Le Pakistan, bien qu'il contribue à moins de 1% des émissions mondiales de carbone, se trouve parmi les pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Le pays a récemment subi de multiples catastrophes, notamment des inondations et des vagues de chaleur, qui ont coûté la vie à des milliers de personnes et affecté des millions d'autres. Ces événements mettent en lumière des phénomènes climatiques complexes, simultanés ou séquentiels, qui nécessitent une meilleure compréhension pour une préparation efficace.
Points clés
- Le Pakistan contribue peu aux émissions mondiales mais est très vulnérable.
- Le pays subit des effets climatiques "composés" et "séquentiels".
- Des inondations dévastatrices et des vagues de chaleur ont causé des pertes humaines et économiques importantes.
- Le réchauffement des glaciers de l'Himalaya et de la mer d'Oman aggrave la situation.
- Une meilleure recherche et des financements internationaux sont essentiels pour l'adaptation.
Impacts dévastateurs des événements climatiques
Le 15 août dernier, une averse torrentielle a provoqué une crue éclair dans la ville de Buner, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa. Plus de 150 millimètres de pluie sont tombés en une heure. Cette catastrophe a entraîné la mort de plus de 300 personnes. Des torrents de boue et de rochers ont emporté des habitations, des hôtels et d'autres infrastructures.
Tariq Zaman, un habitant de Buner, a décrit la situation comme "horrifique". Il a confié à Mongabay que son ami avait perdu 18 membres de sa famille en une seule journée. Les pluies intenses ont également ravagé d'autres régions du nord du Pakistan, détruisant des localités entières.
Fait marquant
En août 2022, le Pakistan a enregistré son mois le plus pluvieux depuis le début des relevés, avec des inondations sans précédent dans les provinces de Sindh et du Baloutchistan.
Phénomènes climatiques composés et séquentiels
Les chercheurs soulignent que le Pakistan est affecté par deux types de phénomènes climatiques. Le premier est l'effet "composé", où plusieurs aléas climatiques comme les sécheresses, les vagues de chaleur, les pluies torrentielles et les incendies se produisent simultanément ou en succession rapide. Le second est l'effet "séquentiel", où un événement climatique en déclenche ou en intensifie d'autres.
Une étude récente publiée par Frontiers in Climate a confirmé que le Pakistan a été victime d'un effet composé en 2022. Fahad Saeed, climatologue senior chez Climate Analytics, a validé ces observations. Selon lui, la vulnérabilité du Pakistan est due à sa géographie unique, allant des plus hauts sommets au nord aux basses plaines au sud.
« En 2015, la température mondiale a augmenté de 0,9° Celsius. Elle est maintenant de 1,2°C. La vulnérabilité du Pakistan est due à sa géographie. Sur 1 600 kilomètres de distance latitudinale, le Pakistan possède le deuxième plus haut sommet du monde au nord, et des terres de basse altitude au sud. Tout changement climatique mondial impacte le Pakistan le plus fortement », a expliqué Fahad Saeed.
Rôle des émissions et des régions voisines
Malgré sa faible contribution aux émissions mondiales, le Pakistan subit des conséquences disproportionnées. Les systèmes montagneux de l'Hindu Kush, de l'Himalaya et du Karakoram, au nord du Pakistan, abritent les plus grands réservoirs de glaciers non polaires du monde. Ces "châteaux d'eau" s'étendent vers la Chine et l'Inde, deux des plus grands émetteurs de carbone.
Waqar Ahmed, scientifique environnemental à l'Université de Karachi, a souligné que les pays émetteurs de carbone ne subissent pas nécessairement les mêmes impacts, et que le Pakistan en est un exemple frappant. Anjum Zaigham, météorologue au Département météorologique du Pakistan (PMD), a précisé que le Pakistan est affecté par les émissions de ces pays voisins.
La température moyenne dans le nord du Pakistan a augmenté de 2°C, et même de plus de 8°C cette année. Cela a conduit à une augmentation des crues glaciaires (GLOF) et à des pluies intenses dues à l'humidité atmosphérique accrue. Une étude de 2024 a montré que le rythme du changement climatique dans la région de l'Hindu Kush-Himalaya-Karakoram est plus rapide que la moyenne mondiale.
Contexte géographique
Au sud du Pakistan, une côte de 1 050 km le long de la mer d'Oman s'étend sur les provinces du Sindh et du Baloutchistan. La mer d'Oman se réchauffe plus vite que prévu, modifiant le climat régional et entraînant des sécheresses suivies de pluies intenses.
Séquence de catastrophes climatiques
L'analyse des modèles climatiques pakistanais sur les dix dernières années révèle une série de catastrophes, indiquant un phénomène climatique séquentiel. En juin 2015, les villes du sud du Pakistan ont connu la vague de chaleur la plus meurtrière de l'histoire du pays.
Plus de 2 000 personnes sont décédées, dont 1 200 à Karachi, où la température a atteint 45°C avec une forte humidité. Rizwan Khan, un habitant de Karachi, a raconté avoir vu des gens s'évanouir dans la circulation. "La plupart des personnes décédées étaient des ouvriers effectuant un travail physique", a-t-il précisé.
