Les promoteurs du champ pétrolier Rosebank, le plus grand gisement non exploité du Royaume-Uni, ont publié une nouvelle évaluation de son impact environnemental. Le document révèle que la combustion des produits pétroliers extraits pourrait libérer près de 250 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) sur 25 ans, une estimation plus de 50 fois supérieure aux chiffres initialement communiqués.
Cette publication fait suite à une décision de justice obligeant à prendre en compte l'ensemble du cycle de vie des combustibles fossiles, y compris leur utilisation finale. Le projet, situé au nord-ouest des îles Shetland, est désormais au centre d'un débat intense entre les impératifs économiques et les engagements climatiques du Royaume-Uni.
Points Clés
- Le projet Rosebank pourrait générer 249 millions de tonnes de CO2, un chiffre bien supérieur à l'estimation initiale de 4,5 millions de tonnes.
- Une décision de justice a contraint les promoteurs à inclure les émissions liées à la combustion du pétrole, et pas seulement à son extraction.
- Le projet est la propriété du géant norvégien Equinor et de la société britannique Ithaca Energy, et contiendrait jusqu'à 300 millions de barils de pétrole.
- Une consultation publique est ouverte jusqu'au 20 novembre 2025 avant la décision finale du gouvernement britannique.
Le projet Rosebank et son importance stratégique
Rosebank est un champ pétrolier et gazier situé à environ 130 kilomètres (80 miles) au nord-ouest des îles Shetland, dans les eaux britanniques. Il est considéré comme l'un des plus grands gisements non développés de la région, avec des réserves estimées à 300 millions de barils de pétrole et une certaine quantité de gaz naturel.
Le projet est mené par un consortium composé de la société énergétique norvégienne Equinor et de l'entreprise britannique Ithaca Energy. En raison de sa taille, son développement est perçu par certains comme une opportunité pour la sécurité énergétique du Royaume-Uni, tandis que les opposants y voient une menace majeure pour les objectifs climatiques du pays.
La controverse autour des émissions
La principale source de controverse réside dans le calcul de l'impact climatique du projet. Initialement, les évaluations se concentraient uniquement sur les émissions générées par les opérations d'extraction, de traitement et de transport du pétrole. Ces émissions, dites de "scope 1 et 2", étaient estimées à environ 4,5 millions de tonnes de CO2.
Cependant, les groupes environnementaux ont fait valoir que cette approche ignorait la part la plus importante de la pollution : les émissions de "scope 3", qui proviennent de la combustion du pétrole par les consommateurs finaux (voitures, usines, centrales électriques). C'est ce calcul qui a été au cœur d'une bataille juridique déterminante.
Une décision de justice qui change la donne
Un tournant majeur a eu lieu en juin 2023, lorsque la Cour suprême du Royaume-Uni a statué dans une autre affaire qu'il était nécessaire de prendre en compte les émissions liées à l'utilisation finale des combustibles fossiles lors de l'évaluation environnementale d'un projet.
Le précédent juridique
La décision de la Cour suprême a établi un précédent important. Elle oblige les autorités à adopter une vision plus globale de l'impact climatique, en considérant l'ensemble de la chaîne de valeur d'un projet fossile. Cette jurisprudence a directement influencé les contestations judiciaires d'autres projets, dont Rosebank.
S'appuyant sur cette décision, les organisations écologistes Uplift et Greenpeace ont contesté l'approbation initiale de Rosebank. En janvier 2024, un tribunal a statué en leur faveur, jugeant qu'une évaluation environnementale plus détaillée était nécessaire. Cette décision a contraint Equinor à recalculer l'impact total du champ pétrolier.
L'ampleur réelle des émissions
La nouvelle évaluation publiée par Equinor intègre désormais les émissions de "scope 3". Le chiffre a été revu à la hausse de manière spectaculaire : le projet est désormais estimé à 249 millions de tonnes de CO2 sur sa durée de vie de 25 ans.
Pour mettre ce chiffre en perspective, les émissions annuelles totales du Royaume-Uni en 2024 s'élevaient à 371 millions de tonnes. L'exploitation de Rosebank représenterait donc l'équivalent de plus des deux tiers des émissions nationales actuelles sur une seule année.
Malgré ce chiffre, le développeur a affirmé dans son rapport que ces émissions n'étaient "pas significatives" au regard des engagements climatiques internationaux du Royaume-Uni. Une déclaration qui a provoqué de vives réactions.
Réactions et implications politiques
Les opposants au projet ont qualifié cette nouvelle estimation d'aveu accablant. Paul Morozzo, de Greenpeace UK, a déclaré que ces chiffres constituaient "un aveu effronté... des énormes dommages climatiques qui seraient causés par la combustion du pétrole et du gaz de Rosebank".
"Cet énorme champ pétrolier n'est pas compatible avec les engagements climatiques du Royaume-Uni. Le monde dispose déjà de bien plus de pétrole qu'il n'est prudent d'en brûler", a ajouté Tessa Khan, directrice exécutive du groupe de campagne Uplift.
Le projet place le gouvernement britannique dans une position délicate. D'un côté, il y a la pression pour assurer l'approvisionnement énergétique et soutenir l'industrie. De l'autre, le pays s'est engagé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Le Secrétaire à l'Énergie, Ed Miliband, a lui-même qualifié la dépendance du Royaume-Uni aux combustibles fossiles de "talon d'Achille".
Un impact limité sur les prix pour les consommateurs
Un argument souvent avancé en faveur de nouveaux projets d'extraction est leur potentiel à faire baisser les prix de l'énergie pour les consommateurs. Cependant, dans le cas de Rosebank, cet impact serait probablement minime.
Le pétrole et le gaz extraits seraient vendus sur le marché international, où les prix sont fixés par l'offre et la demande mondiales. En 2022, les conseillers indépendants du gouvernement britannique sur le climat ont indiqué que toute nouvelle extraction nationale n'aurait "au mieux, qu'un effet marginal sur les prix".
Arne Gurtner, vice-président senior d'Equinor pour le Royaume-Uni, a toutefois souligné que "si le Royaume-Uni a besoin du pétrole de Rosebank, il ira au Royaume-Uni par le biais des mécanismes de marché ouvert".
L'avenir de Rosebank en suspens
Avec la publication de cette nouvelle évaluation, une consultation publique a été lancée. Elle se déroulera jusqu'au 20 novembre 2025, offrant aux citoyens, aux experts et aux organisations la possibilité de soumettre leurs avis.
À l'issue de cette période, le Secrétaire à l'Énergie prendra la décision finale d'accorder ou de refuser le consentement pour le développement du champ. Cette décision sera observée de près, car elle est considérée par beaucoup comme un test décisif de la crédibilité du gouvernement britannique en matière de politique climatique.
L'affaire Rosebank illustre le conflit croissant entre les projets d'infrastructures fossiles hérités du passé et l'urgence de la transition énergétique pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique.





