L'hydrogène propre ne devrait jouer qu'un rôle très limité dans l'atteinte des objectifs climatiques mondiaux au cours de la prochaine décennie. C'est la conclusion d'une analyse récente du cabinet de conseil Rystad Energy. Les projections indiquent que seulement 34 millions de tonnes de capacité de production annuelle pourraient être opérationnelles d'ici 2035, un chiffre bien en deçà des ambitions initiales.
Points Clés
- L'hydrogène propre aura un rôle mineur dans les objectifs climatiques d'ici 2035.
- La capacité de production mondiale atteindrait environ 34 millions de tonnes par an d'ici 2035.
- Des projets majeurs sont annulés, tandis que les usines d'électrolyseurs sont sous-utilisées.
- Des défis économiques et réglementaires freinent l'expansion de l'hydrogène vert.
Un Rôle Marginal pour la Prochaine Décennie
Les engagements nationaux (NDCs), visant à maintenir l'augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, pourraient ne pas bénéficier significativement de l'hydrogène propre à court terme. Rystad Energy souligne que cette technologie, bien que prometteuse, fait face à des obstacles considérables qui ralentissent son déploiement.
Malgré les investissements et les annonces, la réalité du terrain est plus complexe. De nombreux projets peinent à voir le jour ou sont confrontés à des retards importants. Cette situation compromet sa contribution rapide à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Chiffre Clé
Environ 34 millions de tonnes par an : c'est la capacité de production d'hydrogène propre estimée pour 2035 à l'échelle mondiale. Ce volume est jugé insuffisant pour avoir un impact majeur sur les objectifs climatiques à court terme.
Défis Économiques et Industriels
Le secteur de l'hydrogène vert est confronté à des défis économiques et industriels de taille. Le PDG de Linde, un acteur majeur, a récemment déclaré que l'hydrogène vert doit résoudre trois problèmes majeurs avant de pouvoir décoller. Ces problèmes incluent les coûts élevés de production, la nécessité d'infrastructures de transport et de stockage, et la concurrence avec d'autres sources d'énergie plus matures.
Les usines d'électrolyseurs, essentielles à la production d'hydrogène vert, ne fonctionnent pas à pleine capacité. Les carnets de commandes de certains fabricants, comme Nel, diminuent. Cela reflète une incertitude croissante dans le secteur. Les risques perçus par les investisseurs sont élevés, ce qui freine les décisions d'investissement à grande échelle.
« La production d'hydrogène vert ne prospérera pas aux conditions du marché. C'est comme ça. » - Analyste du secteur
Impact des Annulations de Projets
Plusieurs projets d'hydrogène vert, pourtant à un stade avancé, ont été annulés. Fortescue, par exemple, a abandonné deux projets d'hydrogène vert qu'il avait précédemment approuvés après la décision finale d'investissement (FID). Ces annulations envoient un signal négatif au marché et soulignent les difficultés à concrétiser ces initiatives.
En Allemagne, un rapport de l'Office fédéral d'audit a même suggéré que la stratégie nationale en matière d'hydrogène devait être « fondamentalement révisée » en raison des coûts élevés et des performances décevantes. Ces critiques soulignent la nécessité d'une approche plus réaliste et pragmatique.
Qu'est-ce que l'hydrogène propre ?
L'hydrogène propre, souvent appelé hydrogène vert, est produit par électrolyse de l'eau à l'aide d'énergies renouvelables (solaire, éolien). Il ne génère pas d'émissions de gaz à effet de serre lors de sa production, contrairement à l'hydrogène gris, issu de combustibles fossiles. Il est considéré comme un vecteur énergétique clé pour la décarbonation de l'industrie et des transports.
Avancées Technologiques et Nouveaux Projets
Malgré les difficultés, des avancées technologiques continuent d'émerger. Un fabricant chinois d'électrolyseurs prévoit d'augmenter la production d'hydrogène par kWh de 20% grâce à de nouvelles électrodes. Ces innovations pourraient à terme réduire les coûts de production et améliorer l'efficacité.
Des projets d'envergure voient également le jour, notamment en Chine où la construction d'un réseau de pipelines d'hydrogène de plus de 1 000 km a débuté. Ce projet représente un investissement de 1,9 milliard de dollars. C'est un signe que certains acteurs continuent de parier sur cette technologie à long terme.
- Chine : Premier pipeline d'hydrogène vert interprovincial approuvé pour Sinopec.
- Japon : Premiers lauréats d'un programme de subventions de 20 milliards de dollars pour l'hydrogène propre.
- Ouzbékistan : Plug Power signe un accord pour fournir jusqu'à 2 GW d'électrolyseurs PEM pour un projet géant.
- Arabie Saoudite : Le projet Neom de 2,2 GW, produisant de l'hydrogène vert et de l'ammoniac, est achevé à 80%.
Le Secteur des Transports et de l'Industrie
Le secteur des transports est un domaine où l'hydrogène pourrait jouer un rôle. Hyundai prévoit la production en série de nouvelles voitures à hydrogène en Europe et en Amérique du Nord cette année. Cependant, les ventes mondiales de véhicules à pile à combustible ont continué de baisser au premier semestre 2025.
Daimler a également reporté la production de camions à hydrogène liquide au début des années 2030, invoquant une « expansion lente » des infrastructures de ravitaillement. Les stations de ravitaillement en hydrogène sont jugées bien plus dangereuses que les stations-service traditionnelles, ce qui soulève des préoccupations en matière de sécurité.
Dans l'industrie, l'acier vert à base d'hydrogène pourrait devenir compétitif en Europe dès 2026, selon une étude. Des entreprises comme le groupe sidérurgique allemand ont obtenu 1,7 milliard d'euros de financement pour des projets d'acier et de fer à base d'hydrogène vert. ACME, en Inde, fournira des millions de tonnes de fer dérivé de l'hydrogène vert à un sidérurgiste vietnamien.
Perspectives et Incertitudes Futures
La trajectoire de l'hydrogène propre reste incertaine. Si certains pays, comme l'Inde, intègrent déjà l'hydrogène vert dans leur réseau de gaz urbain, d'autres, comme Los Angeles, envisagent des centrales électriques « prêtes pour l'hydrogène » malgré les craintes locales.
Les politiques gouvernementales jouent un rôle crucial. Aux États-Unis, le « One Big Beautiful Bill Act » de Trump a apporté une certaine certitude à l'industrie de l'hydrogène, mais la question de l'origine de l'énergie verte nécessaire à sa production reste ouverte.
L'Union européenne est également à un carrefour. Les entreprises d'hydrogène vert exhortent l'UE à maintenir des règles strictes sur les carburants renouvelables d'origine non biologique (RFNBO), tandis que certains craignent que cela ne freine l'innovation. La filiale allemande d'EDF spécialisée dans l'hydrogène vert a même fermé ses portes, illustrant les difficultés rencontrées par certains acteurs.
L'hydrogène propre est une pièce du puzzle de la transition énergétique, mais sa contribution à court terme aux objectifs climatiques sera probablement modeste. Des efforts importants sont nécessaires pour surmonter les obstacles économiques, technologiques et réglementaires afin qu'il puisse atteindre son plein potentiel à plus long terme.





