Le changement climatique a un impact direct et disproportionné sur la classe ouvrière, exposant des milliards de travailleurs à des conditions de chaleur excessive. Les températures extrêmes transforment des environnements de travail extérieurs en zones dangereuses, augmentant les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à travers le monde. Cette réalité met en lumière l'urgence d'adapter les politiques et les infrastructures face à une crise environnementale qui est aussi une crise sociale profonde.
Points Clés
- 2,4 milliards de travailleurs (70% de la main-d'œuvre mondiale) sont exposés à une chaleur excessive.
- La productivité diminue de 2% à 3% pour chaque degré au-dessus de 20°C.
- Les villes représentent 70% des émissions mondiales de CO2 et de la consommation d'énergie.
- Le Nord Global doit assumer sa dette écologique et cesser le "greenwashing".
L'Impact Dévastateur de la Chaleur sur les Travailleurs
Les vagues de chaleur estivales transforment les villes tropicales en environnements hostiles. À Mango, Togo, les températures ont atteint 44°C en mars et avril. Sur les surfaces d'asphalte et de béton, cette température peut dépasser 60°C. À cette chaleur, des brûlures au second degré peuvent survenir en moins de cinq secondes.
Des millions de personnes travaillent en extérieur sans chaussures appropriées. Elles sont directement exposées à ces surfaces brûlantes. Cela représente un risque grave pour leur santé.
Statistique Clé
- 70% de la main-d'œuvre mondiale, soit environ 2,4 milliards de travailleurs, sont à risque d'exposition à une chaleur excessive, selon un rapport de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Peu de pays, principalement dans la péninsule arabique et en Europe du Sud, interdisent le travail en extérieur pour prévenir le stress thermique. Cependant, même dans ces régions, des travailleurs de la construction ou du nettoyage sont souvent contraints d'affronter la chaleur. Ce non-respect des règles peut avoir des conséquences fatales, comme cela a été observé lors de la construction des stades pour la Coupe du Monde de la FIFA 2022 au Qatar.
Conséquences sur la Santé et la Productivité
Le rapport de l'OMM et de l'OMS, intitulé « Changement climatique et stress thermique au travail », souligne que la productivité des travailleurs diminue de 2% à 3% pour chaque unité de température au-dessus de 20°C. Les travailleurs exposés à une chaleur intense souffrent de coups de chaleur, de déshydratation, de dysfonctionnements rénaux et de troubles neurologiques. Il est à noter qu'il n'existe pas de chiffre précis sur le nombre de décès liés au stress thermique au travail à l'échelle mondiale, ce qui rend difficile une évaluation complète de l'ampleur du problème.
« La chaleur excessive au travail n'est pas seulement un problème de confort ; c'est une question de vie ou de mort pour des millions de personnes. »
Les Villes au Cœur de la Crise Climatique
Les centres urbains jouent un rôle central dans le changement climatique. Ils génèrent 70% des émissions mondiales et consomment une part équivalente de l'énergie. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a créé un comité pour produire un Rapport spécial sur le changement climatique et les villes, attendu en mars 2027.
La seule étude majeure du GIEC sur les centres urbains, le chapitre six de son rapport de 2022, a révélé qu'un milliard de personnes vivant dans des établissements informels du Sud Global sont extrêmement vulnérables aux catastrophes climatiques comme les inondations et les sécheresses. Les infrastructures vertes et bleues, telles que les mangroves et les zones humides, qui pourraient atténuer ces désastres, sont souvent privatisées, construites ou dégradées, réduisant ainsi la capacité d'adaptation des villes en croissance.
Contexte Urbain
Une étude de l'Institut international pour l'environnement et le développement, datée du 30 septembre 2025, a montré que dans quarante des villes les plus peuplées du monde, le nombre de jours par an où la température dépasse 35°C a augmenté de 26% depuis 1994. Cette tendance aggrave encore le stress thermique pour les populations urbaines, en particulier les travailleurs en extérieur.
