Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a lancé un avertissement sévère à la communauté internationale avant le sommet climatique Cop30. Il a déclaré que l'humanité a échoué à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, rendant un dépassement de cet objectif désormais "inévitable" avec des conséquences potentiellement catastrophiques.
Dans une rare interview accordée avant la conférence qui se tiendra à Belém, au Brésil, il a exhorté les dirigeants mondiaux à changer de cap de manière radicale et immédiate pour éviter de franchir des points de non-retour critiques pour la planète.
Les points clés de l'article
- António Guterres, secrétaire général de l'ONU, affirme que l'objectif de 1,5°C a échoué.
- Un dépassement de cette limite est maintenant considéré comme "inévitable", entraînant des "conséquences dévastatrices".
- Il met en garde contre le risque de franchir des "points de bascule" catastrophiques, notamment pour l'Amazonie.
- La Cop30 au Brésil est présentée comme un moment crucial pour inverser la tendance et réduire les émissions de manière drastique.
- Guterres appelle à donner une plus grande influence aux communautés autochtones, les qualifiant de "meilleurs gardiens de la nature".
Un constat d'échec sans appel
Le message d'António Guterres est direct et sans ambiguïté. L'objectif fixé par l'Accord de Paris de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels ne sera pas atteint dans les années à venir.
"Reconnaissons notre échec", a-t-il déclaré. "La vérité est que nous n'avons pas réussi à éviter un dépassement au-dessus de 1,5°C dans les prochaines années. Et dépasser 1,5°C a des conséquences dévastatrices."
Des engagements insuffisants
Selon les Nations Unies, les plans d'action climatique actuels soumis par les pays, connus sous le nom de contributions déterminées au niveau national (NDC), ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Alors qu'une réduction des émissions de 60 % serait nécessaire pour respecter la limite de 1,5°C, les engagements actuels ne prévoient qu'une réduction de 10 %.
Ce dépassement, même s'il est temporaire, augmente considérablement les risques pour les écosystèmes et les populations humaines. Les dix dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées dans l'histoire de la planète, un signe tangible de l'accélération du changement climatique.
La menace imminente des points de bascule
L'une des plus grandes craintes exprimées par le secrétaire général concerne les "points de bascule". Il s'agit de seuils critiques au-delà desquels des changements environnementaux deviennent soudains, rapides et souvent irréversibles.
"Il est absolument indispensable de changer de cap afin de s'assurer que le dépassement soit aussi court et aussi faible en intensité que possible pour éviter des points de bascule comme celui de l'Amazonie. Nous ne voulons pas voir l'Amazonie devenir une savane."
Guterres a spécifiquement mentionné plusieurs zones à risque :
- L'Amazonie : La plus grande forêt tropicale du monde pourrait se transformer en une savane aride, libérant des milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère.
- Le Groenland et l'Antarctique occidental : La fonte accélérée de leurs calottes glaciaires pourrait entraîner une hausse catastrophique du niveau des mers.
- Les récifs coralliens : Des écosystèmes vitaux pour la biodiversité marine qui sont déjà en train de subir un blanchiment massif et pourraient disparaître.
Il a souligné que plus les nations tardent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, plus le risque de déclencher ces réactions en chaîne dévastatrices augmente.
Cop30 au Brésil : un sommet pour changer de cap
Le prochain sommet sur le climat, la Cop30, qui se tiendra dans la ville amazonienne de Belém, est perçu comme une étape décisive. Pour António Guterres, l'objectif n'est plus seulement de discuter, mais d'agir concrètement pour inverser la tendance.
Moins d'un tiers des pays (62 sur 197) ont soumis des plans d'action climatique révisés et plus ambitieux, comme l'exige l'Accord de Paris. Des acteurs majeurs comme la Chine, le plus grand émetteur mondial, sont critiqués pour leur manque d'ambition, tandis que les États-Unis sous l'administration Trump avaient abandonné le processus.
Le secrétaire général espère que la Cop30 permettra de catalyser une nouvelle dynamique, en poussant les gouvernements à prendre des engagements forts et vérifiables pour une réduction drastique des émissions dès que possible. L'enjeu est de limiter la durée et l'ampleur du dépassement du 1,5°C pour pouvoir, peut-être, revenir sous ce seuil d'ici la fin du siècle.
La voix essentielle des peuples autochtones
Un thème central du discours de Guterres est la nécessité de rééquilibrer la représentation lors des sommets climatiques. Il a appelé à donner plus de poids et d'influence aux organisations de la société civile, et en particulier aux communautés autochtones.
Les gardiens de la biodiversité
Les territoires gérés par les peuples autochtones abritent une part considérable de la biodiversité mondiale et certains des puits de carbone les plus efficaces de la planète. Leur savoir traditionnel est de plus en plus reconnu comme une ressource cruciale dans la lutte contre le changement climatique.
"Il est fondamental d'investir dans ceux qui sont les meilleurs gardiens de la nature. Et les meilleurs gardiens de la nature sont précisément les communautés autochtones", a-t-il affirmé.
Dans cette optique, une initiative brésilienne pour la Cop30, le "Tropical Forests Forever Facility", vise à lever 125 milliards de dollars pour la protection des forêts. Un cinquième de ces fonds serait directement alloué aux communautés autochtones, une reconnaissance de leur rôle central.
Guterres a également critiqué l'influence des lobbyistes des entreprises de combustibles fossiles lors des négociations climatiques. "Nous savons tous ce que veulent les lobbyistes", a-t-il dit. "C'est d'augmenter leurs profits, le prix étant payé par l'humanité."
Vers la fin de l'ère des énergies fossiles
Malgré la gravité de la situation, António Guterres a souligné que la transition vers une économie décarbonée n'est pas seulement une nécessité écologique, mais aussi une évidence économique. Il a parlé d'une "révolution des énergies renouvelables" en cours qui rend la fin de l'ère des combustibles fossiles inévitable.
"La transition va inévitablement s'accélérer et l'humanité ne pourra en aucun cas utiliser tout le pétrole et le gaz déjà découverts", a-t-il prédit. Il a indiqué qu'il profiterait de la Cop30 pour discuter des projets d'exploration pétrolière du Brésil près de l'embouchure de l'Amazone avec le président Luiz Inácio Lula da Silva.
Alors que son mandat de secrétaire général touche à sa fin l'année prochaine, Guterres a réaffirmé son engagement personnel. "Je n'abandonnerai jamais mon engagement en faveur de l'action climatique, [...] de la protection de la nature, [...] et pour soutenir tous les mouvements démocratiques qui, dans le monde entier, luttent et se battent avec acharnement pour préserver le bien le plus précieux que nous ayons, qui est notre mère nature."





