Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université du Wisconsin à Madison révèle que la pêche récréative a un impact plus important sur le déclin des populations de poissons que le réchauffement climatique dans de nombreux lacs. Les résultats, publiés dans la revue Science Advances, montrent que la pression exercée par les pêcheurs est le principal facteur de déclin pour près de la moitié des populations étudiées.
Cette recherche, dirigée par Luoliang Xu et le professeur Olaf Jensen du Center for Limnology de l'UW-Madison, a analysé 521 populations de poissons distinctes. Elle offre une nouvelle perspective sur la gestion des écosystèmes aquatiques, suggérant que des mesures de gestion de la pêche pourraient être plus efficaces à court terme que les efforts de lutte contre le changement climatique pour préserver la faune piscicole.
Points Clés
- Une étude révèle que la pêche récréative est le principal facteur de déclin pour 48 % des populations de poissons analysées.
- Le réchauffement climatique n'est le facteur dominant que dans 1 % des cas étudiés.
- Les espèces de poissons réagissent différemment au réchauffement : les poissons d'eau froide souffrent, tandis que ceux d'eau chaude peuvent en bénéficier temporairement.
- Les chercheurs estiment que la gestion de la pêche, comme les limites de prise, est un levier d'action direct et efficace pour protéger les populations de poissons.
Une analyse pour distinguer deux facteurs majeurs
Les scientifiques savent depuis longtemps que le réchauffement des eaux et la pêche affectent les poissons. Cependant, démêler l'influence respective de chaque facteur était un défi complexe. L'objectif principal de cette nouvelle étude était précisément de séparer ces deux variables pour comprendre leur poids réel.
« Le réchauffement et la pêche se produisent simultanément, et tous deux peuvent fortement affecter les populations de poissons », a déclaré Luoliang Xu, chercheur postdoctoral et auteur principal de l'étude. « L'intention de notre étude est d'essayer de dissocier ces deux facteurs. »
Pour y parvenir, l'équipe a examiné des données recueillies sur plusieurs décennies dans des lacs du Wisconsin, une région où la pêche est une activité très populaire et où les données écologiques sont abondantes.
Des résultats inattendus
L'analyse a révélé une tendance claire. La pêche récréative a été identifiée comme la principale cause de déclin dans 48 % des 521 populations de poissons étudiées. En comparaison, le réchauffement des eaux n'était le facteur dominant que pour 1 % d'entre elles.
La Pêche en Chiffres
Selon les données de l'étude, l'impact de l'activité humaine directe via la pêche est presque 50 fois plus susceptible d'être le principal moteur du déclin d'une population de poissons locale que le réchauffement climatique dans les lacs étudiés.
« Nos données proviennent de lacs qui sont fortement pêchés. Ils sont fréquemment surveillés, donc le fait que la pêche joue un rôle dans la dynamique des populations est attendu », a expliqué Xu. « Mais l'impact écrasant de la pêche par rapport au réchauffement a été un peu surprenant pour moi. »
L'effet nuancé du changement climatique
Bien que son impact soit moindre que celui de la pêche dans cette étude, le réchauffement climatique n'est pas sans effet sur les écosystèmes aquatiques. Les chercheurs ont constaté que ses conséquences varient considérablement selon les espèces de poissons.
- Poissons d'eau froide : Des espèces comme le cisco sont clairement affectées négativement par la hausse des températures de l'eau. Leur habitat se réduit et leur survie devient plus difficile.
- Poissons d'eau fraîche : Le grand brochet et d'autres espèces similaires n'ont pas encore montré de signes généralisés d'impacts négatifs liés au réchauffement.
- Poissons d'eau chaude : De manière intéressante, des espèces comme l'achigan à grande bouche et le crapet arlequin ont vu leur productivité augmenter avec des eaux plus chaudes.
Un bénéfice à court terme
Le professeur Olaf Jensen met en garde contre une interprétation trop optimiste des effets positifs du réchauffement sur certaines espèces. Ce phénomène pourrait n'être que temporaire. « Alors que le réchauffement climatique se poursuit, nous verrons probablement certaines de ces populations qui ont jusqu'à présent bénéficié du réchauffement dépasser le pic et se retrouver dans une situation où elles n'en bénéficient plus, et en fait, elles sont négativement impactées », a-t-il précisé.
La gestion de la pêche, un levier d'action concret
Loin d'être alarmistes, les conclusions de l'étude apportent une note d'espoir. Elles montrent qu'il existe un moyen direct et efficace d'améliorer la santé des populations de poissons, un moyen qui est à la portée des gestionnaires locaux et des citoyens.
« Le changement climatique semble être l'un de ces grands problèmes qui dépassent largement nos capacités d'action au niveau individuel », a commenté le professeur Jensen. « Mais ce que nous voyons ici, c'est qu'il y a une certaine capacité à avoir un impact positif sur nos populations de poissons grâce à la gestion de la pêche. »
Cette gestion peut prendre plusieurs formes, souvent mises en œuvre par des agences comme le Département des Ressources Naturelles du Wisconsin (DNR). Les outils les plus courants incluent :
- La définition de limites de taille pour les prises.
- L'instauration de quotas de capture (limites de panier).
- La régulation des saisons de pêche pour protéger les périodes de reproduction.
Les auteurs de l'étude ont déjà partagé leurs découvertes avec le DNR et des biologistes de tribus amérindiennes, qui gèrent également des ressources halieutiques importantes dans la région.
Un appel à l'équilibre
Les chercheurs ne préconisent pas l'arrêt de la pêche, mais plutôt une pratique plus consciente et mieux régulée. La pêche est une activité culturelle et économique importante pour de nombreuses communautés.
« La pêche est un passe-temps populaire pour de bonnes raisons. Je suis moi-même un pêcheur », a ajouté Jensen. « C'est culturellement important, c'est économiquement précieux, et donc je pense que ce que nous voyons, c'est que nous devons simplement équilibrer ces valeurs avec le maintien de populations de poissons saines. »
Pour les pêcheurs souhaitant contribuer à la préservation des ressources, Jensen recommande la pratique du catch-and-release (capturer et relâcher). Cette approche permet de profiter du plaisir de la pêche tout en minimisant l'impact sur la démographie des espèces.