Les vagues de chaleur sont devenues la nouvelle norme. Yasir Darya, fondateur du Climate Action Centre Pakistan, a noté qu'à Karachi, les pics de température durent désormais des semaines, contre une ou deux fois avant 2015. Après la chaleur, des pluies catastrophiques ont suivi.
En 2020, Karachi a été submergée par 230 mm de pluie en 12 heures, causant la mort de plus de 40 personnes. Des quartiers entiers ont été inondés. Au cours de la dernière décennie, la chaleur excessive et les pluies ont provoqué de nombreuses inondations, même dans des régions arides du sud du Pakistan.
Inondations de 2022 et leurs conséquences
Le Pakistan a subi sa pire catastrophe climatique lors de la mousson de 2022. Les provinces de Sindh et du Baloutchistan ont connu des précipitations sans précédent. Le mois d'août 2022 est devenu le plus humide jamais enregistré. Dans le Sindh, le fleuve Indus a débordé, inondant de vastes zones.
Le Baloutchistan, la région la plus sèche du pays, a vu ses précipitations augmenter de 500% en juillet 2022 par rapport à 1961, en particulier dans des zones ayant subi de graves vagues de chaleur et des cycles de sécheresse les années précédentes. Ces pluies ont déclenché des crues éclair dévastatrices.
Au total, les inondations de 2022 ont causé plus de 1 700 décès et affecté 33 millions de personnes. Les pertes économiques ont atteint 40 milliards de dollars, un coup dur pour l'économie pakistanaise. Une étude de 2023 dans npj Climate and Atmospheric Science a établi un lien entre les vagues de chaleur en Chine et en Europe et les pluies intenses au Pakistan en 2022.
Statistiques des inondations de 2022
- Plus de 1 700 décès enregistrés.
- 33 millions de personnes affectées.
- Pertes économiques estimées à 40 milliards de dollars.
- Augmentation de 500% des pluies au Baloutchistan en juillet 2022.
Autres impacts et défis futurs
Les changements climatiques ont des effets sévères et abrupts. Le désert du Thar, autrefois affecté par de graves sécheresses, voit maintenant ses précipitations augmenter, le rendant plus vert. Cependant, ces pluies s'accompagnent d'orages et d'éclairs intenses. En 2024, 14 personnes sont mortes de la foudre et des pluies torrentielles. Plus de 350 personnes ont péri de ce phénomène en huit ans.
Fahad Saeed explique que "l'atmosphère plus chaude a la capacité de retenir plus de vapeur d'eau, ce qui entraîne plus de précipitations et des conditions météorologiques extrêmes. C'est l'effet Clausius-Clapeyron, que nous observons dans les régions arides du Pakistan, y compris le Thar."
La fonte des glaciers, les fortes pluies et le réchauffement des mers entraînent également une menace majeure : l'élévation du niveau de la mer. La côte pakistanaise est confrontée à une perte de terres sans précédent. Le delta du Sindh disparaît rapidement, et l'eau de mer a englouti 15 des 17 criques, submergeant des millions d'hectares de terres agricoles.
Les habitants du delta sont devenus des migrants climatiques, se déplaçant vers des zones plus élevées comme Karachi. Cette migration pourrait atteindre 2,3 millions de personnes d'ici 2050. Fahad Saeed précise que "les événements composés sont spécifiques, se produisant à l'échelle saisonnière ou sous-saisonnière, tandis que l'élévation du niveau de la mer est un événement à évolution lente, différent des événements composés."
Politiques et financements pour l'avenir
Le Pakistan a adopté une politique de changement climatique en 2012 et créé un ministère dédié pour faire face aux défis. Cependant, une publication de 2024 de Transparency International Pakistan sur le financement climatique indique que "le système actuel nécessite des améliorations significatives". Les raisons incluent une mise en œuvre incomplète, l'influence d'institutions non climatiques, des décisions arbitraires et un manque de participation publique.
« Nous étendons nos capacités et rendons notre politique plus sophistiquée », a déclaré le sénateur Musadik Malik, ministre pakistanais du Changement climatique, à Mongabay. « Notre politique d'adaptation et d'atténuation nécessite un financement multilatéral pour que nous puissions mener cette guerre. […] Depuis la création du fonds pour les pertes et dommages à la COP28, le Pakistan n'a reçu aucun montant », a-t-il ajouté.
Yasir Darya du Climate Action Centre Pakistan a exprimé son inquiétude quant à l'avenir. Il a averti que si la température moyenne du Pakistan augmentait de 2°C supplémentaires en quelques décennies, "il n'y aurait plus rien à faire". Waqar Ahmed a insisté sur la nécessité d'atteindre "zéro carbone immédiatement".
L'avenir du Pakistan face au changement climatique est incertain. Une chose est claire : le changement climatique n'affecte pas toutes les régions de la même manière. Certaines sont vulnérables, d'autres sont au bord de l'effondrement. Le Pakistan fait partie de ces dernières. Une meilleure compréhension des effets climatiques composés et séquentiels est cruciale pour élaborer des solutions régionales et alerter d'autres régions avant qu'elles ne soient touchées par des phénomènes similaires.





