Une nouvelle analyse majeure sur l'impact sanitaire de la crise climatique révèle une réalité alarmante : la hausse des températures mondiales est désormais responsable d'un décès chaque minute. Ce rapport, le plus complet à ce jour, met en lumière les conséquences directes de l'inaction face au réchauffement planétaire, allant des vagues de chaleur mortelles à la propagation de maladies.
Les experts soulignent que la dépendance continue aux combustibles fossiles ne fait qu'aggraver la situation. Alors que les gouvernements continuent de subventionner massivement cette industrie, des millions de vies sont perdues chaque année, non seulement à cause de la chaleur, mais aussi de la pollution de l'air et de l'insécurité alimentaire qui en découlent.
Les points clés du rapport
- La hausse des températures cause en moyenne un décès par minute dans le monde.
- Le taux de mortalité lié à la chaleur a augmenté de 23 % depuis les années 1990.
- Les subventions gouvernementales aux énergies fossiles ont atteint 956 milliards de dollars en 2023.
- En 2024, un nombre record de 639 milliards d'heures de travail ont été perdues à cause de la chaleur.
- Les grandes banques mondiales ont investi plus de 600 milliards de dollars dans les énergies fossiles en 2024.
Une crise sanitaire mondiale et silencieuse
Le rapport, intitulé "Lancet Countdown on Health and Climate Change" et mené par l'University College London (UCL) en collaboration avec l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dresse un tableau sombre. Il révèle que le nombre de décès liés à la chaleur a atteint une moyenne de 546 000 par an entre 2012 et 2021.
Cette statistique, qui équivaut à une vie perdue chaque minute, représente une augmentation de 23 % par rapport aux années 1990, même en tenant compte de la croissance démographique. Le professeur Ollie Jay de l'Université de Sydney, co-auteur de l'étude, qualifie ce chiffre de "particulièrement alarmant".
"C'est un chiffre vraiment stupéfiant, et il ne cesse d'augmenter. Nous insistons constamment sur le fait que le stress thermique peut toucher tout le monde et être mortel. Je pense que beaucoup de gens ne le comprennent pas", a déclaré le professeur Jay.
L'étude précise que chaque décès lié à la chaleur est évitable. Pourtant, l'exposition aux températures extrêmes s'intensifie. Au cours des quatre dernières années, une personne a été exposée en moyenne à 19 jours de chaleur potentiellement mortelle par an, dont 16 n'auraient pas eu lieu sans le réchauffement climatique d'origine humaine.
L'impact économique et social des températures extrêmes
Au-delà du coût humain, les conséquences économiques sont considérables. En 2024, l'exposition à des températures élevées a entraîné une perte record de 639 milliards d'heures de travail dans le monde. Cette situation affecte particulièrement les travailleurs des secteurs de l'agriculture et de la construction, qui ne peuvent plus exercer leur activité en toute sécurité.
Pour les pays les moins développés, ces pertes représentent jusqu'à 6 % de leur produit intérieur brut (PIB) national, creusant davantage les inégalités mondiales. La chaleur et les sécheresses qu'elle provoque ont également un impact direct sur la sécurité alimentaire. En 2023, 123 millions de personnes supplémentaires ont souffert d'insécurité alimentaire par rapport à la moyenne annuelle observée entre 1981 et 2010.
Incendies et pollution : des menaces collatérales
La combustion d'énergies fossiles n'est pas seulement responsable du réchauffement. Elle génère une pollution atmosphérique qui cause des millions de morts chaque année. De plus, les conditions de plus en plus chaudes et sèches favorisent les incendies de forêt, qui ont provoqué un nombre record de 154 000 décès liés à l'inhalation de fumée en 2024.
Un paradoxe financier : subventionner la crise
Malgré ces constats accablants, le soutien financier à l'industrie des combustibles fossiles se poursuit à un rythme effréné. Le rapport révèle que les gouvernements du monde entier ont versé 956 milliards de dollars en subventions directes aux entreprises fossiles en 2023, soit environ 2,5 milliards de dollars par jour.
Ce chiffre éclipse largement les 300 milliards de dollars par an promis lors de la COP29 pour aider les pays les plus vulnérables à faire face aux impacts climatiques. Quinze pays, dont l'Arabie saoudite, l'Égypte et le Venezuela, ont dépensé plus pour subventionner les énergies fossiles que pour leur budget national de santé.
Le rôle du secteur bancaire
Le secteur financier joue également un rôle clé dans cette dynamique. Les 40 plus grandes banques commerciales du monde ont collectivement investi un montant record de 611 milliards de dollars dans le secteur des énergies fossiles en 2024. En comparaison, leurs prêts au secteur vert étaient inférieurs, s'élevant à 532 milliards de dollars.
Les 100 plus grandes entreprises de combustibles fossiles prévoient d'augmenter leur production, ce qui entraînerait des émissions de dioxyde de carbone trois fois supérieures à ce qui est compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 °C.
Une lueur d'espoir malgré tout ?
Le rapport note quelques progrès. La réduction de la combustion du charbon au cours de la dernière décennie a permis d'éviter environ 400 décès par jour. La production d'énergie renouvelable est également en forte augmentation. Cependant, les experts avertissent qu'un avenir sain est impossible si le financement des énergies fossiles se maintient aux niveaux actuels.
Un appel urgent à l'action
Les auteurs du rapport insistent sur le fait que les solutions existent, qu'il s'agisse des énergies propres, de l'adaptation des villes ou de régimes alimentaires plus durables. Cependant, l'inaction politique et le soutien continu aux industries polluantes mettent en péril la santé et la vie de millions de personnes.
Dr Marina Romanello, de l'UCL, qui a dirigé l'analyse, a conclu par un message sans équivoque :
"Nous voyons des millions de décès survenir inutilement chaque année à cause de notre retard à atténuer le changement climatique et à nous y adapter. Si nous continuons à financer les combustibles fossiles et à permettre leur expansion, nous savons qu'un avenir sain n'est pas possible."
Pour les experts, l'optimisme vient des actions menées au niveau local par les communautés et le secteur de la santé, qui sont en première ligne face aux impacts. Mais un changement systémique est nécessaire pour inverser la tendance et protéger les vies humaines face à une menace qui ne cesse de croître.