Les COP et la Lutte pour la Justice Climatique
La 30e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 30) se tiendra à Belém, au Brésil. Le processus des COP, malgré ses lacunes, est essentiel pour relancer les débats et renforcer la conscience des mouvements populaires en faveur de la justice climatique.
Cependant, ce processus est souvent critiqué pour l'influence des lobbyistes des combustibles fossiles. Lors de la COP 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, 636 lobbyistes des combustibles fossiles ont été accrédités, soit deux fois plus que les délégués des peuples autochtones. À la COP 28 à Dubaï, ce chiffre a atteint 2 456, dépassant presque toutes les délégations nationales. À la COP 29 à Bakou, ils étaient plus nombreux que les délégués des dix pays les plus vulnérables au changement climatique.
Huit Demandes pour Faire Face à la Crise Environnementale
Le dossier « La crise environnementale est une crise capitaliste », élaboré par l'équipe brésilienne de Tricontinental en collaboration avec le Mouvement des Travailleurs Sans Terre (MST) du Brésil, propose huit demandes pour une justice climatique:
- Responsabiliser le Nord Global pour la dette écologique : Les États coloniaux doivent payer leur dette climatique et cesser leurs engagements vides envers le Fonds Vert pour le Climat.
- Mettre fin au "greenwashing" : Rejeter les marchés du carbone et les mécanismes de compensation qui marchandisent les biens communs (air, biodiversité, forêts).
- Promouvoir le contrôle communautaire : Favoriser la gestion communautaire des politiques environnementales plutôt que le contrôle des entreprises.
- Faire avancer la réforme agraire : Défendre les terres des paysans et des communautés autochtones, garantir la redistribution des terres, les droits fonciers collectifs, le contrôle des semences et la protection de la biodiversité.
- Construire la souveraineté alimentaire et hydrique : Remplacer les monocultures orientées vers l'exportation par des systèmes alimentaires agroécologiques et coopératifs qui démocratisent la production et la distribution alimentaire. Le droit à l'alimentation doit primer sur le droit au profit.
- Appliquer le reboisement sous contrôle communautaire : Protéger les grandes forêts tropicales, puits de carbone essentiels.
- Criminaliser l'écocide : Mettre en place des régimes juridiques pour sanctionner les entreprises transnationales qui détruisent la nature, et les poursuivre dans leurs pays d'origine et sur les lieux des crimes.
- Mettre en œuvre une transition énergétique juste, planifiée et socialisée : Les nouvelles formes d'énergie doivent être contrôlées démocratiquement et non utilisées pour la spéculation financière.
Tragédie du Travail et Urgence d'Action
L'histoire de Julio César Centeno, surnommé Penano (le Souffrant) et Brujo (le Sorcier), illustre la gravité de la situation. Le 13 mars 2024, il travaillait dans les vergers d'orangers et de citronniers du Groupe Ledesma en Argentine. Ce jour-là, la température dépassait 40°C. Malgré ses plaintes de stress thermique dès 10h du matin, il a été contraint de continuer à récolter des citrons pour ManpowerGroup, un prestataire de travail temporaire.
À midi, il a eu une crise et s'est évanoui. L'ambulance a mis une heure à arriver. Il est décédé d'un choc septique à l'hôpital. Ledesma, une entreprise avec un historique controversé, n'a pas interrompu le travail. Les ouvriers ont été forcés de retourner aux vergers, récoltant 500 kg de fruits par jour. Le décès de Centeno, employé sans protection légale ni syndicale, n'est pas un cas isolé. De nombreux travailleurs meurent de stress thermique, "brûlant vifs pour le profit".
Ces événements soulignent la nécessité de mesures urgentes pour protéger les travailleurs et réformer les politiques environnementales mondiales. Le podcast « Los pueblos frente a la crisis climática » (Les peuples face à la crise climatique) de José Seoane, disponible en espagnol, vise à élargir la discussion sur ces enjeux cruciaux.
Les photographies du dossier sont de Sebastião Salgado, un photographe renommé qui a également fondé un institut de reboisement au Brésil. Son travail met en lumière la force des travailleurs et l'importance de la nature.





