Un programme climatique conçu pour réduire la pollution en Virginie aurait eu l'effet inverse, entraînant une augmentation des émissions de dioxyde de carbone et des coûts plus élevés pour les consommateurs. Selon le département de l'Énergie de l'État, l'Initiative régionale sur les gaz à effet de serre (RGGI) a provoqué l'émission de près d'un million de tonnes de CO2 supplémentaires en deux ans.
Cette révélation alimente un débat politique intense, alors que la candidate au poste de gouverneur, Abigail Spanberger, s'est engagée à réintégrer ce programme controversé, que l'administration actuelle qualifie de « taxe cachée » sur l'électricité.
Points Clés
- Le programme RGGI en Virginie aurait causé l'émission d'environ 973 000 tonnes de CO2 supplémentaires en 2022 et 2023.
- Les consommateurs de Virginie auraient payé 828 millions de dollars de plus sur leurs factures d'électricité à cause du programme.
- L'augmentation des émissions serait due au recours accru à des centrales à charbon situées hors de l'État pour éviter les taxes locales.
- Le débat sur la réintégration du RGGI est devenu un enjeu majeur dans la course au poste de gouverneur de l'État.
Un résultat climatique inattendu
L'Initiative régionale sur les gaz à effet de serre (RGGI) est un accord multi-États qui impose aux centrales électriques de payer pour leurs émissions de carbone. L'objectif est d'inciter les producteurs d'énergie à se tourner vers des sources plus propres. La Virginie a rejoint ce pacte en janvier 2021 avant de s'en retirer début 2024 sous l'impulsion du gouverneur républicain Glenn Youngkin.
Cependant, une analyse du département de l'Énergie de Virginie révèle un échec apparent. Glenn Davis, directeur du département, a qualifié le programme de « tromperie ». Selon lui, non seulement le programme n'a pas réduit les émissions, mais il les a en fait aggravées.
Près d'un million de tonnes de CO2 en plus
Les données du département de l'Énergie indiquent que la consommation d'énergie en Virginie a entraîné l'émission de 973 206 tonnes métriques de CO2 de plus en 2022 et 2023 que ce qui aurait été le cas sans le programme RGGI. Cela représente une augmentation d'environ 1,84 % sur la période.
Cette situation paradoxale a également eu un coût financier direct pour les habitants. « Le RGGI a coûté 828 millions de dollars aux Virginiens, chaque dollar ayant été répercuté sur leurs factures d'énergie », a précisé Glenn Davis.
Le mécanisme d'un effet pervers
Comment un programme visant à réduire les émissions a-t-il pu produire l'effet inverse ? L'explication réside dans les limites géographiques de la réglementation. Le RGGI pénalisait les émissions des centrales situées en Virginie, mais n'avait aucun impact sur l'énergie produite ailleurs et importée dans l'État.
Le charbon de l'extérieur remplace le gaz local
Face à cette taxe sur la production locale, le principal fournisseur d'électricité, Dominion Energy, aurait modifié sa stratégie d'approvisionnement. « Dominion a diminué la production de ses centrales au gaz naturel en Virginie et l'a complétée avec ses centrales à charbon en Virginie-Occidentale », explique Glenn Davis.
Ce changement est crucial, car la production d'électricité à partir du charbon est beaucoup plus polluante.
Selon l'Administration américaine d'information sur l'énergie (EIA), une centrale au charbon émet en moyenne 1 024 kilogrammes de CO2 par mégawattheure, contre seulement 443 kilogrammes pour une centrale au gaz naturel.
Les chiffres confirment cette tendance. Avant le RGGI (en 2018-2019), la Virginie importait en moyenne 15,5 % de son électricité. Pendant l'application du programme (en 2022-2023), ce chiffre est passé à 22,5 %. Cet afflux d'énergie plus carbonée, provenant du réseau électrique multi-États PJM, a annulé et même inversé les bénéfices attendus du programme.
Un débat politique électrisé
La question du RGGI est au cœur de la campagne pour le poste de gouverneur. La candidate démocrate Abigail Spanberger a promis de faire réadhérer la Virginie à l'initiative si elle est élue. Son équipe de campagne n'a pas répondu aux demandes de commentaires sur les conclusions du département de l'Énergie.
Bataille juridique et politique
Le retrait de la Virginie du RGGI, initié par le gouverneur Glenn Youngkin, fait l'objet d'une bataille juridique. Bien qu'un juge ait initialement bloqué la sortie, l'administration a obtenu un sursis, permettant à l'État de rester en dehors du programme pour le moment. L'avenir de la participation de la Virginie dépendra probablement de l'issue des prochaines élections.
Les groupes environnementaux qui soutiennent le programme contestent vivement l'analyse de l'administration. La Virginia League of Conservation Voters, qui a versé plus d'un million de dollars à la campagne de Mme Spanberger, a accusé Glenn Davis de « mentir ».
Lee Francis, porte-parole de l'organisation, a déclaré : « Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles le gaz naturel est cher, et aucune n'est due à des programmes comme le RGGI. » Il soutient que le programme incite au contraire à investir dans les énergies propres, qui seraient la solution la moins chère.
La position des fournisseurs d'énergie
Interrogés sur l'augmentation des émissions, les principaux fournisseurs d'électricité de l'État sont restés prudents. Dominion Energy a refusé de commenter directement les affirmations du département de l'Énergie.
De son côté, Appalachian Power Company a souligné que le programme était actuellement suspendu et n'affectait pas ses opérations. Une porte-parole a toutefois indiqué que si le RGGI était réinstauré, l'entreprise s'attendrait à devoir procéder à des « ajustements opérationnels significatifs visant à réduire les émissions ».
Cette controverse en Virginie met en lumière la complexité des politiques climatiques régionales. Elle soulève une question essentielle : un programme est-il efficace s'il ne fait que déplacer la pollution au-delà des frontières qu'il réglemente, au risque de l'aggraver ? Les électeurs de Virginie devront bientôt décider de la voie à suivre.





