Le village de Blatten, en Suisse, a été dévasté en mai par l'effondrement d'un glacier. Cet événement tragique a enseveli des habitations et des fermes, mais la communauté refuse de quitter ses montagnes. Les autorités suisses s'engagent dans une reconstruction ambitieuse, estimée à plus de 500 millions de dollars, un témoignage des coûts humains et financiers du changement climatique en Europe.
Points clés
- Le village de Blatten, en Valais, a été dévasté par un effondrement glaciaire en mai.
- La reconstruction est estimée à plus de 500 millions de dollars, financée par l'État et les assurances.
- Les habitants et les autorités refusent de délocaliser, considérant la vie alpine comme essentielle à l'identité suisse.
- Le réchauffement climatique accélère la fonte des glaciers et du pergélisol, augmentant les risques de catastrophes.
- Un nouveau Blatten, moderne et sûr, devrait accueillir ses premiers habitants dès l'année prochaine.
Un effondrement rapide, une décision de reconstruire immédiate
L'effondrement du glacier, un mercredi de mai, a été brutal. En moins d'une minute, une avalanche de rochers, de glace et d'eau a submergé les maisons et les terres agricoles de Blatten. Heureusement, le village avait été évacué, ce qui a permis d'éviter un bilan humain lourd. Seul un résident a perdu la vie.
Dès la semaine suivante, les autorités cantonales du Valais ont commencé à élaborer des plans pour un nouveau village. Cette rapidité témoigne d'une volonté inébranlable de préserver la vie en montagne, malgré les menaces croissantes liées au réchauffement climatique.
Chiffres clés de la catastrophe
- 300 habitants vivaient à Blatten avant l'effondrement.
- 500 millions de dollars : coût total estimé de la reconstruction (100 millions du contribuable suisse, 400 millions des assurances).
- 40% : volume de glace perdu par les glaciers suisses entre 1980 et 2016.
- 10% : volume de glace supplémentaire perdu en seulement deux ans (2022-2023).
L'attachement indéfectible à la vie alpine
Pour les habitants de Blatten, l'idée de quitter les Alpes est impensable. Daniel Ritler, un résident de longue date qui a perdu sa maison et sa ferme, exprime ce sentiment profond :
« Notre cœur est ici. C'était notre paradis. »
Cette perspective est partagée par les autorités. Franziska Biner, cheffe du département de l'énergie et des finances du canton du Valais, souligne l'importance existentielle de ces communautés pour l'identité suisse. « Nous ne pouvons pas dire à tout le monde de quitter les endroits dangereux », explique-t-elle, « car alors nous devrions quitter le canton entier. »
La vie alpine est une composante essentielle de l'identité suisse, même pour ceux qui résident dans de grandes villes comme Zurich ou Genève. Cette conviction alimente le soutien généralisé à la reconstruction, y compris au Parlement suisse.
Le Valais face aux risques
Le Valais, situé dans le sud-ouest de la Suisse, est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique. La région abrite 80 glaciers classés comme potentiellement dangereux pour les populations ou les biens. Le glacier de Birch, qui surplombait Blatten, était surveillé par les chercheurs en raison de sa fonte et de la déstabilisation du pergélisol.
Les Alpes, un épicentre du réchauffement climatique
La Suisse connaît un réchauffement deux fois plus rapide que la moyenne mondiale. Cette augmentation des températures a des conséquences dramatiques sur les Alpes. Le pergélisol, qui agit comme un ciment naturel, dégèle, augmentant les risques d'éboulements et de glissements de terrain.
La perte des glaciers est un phénomène alarmant. Entre 1980 et 2016, les glaciers suisses ont perdu plus de 40% de leur volume de glace. Cette perte s'est accélérée, avec 10% supplémentaires disparus en seulement deux ans, entre 2022 et 2023. L'Autriche et la France connaissent des réductions similaires.
Des conséquences économiques et humaines
Au-delà des catastrophes directes, le réchauffement affecte l'économie locale. Le manque de neige réduit les revenus du tourisme hivernal, essentiel pour de nombreuses vallées alpines. L'été dernier, la saison touristique dans la vallée de Lötschental a déjà été impactée par la catastrophe de Blatten, et les revenus hivernaux des villages voisins, où de nombreux anciens habitants de Blatten travaillent, sont également menacés.
Les résidents déplacés ont dû s'installer chez des amis ou dans des résidences de vacances mises à disposition. Le traumatisme de la perte est profond. Lilian Ritler, une ancienne habitante, exprime la douleur de cette perte : « Vous ne perdez pas seulement la maison. Vous perdez les ruelles, l'église et votre enfance. »
Un nouveau Blatten, moderne et résilient
Malgré les défis, la détermination à reconstruire est forte. En septembre, un plan a été présenté pour une reconstruction sur cinq ans, avec l'objectif de voir les premiers habitants réintégrer de nouvelles maisons dès l'année prochaine. Près de 75 millions de dollars d'aide ont déjà été récoltés auprès de donateurs privés, d'organisations à but non lucratif et d'organismes gouvernementaux. L'État s'est engagé à hauteur de 125 millions de dollars, et les compagnies d'assurance devraient verser environ 400 millions de dollars supplémentaires.
Le maire, Matthias Bellwald, envisage un avenir moderne pour le village :
« Le nouveau Blatten sera un Blatten différent. Les souvenirs ont été évacués avec les gens. Ce sera certainement un village moderne. Ce sera un beau village. »
Le choix du nouveau site est crucial. Des experts gouvernementaux actualisent la carte des dangers de la vallée, prenant en compte les avalanches, les éboulements et d'autres catastrophes naturelles exacerbées par le réchauffement. Le glacier, toujours en mouvement et en train de fondre, reste une variable imprévisible, rendant la construction complexe.
Adapter et non fuir
La question de la reconstruction dans des zones à risque est débattue dans d'autres parties du monde, notamment aux États-Unis, confrontés aux inondations répétées et à la montée des eaux. En Suisse, cette approche est rare. La culture alpine est trop ancrée pour envisager un abandon pur et simple.
Flavio Anselmetti, géologue à l'Université de Berne, soutient le principe de l'habitation des vallées, mais reconnaît la nécessité d'adapter les stratégies : « Je paie volontiers des impôts, et je pense que la majorité le fait, pour permettre à ces vallées d'être habitées. » Il ajoute cependant que certaines zones devront être déclarées inhabitables, avec des compensations pour les résidents.
Daniel Ritler et sa femme Karin ont envisagé de quitter les Alpes, mais ont finalement décidé de rester dans un village voisin. Ils reconnaissent les risques, mais leur attachement aux montagnes est trop profond. « Nous devons avoir du respect pour la nature », dit Daniel Ritler. « Nous avons de la chance d'avoir été évacués. Et nous avons de la chance d'être en bonne santé et d'avoir deux mains. Et avec ces deux mains, nous voulons accomplir quelque chose. »





