L'Union européenne se trouve dans une position délicate, prise entre les pressions économiques des États-Unis et sa forte dépendance envers la Chine pour les matières premières essentielles à sa transition écologique. Cette situation complexe menace directement la capacité du bloc à atteindre ses objectifs climatiques, notamment la neutralité carbone d'ici 2050.
Points Clés
- Les tensions commerciales entre Washington et Pékin placent l'UE dans une situation de vulnérabilité économique et géopolitique.
- La Chine contrôle une part majoritaire des terres rares et des composants de batteries, cruciaux pour la transition verte de l'Europe.
- Les pressions américaines, incluant des tarifs douaniers et des exigences commerciales, affaiblissent la position de l'UE.
- Les objectifs de l'UE, comme l'interdiction des véhicules thermiques en 2035, sont directement menacés par les perturbations des chaînes d'approvisionnement.
La pression américaine se fait sentir
L'administration américaine actuelle exerce une influence notable sur les politiques économiques et industrielles de l'Union européenne. En exploitant la dépendance de l'Europe en matière de défense face aux menaces extérieures, Washington a réussi à imposer des conditions commerciales qui profitent à ses propres intérêts.
Un exemple frappant est celui du fabricant de puces Nexperia, une filiale du groupe chinois Wingtech. Le gouvernement néerlandais aurait subi des pressions pour écarter le PDG de l'entreprise, sous peine de voir Nexperia maintenue sur une liste de contrôle des exportations américaines. Cette ingérence a provoqué des perturbations pour de grands constructeurs automobiles européens comme Volkswagen, BMW et Stellantis, qui dépendent des composants de Nexperia.
Un accord commercial controversé
L'accord commercial conclu entre l'UE et les États-Unis a été critiqué pour son déséquilibre. Il contraint l'Europe à acheter pour 250 milliards de dollars d'énergie américaine par an jusqu'en 2028, tout en subissant des tarifs de 50% sur l'acier, l'aluminium et le cuivre, et de 100% sur les produits pharmaceutiques.
Cecilia Malmström, ancienne commissaire européenne et chercheuse au Peterson Institute for International Economics (PIIE), a qualifié cet accord de confirmation d'un "nouvel ordre commercial où les tarifs sont acceptés comme une massue géopolitique".
La mainmise de la Chine sur les matières premières
Parallèlement à la pression américaine, l'UE doit faire face à la domination de la Chine sur le marché des matières premières critiques. Ces ressources sont indispensables pour la fabrication de technologies vertes, telles que les éoliennes, les panneaux solaires et les moteurs de véhicules électriques.
Récemment, Pékin a annoncé des restrictions sur l'exportation de plusieurs terres rares, dont l'holmium, le thulium et l'europium. Les entreprises européennes souhaitant importer ces matériaux doivent désormais suivre une procédure administrative complexe et potentiellement longue.
Une dépendance écrasante
Les chiffres illustrent clairement la dépendance de l'Europe. La Chine représente 83% de la production mondiale de batteries, contre seulement 7% pour l'UE. De plus, Pékin contrôle 92% de l'extraction et du raffinage du graphite, un composant essentiel des anodes de batteries.
Cette situation inquiète les industriels. Sigrid de Vries, directrice générale de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), a qualifié la situation d'"alarmante" et a appelé à des "réponses rapides et pragmatiques".
"Les constructeurs automobiles ont pris des mesures ces dernières années pour diversifier les chaînes d'approvisionnement, mais le risque ne peut être réduit à zéro. Il s'agit d'un problème intersectoriel qui affecte un grand nombre de fournisseurs et la quasi-totalité de nos membres", a-t-elle déclaré.
Les objectifs climatiques européens en péril
Cette double contrainte géopolitique met en péril les engagements environnementaux de l'Union européenne. L'objectif d'atteindre 100% de véhicules électriques d'ici 2035 et la neutralité carbone d'ici 2050 reposent entièrement sur un accès stable et abordable aux technologies et matériaux contrôlés en grande partie par la Chine.
Tim Rühlig, analyste à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EU-ISS), souligne un risque majeur. Selon lui, les restrictions chinoises pourraient inciter les entreprises européennes à acheter des technologies propres finies directement en Chine, au détriment de la production nationale.
Les perturbations actuelles des chaînes d'approvisionnement pourraient entraîner des retards de production et une augmentation des coûts pour les fabricants européens, rendant la transition verte plus difficile et plus coûteuse pour les consommateurs.
Quelle stratégie pour l'Europe ?
Face à ce constat, les dirigeants européens cherchent des solutions pour renforcer la souveraineté économique et industrielle du bloc. Des discussions sont en cours avec la Chine pour tenter d'apaiser les tensions. Une rencontre est prévue entre le commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič, et son homologue chinois, Wang Wentao.
Cependant, des analystes comme Fredrik Erixon, directeur du think tank European Centre for International Political Economy (ECIPE), estiment que l'Europe doit d'abord sortir de sa position de "faiblesse économique".
Le G7 a également convenu de présenter un front uni et de coordonner une réponse aux contrôles à l'exportation de la Chine, tout en cherchant à diversifier les fournisseurs de matières premières. La question reste de savoir si ces efforts seront suffisants pour permettre à l'UE de naviguer dans ce paysage géopolitique complexe tout en maintenant le cap de ses ambitions climatiques.





