Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Institut Fédéral Suisse de Recherche sur la Forêt, la Neige et le Paysage (WSL) révèle des niveaux préoccupants de contamination par les microplastiques dans des zones reculées des Alpes. Les résultats, publiés dans la revue Science Advances, montrent que même les écosystèmes alpins les plus isolés ne sont pas à l'abri de cette pollution omniprésente.
L'équipe de recherche a analysé des échantillons de neige et de sol prélevés à haute altitude, loin de toute source de pollution directe. Les conclusions indiquent que les microplastiques sont transportés sur de longues distances par les vents avant de se déposer dans ces environnements fragiles, menaçant potentiellement la biodiversité locale et la qualité de l'eau.
Points Clés
- Des concentrations significatives de microplastiques ont été découvertes dans des échantillons de neige et de sol des Alpes suisses.
- Environ 90% des plastiques détectés ont été transportés par l'atmosphère, parfois sur des centaines de kilomètres.
- Les types de polymères les plus courants incluent le PET, souvent utilisé dans les bouteilles, et le polyéthylène des emballages.
- Cette pollution représente une menace pour la faune, la flore et les sources d'eau potable en aval.
Détails de la recherche sur le terrain
L'étude a été menée sur une période de 18 mois dans plusieurs sites du Parc National Suisse, une région choisie pour son isolement et son statut protégé. Les scientifiques ont utilisé des équipements spécialisés pour collecter des échantillons de la couche de neige superficielle et des carottes de sol afin d'éviter toute contamination externe.
Les analyses en laboratoire ont été effectuées à l'aide de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), une technique qui permet d'identifier la composition chimique des particules. Cette méthode a permis de distinguer les microplastiques d'autres particules naturelles. Les résultats ont montré une concentration moyenne de 42 particules de microplastique par litre de neige fondue.
Une méthodologie rigoureuse
Pour garantir la fiabilité des données, l'équipe a mis en place un protocole strict. Les chercheurs portaient des combinaisons en coton pour éviter de contaminer les échantillons avec des fibres synthétiques de leurs propres vêtements. De plus, des échantillons témoins ont été prélevés et analysés en parallèle pour s'assurer qu'aucune contamination ne provenait du matériel de collecte ou du processus d'analyse.
Qu'est-ce qu'un microplastique ?
Les microplastiques sont de minuscules particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 millimètres. Ils proviennent soit de la dégradation de débris plastiques plus grands (microplastiques secondaires), soit sont fabriqués intentionnellement pour être utilisés dans des produits comme les cosmétiques ou les abrasifs industriels (microplastiques primaires).
Origine et transport des polluants
L'un des aspects les plus importants de cette étude est la confirmation que la majorité des microplastiques trouvés dans les Alpes sont transportés par voie aérienne. Les modèles de circulation atmosphérique utilisés par les chercheurs ont permis de tracer l'origine probable de ces particules jusqu'à des zones urbaines et industrielles situées en France, en Allemagne et en Italie.
"Nos découvertes confirment que l'atmosphère agit comme une autoroute pour les microplastiques, leur permettant d'atteindre les coins les plus reculés de la planète. Les montagnes, par leur altitude, agissent comme des barrières qui interceptent ces particules en suspension dans l'air."
Les particules les plus légères, comme celles provenant des emballages ou des textiles, peuvent rester en suspension dans l'atmosphère pendant plusieurs jours. Elles sont ensuite entraînées par les précipitations, comme la neige, et se déposent au sol. Ce phénomène est parfois appelé "retombée plastique".
Statistiques sur la pollution
- Distance parcourue : Certaines particules ont été tracées sur plus de 2000 kilomètres depuis leur source potentielle.
- Composition : Le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polyéthylène (PE) représentaient plus de 60% des microplastiques identifiés.
- Taille des particules : La majorité des particules mesuraient entre 50 et 200 micromètres, une taille qui les rend facilement transportables par le vent.
Conséquences pour les écosystèmes alpins
La présence de microplastiques dans les écosystèmes alpins soulève de sérieuses inquiétudes. Ces environnements sont particulièrement vulnérables en raison de leurs conditions extrêmes et de leur biodiversité unique, adaptée à un milieu pauvre en nutriments.
Les experts craignent que les microplastiques puissent être ingérés par de petits organismes, comme les insectes ou les micro-organismes du sol, et ainsi entrer dans la chaîne alimentaire. L'ingestion de ces particules peut causer des dommages physiques et des obstructions internes chez les animaux. De plus, les plastiques peuvent libérer des additifs chimiques toxiques dans le sol et l'eau.
Impact sur la fonte des neiges et les ressources en eau
Une autre préoccupation concerne l'impact des microplastiques sur la fonte des neiges. Les particules sombres absorbent plus de rayonnement solaire que la neige blanche, ce qui peut accélérer le processus de fonte. Selon les chercheurs, une fonte plus rapide pourrait perturber le cycle hydrologique saisonnier, affectant la disponibilité de l'eau pour les écosystèmes et les populations en aval.
Les Alpes sont souvent qualifiées de "château d'eau de l'Europe", car leurs glaciers et leur manteau neigeux alimentent de grands fleuves comme le Rhin, le Rhône et le Pô. La contamination de ces sources par les microplastiques signifie que la pollution pourrait se propager sur de vastes territoires.
Appel à une action coordonnée
Face à ces résultats, les scientifiques appellent à une meilleure compréhension des sources et des voies de transport des microplastiques. Ils soulignent la nécessité de développer des stratégies de réduction à la source, car le nettoyage de ces environnements reculés est pratiquement impossible.
Les organisations environnementales exhortent les gouvernements à renforcer la réglementation sur la production et l'utilisation des plastiques, notamment les plastiques à usage unique. "Cette étude est un signal d'alarme supplémentaire," a déclaré un porte-parole de l'ONG Protect Our Winters Europe. "La pollution plastique n'a pas de frontières. Une action mondiale est indispensable pour protéger nos derniers espaces naturels préservés."
La recherche future se concentrera sur l'évaluation des effets à long terme de cette contamination sur la santé des sols, la croissance des plantes alpines et la survie des espèces animales. Des études sont également en cours pour quantifier la quantité de microplastiques libérée dans les cours d'eau lors de la fonte des neiges printanière.





