Une nouvelle étude dirigée par l'Université Tulane remet en question des décennies de connaissances sur la fin de la dernière période glaciaire. Publiée dans la revue Nature Geoscience, la recherche révèle que la fonte des calottes glaciaires nord-américaines a été le principal moteur de la montée du niveau de la mer il y a entre 8 000 et 9 000 ans, un rôle jusqu'alors attribué à l'Antarctique.
Cette découverte, qui s'appuie sur l'analyse de sédiments anciens, montre que la contribution de l'Amérique du Nord a été bien plus importante que prévu. Elle a provoqué une élévation du niveau mondial des mers de plus de 10 mètres durant cette période, ce qui modifie notre compréhension des mécanismes climatiques passés et actuels.
Points Clés
- La fonte des glaces en Amérique du Nord a causé une montée des eaux de plus de 10 mètres il y a 8 000 à 9 000 ans.
- Cette contribution est bien plus importante que celle de l'Antarctique, contrairement aux anciennes théories.
- Un afflux massif d'eau douce dans l'Atlantique Nord a eu des implications majeures pour les courants océaniques.
- L'étude suggère une résilience surprenante du Gulf Stream, ce qui nuance les prévisions actuelles sur son effondrement.
Une révision majeure de l'histoire climatique
Pendant des années, la communauté scientifique a considéré que la calotte glaciaire de l'Antarctique était le principal contributeur à la montée des eaux à la fin de la dernière ère glaciaire. Cependant, les nouvelles données montrent que les masses de glace couvrant le Canada et le nord des États-Unis ont joué un rôle prédominant.
Selon Torbjörn Törnqvist, professeur de géologie à l'Université Tulane et co-auteur de l'étude, ces résultats obligent à revoir l'histoire de la fonte des glaces. L'apport d'eau douce dans l'Atlantique Nord a été beaucoup plus conséquent que ce que les modèles précédents indiquaient.
"Cela nécessite une révision majeure de l'histoire de la fonte des glaces durant cet intervalle de temps critique. La quantité d'eau douce qui a pénétré dans l'océan Atlantique Nord était bien plus grande qu'on ne le croyait, ce qui a plusieurs implications", a déclaré le professeur Törnqvist.
Cette réévaluation est cruciale car l'Atlantique Nord est une région clé pour la régulation du climat mondial. Il abrite des courants océaniques majeurs, comme le Gulf Stream, qui influencent directement les températures en Europe du Nord-Ouest.
L'impact sur les courants océaniques
Le Gulf Stream est un courant chaud qui rend le climat de l'Europe occidentale beaucoup plus doux qu'il ne le serait autrement. Les recherches ont montré que ce courant peut être affaibli par un afflux important d'eau douce, comme celle provenant de la fonte des glaces du Groenland aujourd'hui.
Un tel affaiblissement pourrait non seulement entraîner un refroidissement spectaculaire en Europe, mais aussi modifier les régimes de précipitations dans des régions aussi éloignées que l'Amazonie. Or, l'étude de Tulane suggère que malgré un déversement massif d'eau douce par le passé, le système climatique a montré une résilience inattendue.
Le chiffre du jour : 10 mètres
C'est l'élévation du niveau global de la mer causée uniquement par la fonte des calottes glaciaires nord-américaines il y a entre 8 000 et 9 000 ans. Cela équivaut à plus de 30 pieds.
Cette observation contraste avec certaines études récentes qui prévoient un affaiblissement, voire un effondrement imminent du Gulf Stream. "Clairement, nous ne comprenons pas encore entièrement ce qui régit cette composante clé du système climatique", ajoute M. Törnqvist.
Une découverte géologique clé en Louisiane
La reconstitution des niveaux marins anciens, datant de plus de 8 000 ans, est une tâche complexe qui nécessite souvent des forages en mer. L'avancée de cette étude a été rendue possible par une découverte surprenante près de la Nouvelle-Orléans.
Lael Vetter, une ancienne postdoctorante à Tulane, a identifié des sédiments de marais anciens profondément enfouis de l'autre côté du fleuve Mississippi. Ces sédiments, parfaitement conservés, ont fourni un enregistrement géologique précieux.
Grâce à la datation au carbone 14 de ces échantillons, les chercheurs ont pu reconstituer l'histoire du niveau de la mer sur plus de 10 000 ans, une période plus étendue que ce qui était possible auparavant dans cette région.
Une perspective globale pour des conclusions robustes
S'appuyant sur ces travaux, Udita Mukherjee, alors doctorante, a élargi le champ de l'analyse. Elle a intégré les données du delta du Mississippi avec des enregistrements provenant d'Europe et d'Asie du Sud-Est.
Cette comparaison à l'échelle mondiale a révélé des différences significatives dans les taux de montée des eaux entre les différentes régions. Les modèles informatiques ont montré que seule une fonte beaucoup plus massive de la calotte nord-américaine pouvait expliquer de telles variations régionales. L'empreinte gravitationnelle laissée par cette immense masse de glace a en effet influencé la répartition de l'eau sur le globe.
Contexte : La fin de la dernière période glaciaire
La dernière période glaciaire, ou glaciation, a atteint son apogée il y a environ 20 000 ans. D'immenses calottes glaciaires recouvraient alors une grande partie de l'Amérique du Nord, de l'Europe du Nord et de l'Asie. La période de déglaciation qui a suivi a été marquée par une fonte rapide des glaces et une montée spectaculaire du niveau des mers, remodelant les côtes du monde entier.
"Cette recherche est un rappel frappant de la complexité de notre système climatique et de la fonte des calottes glaciaires", explique Udita Mukherjee, désormais chercheuse postdoctorale à l'Université de Hong Kong.
"Élargir notre champ d'action au-delà de l'Amérique du Nord et de l'Europe pour inclure des données de haute qualité d'Asie du Sud-Est a été essentiel pour cette étude. En adoptant une perspective véritablement mondiale dans les études climatiques, nous pouvons améliorer notre compréhension et travailler ensemble pour un avenir durable."
Ces nouvelles informations sont fondamentales pour affiner les modèles climatiques qui prévoient les conséquences de la fonte actuelle des glaces au Groenland et en Antarctique. Comprendre la réaction du système terrestre à des perturbations passées de grande ampleur est essentiel pour anticiper les défis futurs liés au changement climatique.





