs aux niveaux préindustriels.
- La photorespiration a principalement augmenté dans les environnements où le refroidissement glaciaire n'a pas dépassé environ 6 °C.
- L'étude a analysé des échantillons provenant de diverses régions, y compris l'Alaska et le sud de la Californie.
L'Impact de la Température et du CO2
Les modélisations suggèrent que l'augmentation de la photorespiration durant les périodes glaciaires s'est produite principalement dans les environnements de croissance plus chauds. Ces zones ont connu un refroidissement d'environ 6 °C ou moins. Cela signifie que même si la planète était globalement plus froide, certaines régions ont conservé des températures suffisantes pour favoriser ce processus.
La combinaison de faibles concentrations de CO2 et de températures relativement douces dans ces régions aurait créé des conditions optimales pour une photorespiration accrue. Le modèle a pu reproduire les observations de manière cohérente, confirmant l'hypothèse des chercheurs.
Un Mécanisme de Rétroaction Négative
Cette découverte soutient l'hypothèse d'une rétroaction négative qui aurait régulé le dioxyde de carbone atmosphérique. En augmentant la photorespiration, les plantes auraient vu leur productivité limitée. Cela aurait contribué à freiner la diminution du CO2 atmosphérique pendant les périodes glaciaires, agissant comme un mécanisme stabilisateur.
La photorespiration agit comme un « frein » à la photosynthèse, réduisant la quantité de carbone que les plantes peuvent fixer. Si ce processus est plus intense, moins de carbone est retiré de l'atmosphère, ce qui peut aider à maintenir un certain équilibre.
Implications pour les Modèles Climatiques Futurs
Ces résultats ont des implications importantes pour la compréhension des cycles du carbone passés et futurs. Les modèles climatiques doivent intégrer avec précision la dynamique de la photorespiration et sa réponse aux changements de température et de concentration de CO2.
La manière dont les plantes réagissent aux changements environnementaux est cruciale pour prédire l'évolution future du climat. Une meilleure compréhension des mécanismes de rétroaction naturels est essentielle pour affiner ces prévisions.
- Les données ont été rendues publiques via ScholarSphere.
- Le code Python utilisé pour l'analyse est également disponible.
- Les chercheurs ont utilisé des échantillons provenant des fosses de goudron de La Brea en Californie et des saules arctiques du nord-ouest de l'Alaska.
L'étude souligne la complexité des interactions entre la biosphère et l'atmosphère terrestre. Elle montre que même des processus apparemment inefficaces comme la photorespiration peuvent jouer un rôle crucial dans la régulation des systèmes climatiques à l'échelle mondiale.
Recherche sur les Isotopes Groupés
La technique des isotopes groupés est une avancée majeure en géochimie. Elle permet de mesurer les abondances de molécules où des isotopes rares se trouvent côte à côte. Pour le bois, cela fournit des informations sur les conditions de formation des molécules, incluant la température et les processus biochimiques comme la photorespiration.
Cette recherche ouvre de nouvelles pistes pour comprendre comment les écosystèmes végétaux ont survécu et influencé les climats passés. Elle renforce l'idée que les plantes ne sont pas de simples réceptacles du carbone, mais des acteurs dynamiques dans la régulation du climat terrestre.





