Un nouveau rapport de référence publié cette semaine révèle une réalité préoccupante : dix ans après l'Accord de Paris, le monde n'est en voie d'atteindre aucun de ses objectifs climatiques cruciaux pour 2030. L'évaluation, menée par le Systems Change Lab, montre que les progrès sont dangereusement lents dans tous les secteurs clés.
Malgré des investissements records dans les énergies propres, le financement des combustibles fossiles et la déforestation continuent d'augmenter, creusant l'écart entre les promesses et les actions concrètes nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Les points essentiels
- Aucun des 45 indicateurs climatiques mondiaux n'est en bonne voie pour atteindre les objectifs de 2030.
- Les financements publics pour les combustibles fossiles ont atteint plus de 1 400 milliards d'euros en 2023.
- La déforestation et l'utilisation du charbon doivent être réduites à un rythme dix fois plus rapide qu'actuellement.
- Des progrès notables sont observés dans les énergies renouvelables et les technologies émergentes comme l'hydrogène vert.
Un bilan mondial très préoccupant
Le rapport intitulé « État de l'action climatique 2025 » dresse un tableau sans équivoque de la situation mondiale. Sur les 45 indicateurs analysés pour suivre les efforts de réduction des émissions, aucun n'est sur la bonne trajectoire. Pire encore, cinq d'entre eux vont dans la mauvaise direction, annulant une partie des gains réalisés ailleurs.
L'étude, fruit d'une collaboration entre des organisations majeures comme le Bezos Earth Fund, le World Resources Institute (WRI) et Climate Analytics, est décrite comme la feuille de route la plus complète à ce jour pour combler le fossé de l'action climatique.
« Tous les systèmes clignotent en rouge. Une décennie de retard a dangereusement rétréci le chemin vers 1,5 °C. Il n'y a tout simplement plus de temps pour l'hésitation ou les demi-mesures », a déclaré Clea Schumer, chercheuse au WRI et co-auteure principale du rapport.
Les secteurs responsables de la majorité des émissions, tels que l'énergie, les transports, l'industrie et l'agriculture, sont tous scrutés. Les résultats montrent que 29 indicateurs sont « très en retard » et six sont simplement « en retard », illustrant un manque d'accélération généralisé.
Les secteurs à la traîne
Même les domaines autrefois considérés comme des réussites montrent des signes de ralentissement. La croissance des véhicules électriques, qui représentaient 22 % des ventes mondiales de voitures en 2024, a commencé à faiblir sur des marchés clés comme l'Europe et les États-Unis. Le rapport classe désormais l'adoption des VE comme étant « en retard ».
Cette situation est particulièrement inquiétante car le secteur des transports est le seul dont les émissions sont encore plus élevées qu'en 1990.
Le paradoxe du financement
Alors que les investissements privés dans le climat ont atteint environ 1 200 milliards d'euros en 2023, les subventions publiques aux combustibles fossiles ont grimpé à plus de 1 400 milliards d'euros la même année. Ce soutien financier massif continue de freiner la transition énergétique.
Deux autres domaines critiques sont particulièrement à la peine : la lutte contre la déforestation et l'abandon du charbon. Selon le rapport, la déforestation se poursuit à un rythme équivalent à la perte de 22 terrains de football par minute.
Sophie Boehm, également co-auteure du rapport pour le WRI, souligne l'urgence : « Nous avons à peine fait bouger les lignes sur l'élimination progressive du charbon ou l'arrêt de la déforestation, tandis que les finances publiques continuent de soutenir les combustibles fossiles. Ces actions ne sont pas facultatives ; elles sont le strict minimum nécessaire pour combattre la crise climatique. »
L'accélération est impérative
Pour rester sous la barre des 1,5 °C, le rapport définit des objectifs d'accélération clairs et chiffrés. Les efforts doivent être multipliés dans plusieurs domaines clés.
- Charbon : L'utilisation du charbon dans la production d'électricité doit diminuer plus de dix fois plus vite, ce qui équivaut à fermer près de 360 centrales au charbon chaque année.
- Déforestation : Il faut réduire la perte de forêts neuf fois plus rapidement que le rythme actuel.
- Transports : Le développement des infrastructures de transport en commun rapide doit être quintuplé.
- Alimentation : Dans les régions à forte consommation comme l'Amérique du Nord, l'Australie et l'Europe, la consommation de viande de bœuf et d'agneau doit être réduite cinq fois plus vite, pour atteindre un maximum de deux portions par semaine.
- Finance : Les financements climatiques doivent augmenter de près de 920 milliards d'euros par an.
Le rôle des technologies de captage
Le rapport insiste également sur le besoin de développer les technologies d'élimination du dioxyde de carbone. Leur déploiement doit être multiplié par plus de dix pour contribuer à compenser les émissions difficiles à abattre.
Des lueurs d'espoir malgré tout
Le rapport n'est pas entièrement négatif et met en lumière des poches de progrès significatifs qui prouvent que le changement est possible. L'investissement dans les énergies propres a dépassé celui dans les combustibles fossiles pour la deuxième année consécutive en 2024.
La part de l'électricité mondiale produite par l'énergie solaire et éolienne a plus que triplé depuis 2015. Au deuxième trimestre de cette année, plus de la moitié de l'électricité nette en Europe provenait de l'énergie solaire. Ces succès démontrent la viabilité et la compétitivité croissante des énergies renouvelables.
De plus, des technologies émergentes connaissent une croissance exponentielle. La production d'hydrogène vert, par exemple, a plus que quadruplé en une seule année, ouvrant de nouvelles voies pour la décarbonation de l'industrie lourde.
« L'investissement dans les énergies propres dépasse désormais les combustibles fossiles et de nouvelles technologies décollent – la preuve que le progrès est possible lorsque l'ambition et l'investissement s'alignent », note Kelly Levin du Bezos Earth Fund. « Le défi est de généraliser ces succès et d'inverser les revers. »
Pour les auteurs du rapport, le message est clair. Le monde se trouve à un carrefour critique. « Le maintien du réchauffement à 1,5 °C dépend désormais d'une seule chose : la vitesse », conclut Bill Hare, directeur général de Climate Analytics. La prochaine décennie sera décisive pour accélérer la transition vers un avenir durable ou pour s'enfermer dans des systèmes qui aggravent les catastrophes climatiques.





