Une nouvelle étude internationale, menée par des universitaires de l'Université d'Aberystwyth, révèle que la pensée économique traditionnelle est un facteur clé de la perte de biodiversité. Cette recherche, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, appelle à une refonte fondamentale de la manière dont la nature est perçue et valorisée. Les auteurs proposent une approche transformatrice qui reconnaît la nature non pas comme une simple ressource, mais comme un système vivant interconnecté avec l'identité humaine, la culture et le bien-être.
Ces conclusions s'appuient sur l'Évaluation des valeurs de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) des Nations Unies. Cette évaluation préconise une compréhension plus inclusive de la valeur de la nature. Le nouveau document souligne l'importance des valeurs relationnelles, telles que le patrimoine, la gestion responsable et la connexion spirituelle, dans la façon dont les individus interagissent avec le monde naturel et en prennent soin.
Points Clés
- La pensée économique classique contribue à la perte de biodiversité.
- L'étude propose une économie de la biodiversité relationnelle.
- La nature doit être valorisée au-delà de sa fonction de ressource.
- Les valeurs relationnelles (patrimoine, spiritualité) sont essentielles.
- Un changement de paradigme est nécessaire pour des décisions durables.
L'Échec de l'Approche Économique Traditionnelle
Les modèles économiques actuels ont souvent réduit la nature à un ensemble de ressources exploitables. Cette perspective étroite ne prend pas en compte les multiples dimensions de notre relation avec le monde naturel. Selon les chercheurs, cette simplification a conduit à des décisions qui favorisent le développement économique à court terme au détriment de la santé des écosystèmes et de la biodiversité.
« Nous nous lions à la nature d'innombrables façons. Il ne s'agit pas seulement d'écosystèmes ou de ressources ; la biodiversité façonne nos communautés, notre santé mentale et physique, notre sentiment d'appartenance, notre spiritualité », a déclaré le professeur Jasper Kenter, auteur principal et chercheur en économie écologique délibérative à l'Aberystwyth Business School.
Le professeur Kenter ajoute que la pensée économique traditionnelle a été jugée trop limitée et technocratique pour saisir ces valeurs diverses. Ce manque de considération a souvent généré des conflits concernant l'utilisation des terres et les priorités de conservation. Pour améliorer la prise de décision, il est crucial d'intégrer les expériences vécues par les populations.
Un Fait Essentiel
L'étude s'appuie sur les conclusions de l'Évaluation des valeurs de l'IPBES des Nations Unies, qui insiste sur la nécessité d'une compréhension plus complète de la valeur de la nature pour stopper son déclin.
Vers une Économie de la Biodiversité Relationnelle
Le document introduit un nouveau cadre conceptuel : l'économie de la biodiversité relationnelle. Ce cadre vise à intégrer une gamme plus large de valeurs dans les processus de décision économique. L'objectif est de fournir une méthode plus inclusive pour évaluer les compromis complexes. Par exemple, il s'agit de trouver un équilibre entre l'utilisation des terres pour la production alimentaire, le logement, le stockage du carbone et la conservation de la nature.
Cette approche reconnaît que les êtres humains et les économies sont intrinsèquement liés à la nature. Elle s'éloigne de la vision qui place l'économie en dehors ou au-dessus des systèmes naturels. En adoptant cette perspective, il devient possible de développer des stratégies plus durables et équitables.
Contexte de l'IPBES
L'IPBES est une organisation intergouvernementale indépendante qui évalue l'état de la biodiversité de la planète, de ses écosystèmes et des contributions qu'ils apportent aux populations. Elle fournit des données scientifiques pour aider les décideurs politiques à prendre des mesures pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité.
L'Intégration des Valeurs Plurielles
L'intégration des valeurs plurielles est au cœur de cette nouvelle économie. Cela inclut les valeurs instrumentales (la nature comme ressource), les valeurs intrinsèques (la nature a une valeur en soi) et, surtout, les valeurs relationnelles. Ces dernières concernent la façon dont les gens se sentent connectés à la nature et ce qu'ils estiment en elle pour leur identité et leur bien-être.
- Valeurs instrumentales : Utilité de la nature (bois, eau, nourriture).
- Valeurs intrinsèques : La valeur propre de la nature, indépendante de l'homme.
- Valeurs relationnelles : Les liens émotionnels, spirituels et culturels avec la nature.
Reconnaître que les gens interagissent avec la nature de multiples manières est fondamental. Par exemple, une forêt peut être une source de bois pour l'industrie (valeur instrumentale), un habitat pour des espèces rares (valeur intrinsèque) et un lieu de promenade et de ressourcement pour les communautés locales (valeur relationnelle). Une décision économique éclairée doit prendre en compte toutes ces dimensions.
Repenser Notre Relation avec le Monde Naturel
Le professeur Mike Christie, co-auteur de l'étude et co-président de l'Évaluation des valeurs de l'IPBES des Nations Unies, souligne l'importance de ce changement de perspective. « Stopper la perte de biodiversité exige que nous repensions les fondements mêmes de la prise de décision économique », explique-t-il.
« Mais il s'agit de bien plus que d'économie ; il s'agit de réinventer notre relation avec le monde naturel. En reconnaissant que les gens et les économies sont intégrés dans la nature, nous pouvons construire des avenirs plus résilients, inclusifs et durables. »
Cette recherche s'ajoute à un ensemble croissant de preuves qui appellent à une transformation profonde de la manière dont les sociétés perçoivent et s'engagent avec la nature. Un tel changement pourrait être déterminant pour inverser le déclin de la biodiversité. La publication de cette étude en 2025 intervient à un moment critique, alors que les défis environnementaux mondiaux s'intensifient.
Les Implications pour la Politique et la Société
Les implications de cette étude sont vastes. Pour les décideurs politiques, cela signifie développer des cadres qui vont au-delà du calcul purement monétaire. Il s'agit d'intégrer des indicateurs de bien-être, de santé écologique et de justice sociale dans l'évaluation des projets. Pour les entreprises, cela implique de revoir les modèles d'affaires pour inclure les impacts environnementaux et sociaux, et non seulement les profits financiers.
L'éducation joue également un rôle crucial. Sensibiliser les jeunes générations à la valeur intrinsèque et relationnelle de la nature peut forger une nouvelle éthique environnementale. C'est un investissement dans un avenir où l'harmonie entre l'humanité et la nature est prioritaire.
Statistiques Clés
Selon le Rapport d'évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques de l'IPBES (2019), environ un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction, dont beaucoup dans les décennies à venir, ce qui n'a jamais été le cas dans l'histoire de l'humanité.
La Nécessité d'un Changement de Paradigme
Le concept de «changement de paradigme» est central à cette recherche. Il ne s'agit pas d'ajustements mineurs, mais d'une révision complète des hypothèses fondamentales qui sous-tendent notre système économique. Cela implique de passer d'une vision anthropocentrique étroite, où la nature est subordonnée aux besoins humains, à une vision plus écocentrique, où l'humanité fait partie intégrante de la nature.
Ce changement de perspective est considéré comme essentiel pour atteindre les objectifs de développement durable et pour assurer un avenir vivable pour tous. La recherche met en lumière que la crise de la biodiversité n'est pas seulement un problème écologique, mais aussi un problème de valeurs et de perception. En changeant la façon dont nous valorisons la nature, nous pouvons espérer changer nos actions.
La publication de cette étude en 2025 marque une étape importante dans la compréhension des liens complexes entre l'économie, la société et l'environnement. Elle offre une voie prometteuse pour aborder la crise de la biodiversité de manière plus holistique et efficace.





