De nouvelles recherches révèlent que des organismes microscopiques, les diatomées des glaces, possèdent une capacité de mouvement remarquable dans la glace marine arctique. Ces algues unicellulaires peuvent glisser efficacement à travers la glace pour trouver de meilleures sources de lumière et de nutriments, même à des températures aussi basses que -15°C. Cette découverte remet en question la perception selon laquelle ces organismes sont passifs face à leur environnement.
Points Clés
- Les diatomées des glaces se déplacent activement dans la glace marine arctique.
- Elles glissent environ 10 fois plus vite que les diatomées des climats tempérés.
- La motilité a été observée jusqu'à -15°C, un record pour une cellule eucaryote.
- Ces découvertes éclairent la résilience des écosystèmes polaires face au changement climatique.
Une adaptation unique au froid extrême
Les diatomées, des algues unicellulaires microscopiques, sont essentielles aux écosystèmes mondiaux. Elles contribuent à la production d'au moins 20% de l'oxygène que nous respirons. Depuis les années 1960, les scientifiques savent que ces organismes vivent et se déplacent dans la matrice de la glace. Cependant, le mécanisme précis de ce mouvement est resté un mystère jusqu'à présent.
Les nouvelles études, menées par Manu Prakash, chercheur en bio-ingénierie à l'Université de Stanford, et son équipe, montrent que les diatomées des glaces ne sont pas de simples passagers. Elles sont actives et capables de se déplacer de manière ciblée. Cette capacité leur permet de rechercher des zones optimales pour la photosynthèse et l'absorption des nutriments.
Fait intéressant
Il existe jusqu'à 2 millions d'espèces de diatomées, formant la base de nombreuses chaînes alimentaires, des tropiques aux pôles.
Les expériences ont révélé que les diatomées arctiques glissent environ dix fois plus vite que leurs homologues des climats tempérés. Plus surprenant encore, elles maintiennent cette motilité à des températures extrêmement basses, atteignant -15°C. C'est la température la plus basse jamais enregistrée pour la motilité d'un organisme unicellulaire, en particulier une cellule eucaryote.
« Les gens pensent souvent que les diatomées sont à la merci de leur environnement », a déclaré Manu Prakash. « Ce que nous montrons dans ces structures de glace, c'est que ces organismes peuvent en fait se déplacer rapidement à ces températures très froides pour trouver le bon 'chez-soi'. Il se trouve que ce 'chez-soi' est très froid. »
Des recherches en mer de Chukchi
Pour observer ces mouvements, l'équipe de recherche a mené une expédition de 45 jours en 2023 à bord du R/V Sikuliaq dans la mer de Chukchi. Ils ont prélevé des carottes de jeune glace marine et en ont extrait les diatomées. Les mouvements de ces organismes ont ensuite été étudiés sur des surfaces glacées et à l'intérieur de la glace, sous un microscope à température contrôlée, adapté aux conditions sub-zéro.
Les observations ont confirmé que les diatomées des glaces arctiques glissaient activement sur les surfaces de glace et dans les canaux de glace. Cela démontre une adaptation spécifique et sophistiquée à leur habitat gelé. La glace est décrite comme « une incroyable architecture poreuse d'autoroutes » par Prakash, permettant aux diatomées de naviguer entre la lumière (venant du haut) et les nutriments (venant du bas).
Contexte Biologique
La motilité est la capacité d'un organisme à dépenser de l'énergie pour se déplacer de manière autonome. Cette capacité est cruciale pour les diatomées afin d'optimiser leur exposition à la lumière solaire pour la photosynthèse et d'accéder aux nutriments essentiels.
Les résultats de cette étude, publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, soulignent la complexité de la vie microbienne dans des environnements extrêmes. Ils offrent de nouvelles perspectives sur la manière dont les écosystèmes polaires pourraient réagir aux changements climatiques actuels.
« La vie n'est pas en suspens à ces températures ultracoldes. La vie suit son cours », a affirmé Prakash.
Comparaison avec les diatomées tempérées
L'équipe a également comparé la motilité des diatomées des glaces avec celle de diatomées provenant de climats tempérés. Les résultats ont été éloquents. Sur des surfaces glacées et en verre, dans des conditions identiques, les diatomées arctiques se sont déplacées environ dix fois plus vite que les espèces tempérées.
Dans des conditions froides et sur des surfaces glacées, les diatomées tempérées ont complètement perdu leur capacité de mouvement. Elles se sont contentées de dériver passivement. Cela met en évidence l'évolution spécialisée des diatomées des glaces, qui ont développé des mécanismes actifs pour prospérer dans leur environnement hostile.
Motilité record
La motilité des diatomées des glaces à -15°C est la température la plus basse jamais observée pour une cellule eucaryote.
Julia Diaz, biogéochimiste marine à la Scripps Institution of Oceanography, qui n'a pas participé à cette recherche, a qualifié cette découverte de « notable ». Elle a souligné que ces diatomées « repoussent la limite de température la plus basse connue pour la motilité à un nouvel extrême ».
« Alors que ces diatomées sont clairement des spécialistes de la glace, elles semblent néanmoins être équipées de l'équivalent de pneus toutes saisons ! » a commenté Brent Christner, microbiologiste environnemental à l'Université de Floride, également extérieur à l'étude.
Implications pour le changement climatique
L'Arctique connaît un réchauffement rapide, plusieurs fois plus vite que le reste du monde. Ce changement climatique affecte non seulement les grandes espèces comme les ours polaires, mais aussi les organismes microscopiques. Les diatomées, en tant que « colonne vertébrale microbienne de tout l'écosystème », sont particulièrement vulnérables.
La capacité des diatomées à s'adapter et à se déplacer dans un environnement en mutation pourrait être cruciale. Cependant, la réduction prévue de l'étendue de la glace marine représente un défi majeur. Si la glace disparaît, ces diatomées pourraient être contraintes de modifier radicalement leur mode de vie et de navigation.
Prakash espère que les futurs efforts de conservation adopteront une approche holistique des écosystèmes arctiques, du niveau microbien au macroscopique. Son équipe prévoit d'étudier comment la capacité de glisse des diatomées est affectée par différentes conditions chimiques, comme la salinité, et comment elles modifient leur environnement glacé.
Réchauffement Arctique
L'Arctique se réchauffe à un rythme alarmant, menaçant la biodiversité unique de la région, y compris les écosystèmes microbiens qui sont fondamentaux pour la santé de la planète.
« Les scientifiques pensaient autrefois que la glace marine n'était qu'une barrière inactive à la surface de l'océan », a ajouté Julia Diaz. « Mais des découvertes comme celles-ci révèlent que la glace marine est un habitat riche, plein de diversité biologique et d'innovation. »
La perte de glace marine pourrait entraîner une perte de biodiversité inestimable. Comprendre les adaptations de ces organismes est essentiel pour prédire les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes polaires et, par extension, sur la planète entière.





