Une nomination à la tête de l'Institut national des sciences de la santé environnementale (NIEHS) aux États-Unis suscite de vives inquiétudes au sein de la communauté scientifique. Kyle Walsh, un professeur associé de l'Université Duke, a été nommé directeur de cette agence fédérale clé, en dehors des procédures de recrutement habituelles et en plein gel des embauches au sein du gouvernement.
Ce qui soulève le plus de questions est la relation étroite entre Kyle Walsh et le vice-président JD Vance, que le chercheur décrit comme l'un de ses « plus proches amis ». Cette situation alimente des accusations de favoritisme politique pour un poste scientifique de premier plan.
Les points clés
- Kyle Walsh, un proche du vice-président JD Vance, a été nommé directeur du NIEHS sans processus de sélection public.
- La communauté scientifique critique son manque d'expérience en gestion d'un grand institut et son expertise jugée non pertinente pour le poste.
- Des experts craignent que cette nomination ne compromette l'intégrité de la recherche sur la santé environnementale aux États-Unis.
- Le NIEHS gère un budget de plus de 900 millions de dollars et ses travaux influencent des réglementations majeures comme celles sur la qualité de l'air.
Une nomination en dehors des canaux habituels
L'annonce de la nomination de Kyle Walsh a été faite par un simple courriel envoyé aux employés des National Institutes of Health (NIH), l'organisation qui chapeaute le NIEHS. Le message, signé par Jay Bhattacharya, un responsable politique supervisant les instituts du NIH, précisait que la nomination était effective depuis le 10 octobre.
Cette procédure a surpris de nombreux observateurs. Traditionnellement, la direction d'un institut du NIH fait l'objet d'un appel à candidatures public, suivi par un processus rigoureux mené par un comité de recherche pour identifier les meilleurs candidats. Aucune de ces étapes n'a été respectée dans ce cas.
L'ancien directeur, Richard Woychik, a été réaffecté à un autre poste au sein du NIH. Selon Jeremy Berg, ancien directeur d'un autre institut du NIH, Woychik venait d'être reconduit pour un mandat de cinq ans, ce qui suggère que son départ n'était pas lié à sa performance.
Le rôle crucial du NIEHS
L'Institut national des sciences de la santé environnementale (NIEHS) est la principale agence américaine chargée d'étudier les effets des facteurs environnementaux sur la santé humaine. Ses recherches ont servi de base à des réglementations majeures, comme les normes sur la pollution de l'air ou l'interdiction de certains pesticides dangereux pour le développement des enfants.
Des qualifications remises en question
Au-delà du processus de nomination, c'est le profil de Kyle Walsh qui inquiète les scientifiques. Bien qu'il soit un chercheur reconnu dans son domaine, la neuro-épidémiologie et la génétique des cancers du cerveau, son expertise ne correspond pas directement à la mission principale du NIEHS.
« Il n'a aucune qualification scientifique pour diriger un institut axé sur les produits chimiques environnementaux et les maladies », a déclaré Jerry Heindel, qui a dirigé une division de recherche au NIEHS pendant des décennies avant de prendre sa retraite. Après avoir examiné les publications de Walsh, Heindel n'a trouvé aucun article portant sur les produits chimiques environnementaux.
Son manque d'expérience administrative est également pointé du doigt. Les directeurs précédents, comme Richard Woychik ou Linda Birnbaum, possédaient des décennies d'expérience à des postes de direction dans de grandes agences de recherche avant d'accéder à cette fonction.
« C'est entièrement du copinage. Le fait qu'il ait été nommé sans aucune sorte de recherche est inquiétant. Ses principales qualifications semblent être ses liens avec JD Vance. »
Jeremy Berg, ancien directeur de l'Institut national des sciences médicales générales (NIGMS)
Les liens politiques au cœur de la polémique
La connexion entre Kyle Walsh et le vice-président JD Vance est bien documentée. Les deux hommes sont amis depuis leurs études à l'université de Yale. Walsh a lui-même qualifié Vance de « l'un de ses plus proches amis », et ce dernier a même officié à son mariage.
Cette amitié est perçue par beaucoup comme la raison principale de cette nomination inhabituelle. Selon Linda Birnbaum, ancienne directrice du NIEHS et aujourd'hui chercheuse à Duke, des rumeurs sur la possible nomination de Walsh circulaient déjà depuis près d'un an dans les couloirs de l'université.
Ni le bureau du vice-président ni Kyle Walsh n'ont répondu aux demandes de commentaires concernant ces accusations. Un porte-parole du Département de la Santé et des Services sociaux a simplement indiqué que Walsh apportait une « vaste expérience » issue de ses rôles à l'Université Duke.
Un budget de plus de 900 millions de dollars
Le directeur du NIEHS supervise un budget annuel de plus de 900 millions de dollars. Ces fonds sont essentiels pour financer des centaines de projets de recherche menés par des scientifiques à l'intérieur et à l'extérieur de l'agence, partout dans le pays.
Quelles conséquences pour la santé environnementale ?
Cette nomination intervient dans un contexte de méfiance de l'administration actuelle envers la science environnementale. Des scientifiques rapportent que des projets de recherche axés sur le changement climatique ou la justice environnementale ont vu leur financement refusé.
Linda Birnbaum a mentionné que le responsable d'un programme du NIEHS sur le climat et la santé a été licencié peu après le retour de l'administration Trump au pouvoir. De même, les termes liés à l'équité ont été retirés des programmes de recherche, alors que les populations défavorisées sont souvent les plus touchées par les risques environnementaux.
La communauté scientifique craint que la nomination d'un directeur perçu comme politique et non qualifié ne serve à affaiblir l'agence. « Tout le monde craint qu'ils ne viennent nous fermer, car cette administration semble très hostile à la santé et aux questions environnementales », a confié un scientifique du NIEHS sous couvert d'anonymat.
Alors qu'au moins 11 autres agences du NIH sont actuellement dirigées par des directeurs par intérim, certains craignent que ce cas ne crée un précédent, où des postes scientifiques clés seraient attribués à des alliés politiques plutôt qu'aux experts les plus qualifiés.





