Kongjian Yu, architecte paysagiste de renommée mondiale, est décédé le 23 septembre 2025, à l'âge de 62 ans, dans un accident d'avion au Brésil. Il était le pionnier du concept de « ville éponge », une approche novatrice qui utilise les paysages naturels pour capter, stocker et purifier l'eau en milieu urbain. Son travail a transformé la gestion de l'eau dans les villes, offrant des solutions face aux inondations, à la rareté de l'eau et à l'urbanisation rapide.
Le concept de ville éponge, développé par Yu et son cabinet Turenscape sur trois décennies, est passé d'une idée académique à une politique nationale en Chine et un modèle international de résilience climatique. Adopté officiellement par le gouvernement chinois en 2014, il devait influencer plus de 80% des villes chinoises de taille moyenne à grande d'ici la fin de la décennie. Ses projets ont prouvé comment les infrastructures écologiques peuvent atténuer les inondations, recharger les nappes phréatiques et soutenir la biodiversité, tout en créant des espaces verts publics essentiels.
Points Clés
- Kongjian Yu, le créateur du concept de « ville éponge », est décédé à 62 ans.
- La « ville éponge » utilise des solutions basées sur la nature pour gérer l'eau urbaine.
- Le concept est devenu une politique nationale en Chine et un modèle mondial.
- Il vise à atténuer les inondations, recharger les nappes phréatiques et favoriser la biodiversité.
- La stratégie est appliquée à trois échelles : macro, moyenne et micro.
Le Concept de Ville Éponge : Une Réponse aux Défis Urbains
Le concept de ville éponge de Kongjian Yu se base sur une compréhension profonde de la nature. Il propose de ne plus voir l'eau comme un problème à évacuer, mais comme une ressource à gérer localement. Cette approche intègre des éléments naturels, comme les zones humides, les parcs et les toits verts, dans la planification urbaine. L'objectif est de reproduire les fonctions naturelles d'absorption et de filtration de l'eau que l'on trouve dans les écosystèmes non perturbés.
Face aux défis croissants du changement climatique, notamment les épisodes de fortes pluies et les sécheresses, les villes du monde entier cherchent des solutions durables. L'approche de Yu a montré qu'il est possible de rendre les villes plus résilientes. En Chine, où l'urbanisation a été rapide, le modèle a été adopté à grande échelle, prouvant son efficacité pratique.
Fait Marquant
En 2014, le concept de ville éponge a été officiellement intégré à la politique de développement urbain du gouvernement chinois. Il était prévu que cette stratégie influence plus de 80% des villes chinoises de taille moyenne à grande avant la fin de la décennie, démontrant l'ampleur de son adoption.
Application à Plusieurs Échelles : Du Régional au Quartier
La stratégie de la ville éponge est conçue pour fonctionner à différentes échelles, permettant une adaptation aux contextes spécifiques de chaque zone urbaine. Cette flexibilité est l'une des raisons de son succès et de sa réplicabilité.
Échelle Macro : Planification Régionale
Au niveau macro, la planification nationale et régionale se concentre sur la protection des processus écologiques liés à l'eau. Il s'agit de maintenir un équilibre entre les activités humaines et l'hydrologie naturelle. Les grands projets visent à préserver les rivières, les zones humides et les plaines inondables. Ces éléments forment des modèles de sécurité écologique qui guident l'expansion urbaine et le développement des infrastructures. Des régions comme Pékin, Taizhou et Weihai ont intégré ces principes dans leur planification, en mettant l'accent sur des infrastructures écologiques sensibles à l'eau.
Échelle Moyenne : Développement Urbain
À l'échelle moyenne, les principes de la ville éponge orientent le développement urbain sur des superficies de plusieurs à des dizaines de kilomètres carrés. Les urbanistes intègrent les infrastructures vertes au tissu urbain existant, définissent les limites des systèmes et établissent des lignes directrices réglementaires et de conception. Des exemples notables incluent la promenade écologique de la rivière Meishe à Haikou, le corridor écologique de la rivière Sanlihe à Qian'an et le parc Fish Tail à Nanchang. Ces projets réussissent à concilier l'atténuation des inondations, la restauration des habitats naturels et la création d'espaces de loisirs publics, le tout au sein d'écosystèmes urbains fonctionnels.
