Un an après l'accord historique de la COP28 appelant à une « transition hors des énergies fossiles », une analyse des nouveaux plans climatiques nationaux révèle une ambition limitée. Seul un tiers environ des pays ayant soumis leurs engagements à l'ONU soutiennent explicitement cet objectif, soulevant des inquiétudes à l'approche du sommet climatique COP30 au Brésil.
Pire encore, plusieurs nations prévoient même d'augmenter leur production et leur consommation de gaz naturel, le présentant comme un carburant de transition. Cette situation met en lumière le décalage important entre les déclarations internationales et les politiques nationales concrètes pour lutter contre le changement climatique.
Les points clés
- Seuls 23 des 63 plans climatiques nationaux soumis à l'ONU mentionnent un soutien à la sortie des énergies fossiles.
- Près de 10 % des pays, dont la Russie et le Nigeria, prévoient d'augmenter leur production ou leur utilisation de gaz.
- Deux tiers des pays n'ont toujours pas présenté leurs nouveaux engagements climatiques, malgré le dépassement des échéances.
- Le manque de progrès sera un sujet majeur de discussion lors du prochain sommet climatique COP30 à Belém, au Brésil.
Un engagement mondial, des actions nationales limitées
En 2023, lors de la COP28 à Dubaï, la communauté internationale a franchi une étape historique. Pour la première fois en près de 30 ans de négociations climatiques, les pays ont formellement reconnu la nécessité de s'éloigner des énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique.
Cet accord, issu du premier « bilan mondial » des progrès réalisés depuis l'Accord de Paris de 2015, appelait toutes les nations à contribuer à cette transition. En réponse, les pays devaient soumettre de nouveaux plans climatiques, appelés Contributions Déterminées au niveau National (CDN), détaillant leurs objectifs pour 2035.
Cependant, l'analyse des 63 premières CDN soumises révèle une réalité décevante. Seulement 23 pays soutiennent explicitement la « transition hors des énergies fossiles » ou un « abandon progressif » de leur utilisation. La grande majorité des plans reste silencieuse sur cet engagement crucial.
Le mécanisme de l'Accord de Paris
Signé en 2015, l'Accord de Paris vise à maintenir le réchauffement climatique « bien en dessous » de 2°C, et si possible à 1,5°C. Il repose sur un système de « cliquet », où les pays doivent soumettre tous les cinq ans des plans climatiques (CDN) de plus en plus ambitieux pour rehausser collectivement leurs efforts.
De nombreux pays ont manqué l'échéance initiale de février 2025 pour soumettre leurs plans. Une prolongation jusqu'en septembre n'a pas suffi, puisque près des deux tiers des nations n'ont toujours pas présenté leurs nouvelles ambitions.
Des ambitions très contrastées à travers le monde
L'examen des plans soumis montre des approches radicalement différentes. D'un côté, un groupe de pays affiche une volonté claire de respecter l'accord de Dubaï. Le Royaume-Uni, le Brésil, le Canada et l'Australie font partie de ceux qui s'engagent à opérer cette transition sur leur territoire.
Dans sa CDN, le Royaume-Uni déclare : « Conformément aux résultats du bilan mondial, le Royaume-Uni s'engage à abandonner les énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. »
D'autres pays utilisent un langage encore plus fort. La Colombie, par exemple, réaffirme que « l'abandon progressif des combustibles fossiles n'est pas seulement un impératif climatique, mais aussi une opportunité de renforcer la souveraineté énergétique ». L'Islande et le Vanuatu s'engagent également à une « sortie » des énergies fossiles, tandis que la Barbade vise une « économie sans combustibles fossiles » d'ici 2040.
La promotion du gaz comme « carburant de transition »
À l'opposé, un groupe de six pays utilise ses plans climatiques pour justifier une augmentation de la production ou de l'utilisation de combustibles fossiles, principalement le gaz naturel.
La Russie, quatrième émetteur mondial de gaz à effet de serre, souligne dans sa contribution « l'importance d'utiliser toutes les solutions disponibles », y compris « le gaz comme carburant de transition ». Cette position fait écho à un paragraphe controversé ajouté au texte de la COP28, qui suggère que les « carburants de transition » peuvent jouer un rôle dans la transition énergétique.
Le Nigeria, deuxième émetteur d'Afrique, indique que son secteur pétrolier et gazier « sera appelé à croître davantage tout en adoptant des mesures de durabilité ». Le plan ajoute que « l'utilisation du gaz naturel sera renforcée, servant de carburant de transition clé ».
Le Maroc, Maurice et le Zimbabwe ont également inclus des plans visant à développer l'utilisation du gaz. Cette stratégie est en contradiction directe avec les avertissements de l'Agence Internationale de l'Énergie, qui a réaffirmé qu'aucun nouveau projet fossile n'est nécessaire si le monde veut limiter le réchauffement à 1,5°C.
Un risque juridique croissant
La Cour internationale de Justice a récemment conclu que le développement de nouvelles productions de combustibles fossiles, l'octroi de licences d'exploration ou l'octroi de subventions « peuvent constituer un acte internationalement illicite », exposant les États concernés à des poursuites judiciaires.
La COP30 au Brésil : un sommet sous haute tension
Le manque d'ambition généralisé des nouvelles CDN sera au cœur des débats de la COP30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre dans la ville brésilienne de Belém, en Amazonie. L'ONU doit publier le 24 octobre un rapport de synthèse sur l'ensemble des plans soumis, qui servira de base aux négociations.
La présidence brésilienne du sommet pousse pour qu'une décision formelle soit prise concernant la « déception » collective face à des engagements jugés insuffisants pour éviter un réchauffement climatique dangereux. Une telle proposition nécessiterait cependant le consensus de tous les pays participants.
Les discussions s'annoncent difficiles. Elles devront non seulement aborder la manière de combler le fossé entre les objectifs climatiques mondiaux et les actions nationales, mais aussi répondre à la question de savoir comment concilier le développement économique avec l'urgence climatique, un enjeu particulièrement sensible pour de nombreux pays en développement.
L'issue de la COP30 déterminera si le mécanisme de l'Accord de Paris est capable de forcer une réelle accélération de l'action climatique ou si le monde continuera sur une trajectoire de promesses non tenues.





