Une analyse approfondie menée par des chercheurs des universités d'Oxford et de Pennsylvanie révèle que les mécanismes de compensation carbone se sont avérés largement inefficaces au cours des 25 dernières années. Cette étude, la plus complète à ce jour sur le sujet, conclut que la plupart des crédits carbone devraient être progressivement abandonnés, à l'exception de ceux générés par l'élimination permanente du dioxyde de carbone de l'atmosphère.
Les auteurs de l'étude appellent à une réévaluation urgente de ces pratiques, soulignant des problèmes "insolubles" qui minent la crédibilité et l'efficacité des marchés de compensation carbone.
Points Clés
- Les compensations carbone sont jugées inefficaces après 25 ans de fonctionnement.
- La plupart des crédits devraient être supprimés, sauf ceux liés à l'élimination permanente du CO2.
- L'étude pointe des problèmes "systématiques et profonds" plutôt que des cas isolés.
- Les enjeux principaux incluent la non-additionnalité, l'impermanence et le double comptage.
- Les chercheurs appellent à des réductions d'émissions rapides et soutenues comme solution principale.
Échec des compensations carbone au fil du temps
Depuis la création du premier crédit carbone en 1989, l'objectif était de financer des projets réduisant, évitant ou retirant les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'atmosphère. Cependant, les résultats de la revue publiée dans l'Annual Review of Environment and Resources montrent une réalité décevante.
Les chercheurs ont examiné un quart de siècle de données. Leur conclusion est claire : le système actuel est défaillant à grande échelle. Selon Dr. Stephen Lezak, co-auteur et chercheur à la Smith School of Enterprise and the Environment, "Nous devons cesser d'attendre que la compensation carbone fonctionne à grande échelle. Nous avons évalué 25 ans de preuves et presque tout jusqu'à présent a échoué."
Le saviez-vous ?
Le premier crédit carbone a été généré en 1989. Depuis, des milliers de projets ont été mis en œuvre, mais leur impact réel sur la réduction des émissions reste largement contesté par la nouvelle recherche.Problèmes systémiques et non isolés
L'étude met en évidence que les défaillances actuelles du marché ne proviennent pas de quelques exceptions, mais de problèmes "systématiques et profonds". Ces problèmes ne pourront pas être résolus par des ajustements mineurs, selon les experts. "Les échecs actuels du marché ne sont pas dus à quelques pommes pourries, mais à des problèmes systématiques et profonds, qui ne seront pas résolus par des changements progressifs", ajoute le Dr. Lezak.
"Nous espérons que nos conclusions apporteront un moment de clarté avant la COP30 : Ces compensations de pacotille – celles qui ne sont pas soutenues par un retrait et un stockage permanent du carbone – sont une dangereuse distraction de la vraie solution au changement climatique, qui est une réduction rapide et soutenue des émissions." — Dr. Joseph Romm, auteur principal de l'étude.
Ces propos du Dr. Joseph Romm, chercheur principal au Penn Center for Science, Sustainability and the Media, soulignent l'urgence de se concentrer sur des solutions plus directes et vérifiables.
Les défauts majeurs des systèmes de compensation
Les chercheurs ont identifié plusieurs problèmes graves qui rendent les compensations carbone inefficaces. Parmi eux, la non-additionnalité est prédominante. Cela signifie que des crédits sont générés pour des réductions d'émissions qui auraient eu lieu de toute façon, sans l'incitation du marché des compensations.
Contexte des compensations carbone
Les compensations carbone sont censées permettre aux entreprises et aux individus de compenser leurs propres émissions en finançant des projets qui réduisent les émissions ailleurs. Ces projets peuvent inclure la reforestation, les énergies renouvelables ou l'amélioration de l'efficacité énergétique. Cependant, leur efficacité est souvent difficile à prouver et à mesurer.Autres problèmes critiques identifiés
- Impermanence : Certains projets, comme la plantation d'arbres, peuvent être annulés par des événements futurs (incendies, déforestation).
- Fuite (Leakage) : La réduction des émissions dans un endroit peut entraîner une augmentation des émissions ailleurs.
- Double comptage : Les mêmes réductions d'émissions sont comptabilisées par plusieurs parties.
- Incitatifs pervers : Le système peut encourager des actions qui ne sont pas réellement bénéfiques pour le climat.
- Manipulabilité des systèmes : Des acteurs malveillants parviennent à contourner les règles, même bien conçues.
L'Article 6 de l'Accord de Paris, finalisé lors de la COP29, a tenté de renforcer les marchés de carbone. Cependant, les auteurs de l'étude estiment qu'il n'a fait que "réaffirmer des principes longtemps ignorés du développement des marchés de carbone, avec l'attente spécieuse que cette fois les résultats pourraient différer significativement".
Financement des projets basés sur la nature
L'étude reconnaît que les projets basés sur la nature peuvent apporter des bénéfices locaux importants. Cependant, elle suggère que ces projets ne devraient pas être financés par des crédits carbone. Amna Alshamsi, co-auteure et chercheuse doctorale à la School of Global Studies de l'Université du Sussex, explique : "Malgré les efforts pour mettre en œuvre des garanties, les projets de compensation carbone continuent de faire face à des cas documentés de faible responsabilité, risquant la perpétuation de schémas néocoloniaux d'appropriation."
Elle propose des mécanismes alternatifs : "Ces projets devraient être financés par d'autres mécanismes que les crédits carbone, tels que des 'contribution claims' où les projets sont financés tout en garantissant que les entités acheteuses sont responsables de la réduction de leurs propres émissions."
Surévaluation de l'impact climatique
Des recherches antérieures ont montré que les programmes de compensation surestiment souvent leur impact climatique, parfois d'un facteur 10 ou plus. Cela signifie que les réductions d'émissions déclarées sont bien supérieures aux réductions réelles.Vers des solutions durables et vérifiables
À l'avenir, les auteurs concluent que tous les marchés de compensation devraient prioriser le développement de systèmes de retrait et de stockage durable du CO2 (CDR) à haute intégrité, avec une mesure et une vérification à long terme. Ils reconnaissent que le CDR efficace et évolutif pourrait ne pas être facile à réaliser et nécessitera des recherches et des investissements intensifs.
Cette approche est en accord avec les Principes de Compensation d'Oxford, qui encouragent les entreprises à réduire leurs émissions en priorité. Les compensations devraient être utilisées uniquement pour les émissions résiduelles et doivent s'appuyer sur l'élimination durable du carbone.
L'étude souligne que la vraie solution réside dans des réductions d'émissions directes et significatives, plutôt que de se fier à des mécanismes de compensation dont l'efficacité est remise en question.