Contexte Historique
Les premières idées du concept de ville éponge ont émergé au milieu des années 1990. Les recherches de Kongjian Yu à Harvard, puis en Chine, ont proposé d'intégrer les zones humides et les plaines inondables dans la forme urbaine. En 1998, il a introduit l'idée de modèles de sécurité dans la planification, considérant les rivières et les zones humides comme des infrastructures de sécurité vitales pour les villes.
Échelle Micro : Gestion Communautaire des Eaux Pluviales
À l'échelle micro, les communautés et les ménages participent activelement à la gestion des eaux pluviales. Les toits verts, les cours perméables et d'autres infrastructures écologiques à petite échelle transforment les terrains résidentiels en « éponges vertes » fonctionnelles. Des études indiquent que la conversion d'à peine 20% des terrains résidentiels en infrastructures vertes peut réduire de manière significative les inondations urbaines. Cela démontre que la gestion efficace de l'eau est un effort qui doit être mené à la fois à l'échelle de la ville et du quartier.
Des Prototypes à la Politique : L'Évolution d'une Vision
L'idée de la ville éponge a commencé comme une théorie pour se concrétiser en projets pilotes réussis.
Au début des années 2000, des projets comme le Beijing Olympic Green (plus tard Houtan Park) et les systèmes de gestion des eaux pluviales à Shenyang ont servi de terrains d'essai. Ils ont exploré l'efficacité des zones humides comme éponges vertes capables d'atténuer à la fois les sécheresses et les inondations. En 2005, Yu avait consolidé le concept de gestion écologique des eaux pl'uviales, plaidant pour ce qu'il appelait la « planification négative », une approche qui intègre les processus naturels dès la conception des projets.
« Notre travail combine la recherche scientifique avec la conception pratique, démontrant comment l'infrastructure écologique peut atténuer les inondations, recharger les eaux souterraines et soutenir la biodiversité, tout en créant simultanément des espaces verts publics. »
Projets Phares et Impact Mondial
Plusieurs projets ont joué un rôle crucial dans la démonstration et la promotion du concept de ville éponge.
- Houtan Park, Shanghai (2010) : Construit pour l'Expo de Shanghai 2010, ce parc est devenu un exemple emblématique. Il intègre une zone humide riveraine qui filtre l'eau polluée et sert également de parc public. Il a remporté le prix d'excellence de l'American Society of Landscape Architects.
- Harbin Qunli Stormwater Park (après 2010) : Ce projet a transformé 34 hectares de zones humides en une éponge vivante capable d'absorber le ruissellement urbain tout en créant des habitats biodiversifiés.
Lorsque des inondations dévastatrices ont frappé Pékin en 2012, Kongjian Yu a critiqué publiquement la dépendance aux infrastructures grises (béton, tuyaux) et a utilisé la télévision nationale pour plaider en faveur des villes éponges. Son plaidoyer a contribué à ouvrir la voie au lancement du Programme des Villes Éponges par le Conseil d'État chinois en 2014, avec des projets pilotes déployés dans tout le pays.
Reconnaissance Internationale
Entre 2014 et 2018, les projets pilotes de villes éponges se sont étendus à des dizaines de villes chinoises. La firme de Yu, Turenscape, a affiné l'approche avec des réalisations telles que les zones humides de Sanya Dong'an et le parc forestier olympique de Pékin, introduisant le concept modulaire de « cellules de vie » – des réseaux d'étangs, de terrasses et de zones humides agissant comme des infrastructures vertes à différentes échelles urbaines.
La Fédération internationale des architectes paysagistes a récompensé des projets de villes éponges pour leur conception écologique, tandis qu'ONU-Habitat et la Banque mondiale les ont cités comme modèles de planification adaptée au climat. En 2018, les villes éponges étaient devenues un pilier central de la stratégie urbaine chinoise.
L'héritage de Kongjian Yu réside dans sa capacité à transformer une vision écologique en solutions pratiques et adoptées à l'échelle mondiale. Son travail continue d'inspirer les urbanistes et les décideurs politiques à repenser la relation entre les villes et l'eau, en faveur d'un avenir plus durable et résilient.





