Une nouvelle étude révèle que les Andes du Sud jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Le processus naturel d'altération des roches dans cette chaîne de montagnes capterait jusqu'à 1 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone chaque année, un chiffre bien plus élevé que ce que les scientifiques pensaient auparavant.
Publiée dans la revue Earth and Planetary Science Letters, la recherche met en lumière l'importance des montagnes actives dans le cycle du carbone. En analysant les rivières et les sources chaudes de la région, des scientifiques ont quantifié la manière dont les réactions chimiques entre l'eau et la roche absorbent le CO₂ de l'atmosphère, suggérant que l'impact global de ce phénomène pourrait être sous-estimé.
Points Clés
- L'altération des roches dans les Andes du Sud absorbe jusqu'à 1 % du CO₂ atmosphérique mondial chaque année.
- Ce processus naturel, appelé altération chimique, transforme le CO₂ en bicarbonate qui est transporté vers les océans.
- L'activité volcanique et les systèmes hydrothermaux de la région accélèrent considérablement cette absorption de carbone.
- Ces résultats suggèrent que les chaînes de montagnes actives dans le monde pourraient être des puits de carbone bien plus importants que prévu.
Un thermostat planétaire naturel
Au cœur de cette découverte se trouve un processus géologique appelé altération chimique. Lorsque l'eau de pluie ou de fonte des neiges entre en contact avec les roches, elle dissout le dioxyde de carbone de l'air pour former un acide faible. Cet acide réagit avec les minéraux des roches, les décomposant lentement.
Cette réaction chimique consomme du CO₂ atmosphérique et le transforme en ions bicarbonate. Ces ions sont ensuite transportés par les rivières jusqu'aux océans, où ils peuvent être stockés durablement dans les sédiments marins, comme le calcaire. Ce mécanisme agit comme un puits de carbone à très long terme, retirant efficacement le CO₂ de l'atmosphère pendant des millions d'années.
Comment fonctionne l'altération chimique ?
L'altération chimique est l'un des mécanismes naturels de régulation du climat de la Terre. Lorsque les niveaux de CO₂ augmentent, la planète se réchauffe, ce qui a tendance à accélérer les réactions d'altération. Une altération plus rapide consomme plus de CO₂, contribuant à refroidir le climat. Inversement, si les niveaux de CO₂ chutent, le refroidissement ralentit l'altération, permettant au CO₂ de s'accumuler à nouveau. Ce cycle de rétroaction a aidé à maintenir la Terre habitable pendant des centaines de millions d'années.
L'étude des rivières andines
Pour quantifier ce phénomène, une équipe de chercheurs dirigée par Amanda Peña-Echeverría de l'Université du Chili a mené une campagne d'échantillonnage approfondie. Ils ont prélevé des échantillons d'eau dans les rivières et les sources géothermiques qui drainent les Andes du Sud.
En analysant la composition chimique et isotopique de ces eaux, les scientifiques ont pu déterminer quels types de minéraux se décomposaient et, surtout, la quantité de CO₂ atmosphérique consommée dans le processus. Leurs calculs montrent que les rivières andines exportent environ 0,0013 pétagramme de carbone chaque année.
Les taux d'exportation de carbone par altération des silicates dans les bassins versants étudiés varient entre 30 et 400 tonnes par kilomètre carré par an, des chiffres significatifs à l'échelle d'une seule chaîne de montagnes.
Le rôle clé de l'activité volcanique
Les Andes ne sont pas une chaîne de montagnes ordinaire. Elles sont tectoniquement très actives et riches en volcans. Cette activité géologique expose continuellement de la roche fraîche à la surface, la rendant disponible pour l'altération.
De plus, la région abrite de nombreux systèmes hydrothermaux, comme des sources chaudes. L'eau chaude qui circule à travers les roches volcaniques accélère considérablement les réactions chimiques. L'étude a révélé que ces systèmes peuvent augmenter la charge en silicates dissous des rivières jusqu'à 81 %, renforçant ainsi l'efficacité du processus d'absorption du CO₂.
Des implications à l'échelle mondiale
Bien que 1 % du CO₂ atmosphérique mondial puisse sembler modeste, il s'agit d'un flux de carbone considérable pour une seule région. Cette découverte soulève une question importante : si les Andes du Sud sont si efficaces, qu'en est-il des autres régions montagneuses actives du monde ?
"Si des taux similaires se produisent dans d'autres ceintures montagneuses actives et arcs volcaniques, comme l'Himalaya ou la Ceinture de feu du Pacifique, l'effet global de l'altération sur le CO₂ atmosphérique pourrait être bien plus important que ce que les scientifiques ont estimé jusqu'à présent", expliquent les auteurs de l'étude.
Ces recherches renforcent l'idée que les montagnes ne sont pas simplement des éléments passifs du paysage. Elles sont des acteurs dynamiques du système climatique terrestre, agissant comme des catalyseurs de changements chimiques qui influencent directement la composition de notre atmosphère.
Incertitudes et perspectives futures
Les scientifiques soulignent que leurs estimations comportent certaines incertitudes. Les échantillons ne couvrent qu'une partie du vaste système andin, et les conditions peuvent varier considérablement d'une vallée à l'autre en fonction de la géologie, des précipitations et de l'érosion.
La question de la permanence du stockage du carbone se pose également. Bien que l'altération retire le CO₂ de l'atmosphère, une partie de ce carbone peut être réintroduite dans le cycle par des émissions volcaniques au fil des temps géologiques.
Néanmoins, l'ampleur du phénomène observé dans les Andes est suffisamment importante pour attirer l'attention. Les futures recherches devront évaluer l'impact du changement climatique sur ce puits de carbone naturel. La hausse des températures et la modification des régimes de précipitations pourraient soit amplifier, soit réduire l'efficacité de l'altération, avec des conséquences directes sur la régulation du climat à long terme.





