Une nouvelle étude sur des sédiments marins profonds révèle qu'un changement écologique majeur s'est produit dans l'océan Austral environ 200 000 ans avant le Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM), un événement de réchauffement global survenu il y a 56 millions d'années. Cette découverte suggère que les écosystèmes marins étaient déjà déstabilisés par un événement climatique plus modeste avant la crise principale.
Les chercheurs du MARUM, Centre des sciences de l'environnement marin de l'Université de Brême, ont analysé des fossiles de nanoplancton calcaire, montrant que même des changements environnementaux mineurs peuvent avoir des conséquences importantes sur la vie marine, une observation pertinente pour comprendre les effets régionaux du changement climatique actuel.
Points Clés
- Une déstabilisation écologique a eu lieu 200 000 ans avant le réchauffement climatique majeur du PETM.
- L'étude s'est concentrée sur des carottes de sédiments de l'océan Austral, une région sensible au climat.
- Les fossiles de nanoplancton calcaire ont été utilisés pour reconstituer les conditions environnementales passées.
- Les résultats soulignent que des changements climatiques même mineurs peuvent profondément affecter les écosystèmes marins.
Le PETM, un analogue du changement climatique moderne
Il y a environ 56 millions d'années, la Terre a connu une période de réchauffement rapide et intense connue sous le nom de Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM). Cet événement est souvent étudié par les scientifiques comme un analogue potentiel des changements climatiques futurs si les émissions de dioxyde de carbone continuent d'augmenter.
Une grande partie du CO2 émis aujourd'hui par les activités humaines est absorbée par les océans, ce qui augmente leur acidité. Ce phénomène menace le plancton, des organismes microscopiques qui forment la base de la chaîne alimentaire marine. L'étude du PETM permet de comprendre comment ces organismes ont réagi à des conditions similaires dans le passé.
Contexte : Le Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM)
Le PETM est l'un des événements de changement climatique les plus rapides et extrêmes de l'histoire géologique. En quelques milliers d'années, les températures mondiales ont augmenté de 5 à 8 °C, probablement en raison d'une libération massive de carbone dans l'atmosphère. Cet événement a provoqué une acidification des océans et des extinctions massives dans les écosystèmes marins et terrestres.
Analyse des archives sédimentaires des hautes latitudes
Une équipe de chercheurs du MARUM a concentré ses recherches sur les communautés de phytoplancton des hautes latitudes de l'hémisphère sud, des zones particulièrement sensibles aux changements climatiques mais historiquement sous-étudiées. L'étude, publiée dans la revue Communications Earth & Environment, s'est appuyée sur des carottes de sédiments marins profonds prélevées sur le plateau de Campbell, dans l'océan Austral.
Ces échantillons ont été collectés lors de l'Expédition 378 du Programme international de découverte des océans (IODP). En examinant les restes fossilisés de nanoplancton calcaire, de minuscules algues unicellulaires, les scientifiques ont pu reconstituer les changements dans la composition de leurs communautés avant et pendant le PETM.
Le nanoplancton comme indicateur climatique
Le nanoplancton calcaire produit des coquilles de carbonate de calcium qui se fossilisent bien dans les sédiments marins. La composition des espèces de ces communautés est un excellent indicateur des conditions environnementales passées.
« Certaines espèces de nanoplancton préfèrent vivre dans des eaux plus chaudes avec moins de nutriments, tandis que d'autres ne peuvent vivre que dans des eaux plus froides et plus riches en nutriments. Par conséquent, les grands événements de réchauffement comme le PETM affectent réellement les espèces qui prospèrent et celles qui ne le font pas », explique Dr. Heather L. Jones, première auteure de l'étude.
En comptant le nombre de fossiles de chaque espèce à travers les couches de sédiments, les chercheurs peuvent suivre l'évolution de l'écosystème au fil du temps.
Une déstabilisation écologique inattendue
De manière surprenante, les résultats de l'équipe de recherche montrent que le PETM ne semble pas avoir affecté les communautés de nanoplancton autant que prévu. Les scientifiques attribuent cette résilience apparente à un événement de réchauffement antérieur et plus modeste.
Selon leur analyse, cet événement précurseur, survenu environ 200 000 ans avant le PETM, avait déjà déstabilisé les communautés de nanoplancton. L'écosystème était donc déjà dans un état de transition lorsque le réchauffement majeur a commencé.
Chiffres Clés de l'Étude
- 56 millions d'années : Date approximative du Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM).
- 200 000 ans : Période avant le PETM où un événement de réchauffement plus petit a été identifié.
- 5 à 8 °C : Augmentation estimée de la température mondiale pendant le PETM.
« La plupart des études se concentrent uniquement sur l'événement PETM lui-même et non sur la période à plus long terme qui le précède », souligne Dr. Jones. « Cependant, l'examen de ces intervalles de fond est absolument essentiel pour déterminer dans quelle mesure les événements de réchauffement ont réellement entraîné des changements dans les écosystèmes. »
Implications pour le changement climatique actuel
Cette découverte a des implications importantes pour notre compréhension du changement climatique moderne. Elle met en évidence que des perturbations environnementales, même relativement faibles, peuvent avoir des impacts considérables sur les écosystèmes marins, en particulier dans des régions spécifiques.
L'étude montre que les conditions environnementales avant un événement climatique majeur influencent directement la manière dont les écosystèmes y répondent. Cela renforce l'idée que les effets du changement climatique actuel, qui sont très variables d'une région à l'autre, peuvent déclencher des cascades écologiques complexes.
Comme cette étude est la première à documenter formellement cet événement pré-PETM, son importance à l'échelle mondiale reste incertaine. Elle ouvre la voie à de futures recherches utilisant les vastes archives de carottes de sédiments marins, comme celles conservées au Bremen Core Repository (BCR) du MARUM, pour identifier cet événement nouvellement décrit dans d'autres bassins océaniques.





