Les décisions prises en matière d'émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies détermineront l'ampleur de l'élévation du niveau des mers sur plusieurs siècles. Une nouvelle étude met en lumière l'impact irréversible des émissions cumulées, soulignant que les politiques climatiques actuelles pourraient entraîner une hausse supplémentaire de 0,3 mètre d'ici 2300 par rapport aux émissions historiques.
Points Clés
- Les émissions jusqu'en 2050 pourraient ajouter 0,3 mètre à l'élévation globale du niveau des mers d'ici 2300.
- Sans mesures strictes, les émissions jusqu'en 2090 pourraient engager une hausse de 0,8 mètre.
- Des régions vulnérables, comme le Pacifique, pourraient connaître une élévation supérieure de 10% à la moyenne mondiale.
- Chaque tonne de gaz à effet de serre émise aujourd'hui a des conséquences sur plusieurs siècles.
L'héritage des émissions passées et futures
Le niveau des mers réagit aux émissions de gaz à effet de serre sur des échelles de temps allant de plusieurs décennies à des millénaires. Les réponses lentes des océans et des calottes glaciaires aux températures élevées entraînent des engagements d'élévation significatifs, même après l'arrêt des émissions. L'étude montre que les émissions accumulées jusqu'en 2020 ont déjà engagé une élévation du niveau des mers comprise entre 0,20 et 0,41 mètre d'ici 2300. Ces chiffres sont relatifs à la période 1995-2014.
Les politiques climatiques actuelles, représentées par le scénario SSP2-4.5, prévoient des émissions qui, si elles se poursuivent jusqu'en 2050, entraîneront une élévation supplémentaire de 0,3 mètre d'ici 2300. Cela représente un engagement total de 0,58 mètre pour l'année 2300. Si les émissions continuent sans changement jusqu'en 2090, cet engagement pourrait atteindre 0,8 mètre.
Un fait marquant
Si le monde adoptait une trajectoire conforme à l'objectif de 1,5 °C (SSP1-1.9) au lieu d'une trajectoire à très fortes émissions (SSP5-8.5) d'ici 2050, environ 0,34 mètre d'élévation du niveau des mers pourrait être évité d'ici 2300.
Impact des décisions d'atténuation à court terme
Les décisions prises dans les prochaines décennies sont cruciales. Chaque tonne additionnelle de gaz à effet de serre émise engage une élévation supplémentaire du niveau des mers sur plusieurs siècles. Les projections montrent que la différence d'élévation engagée d'ici 2300 entre des chemins d'émissions faibles et élevés devient très nette à partir du milieu du siècle.
Par exemple, une trajectoire d'émissions modérée comme le SSP2-4.5 engagerait une élévation supplémentaire de 0,64 mètre d'ici 2300 par rapport au scénario d'atténuation le plus strict (SSP1-1.9) si les émissions se poursuivent jusqu'en 2090. Les scénarios d'émissions très élevées (SSP5-8.5) pourraient même engager une élévation allant jusqu'à 7 mètres dans les fourchettes supérieures de probabilité, ce qui souligne un risque catastrophique.
« Chaque incrément de réchauffement maximal additionnel dû aux émissions cumulées augmente irréversiblement l'élévation du niveau de la mer. Cela souligne l'importance d'aligner les émissions mondiales sur une trajectoire conforme à l'Accord de Paris, et que des mesures d'atténuation rigoureuses des gaz à effet de serre doivent commencer dès aujourd'hui. »
Relation entre élévation des mers et budgets carbone
L'étude établit un lien direct entre l'élévation du niveau des mers d'ici 2300 et les émissions cumulées nettes positives de CO2. La différence entre les budgets carbone compatibles avec un réchauffement de 1,5 °C et ceux de 2 °C se traduit par une différence d'élévation du niveau des mers de plus de 0,5 mètre pour les scénarios les plus défavorables.
Une relation non linéaire apparaît entre l'élévation du niveau des mers et le changement de température. Cette sensibilité croissante avec le réchauffement s'explique par une augmentation non linéaire de la perte de masse des glaces dans un monde plus chaud. Ce phénomène est particulièrement visible sur un horizon de plusieurs siècles, lorsque les calottes glaciaires ont le temps de réagir au réchauffement atmosphérique.
Contexte
Les projections habituelles du niveau des mers se concentrent souvent sur le XXIe siècle. Cette nouvelle recherche étend l'horizon à l'année 2300 pour mieux comprendre les engagements à long terme et l'impact des décisions actuelles.
Variations régionales de l'élévation du niveau des mers
L'élévation du niveau des mers n'est pas uniforme à l'échelle mondiale. Des facteurs comme la dynamique océanique, les effets gravitationnels, rotationnels et de déformation de la Terre (GRD) dus à la perte de masse des glaciers et des calottes glaciaires, ainsi que l'ajustement isostatique glaciaire (GIA), créent des signaux régionaux distincts.
- New York, États-Unis : La ville connaîtra une élévation du niveau des mers nettement supérieure à la moyenne mondiale, en raison notamment de contributions positives du GIA et d'une contribution antarctique supérieure à la moyenne.
- Pago Pago, Samoa américaines : Cette région du Pacifique verra également une élévation supérieure à la moyenne mondiale, principalement à cause de contributions plus importantes de la calotte glaciaire antarctique. Les petites nations insulaires du Pacifique pourraient subir une élévation d'environ 10% supérieure à la moyenne mondiale.
- Oslo, Norvège : La région d'Oslo est marquée par un relèvement des terres dû au GIA. Dans certains scénarios d'émissions faibles, cela pourrait même entraîner une baisse du niveau de la mer d'ici 2300, car le soulèvement local dépasse l'élévation due au climat.
De vastes zones dans le Pacifique, l'Atlantique Sud et l'océan Indien connaîtront une élévation régionale supérieure à la moyenne mondiale. Cela est dû à des contributions régionales plus élevées de la perte de masse des calottes glaciaires (en particulier l'Antarctique), de la perte de masse des glaciers, des changements stérodynamiques, ou une combinaison de ces facteurs.
Données Clés
- Les émissions historiques jusqu'en 2020 ont déjà engagé une hausse de 0,29 m (fourchette probable : 0,2-0,41 m) d'ici 2300.
- Les émissions jusqu'en 2050 dans le cadre des politiques actuelles (SSP2-4.5) engagent une hausse de 0,58 m (0,41-0,88 m) d'ici 2300.
- Les émissions jusqu'en 2090 dans le cadre des politiques actuelles (SSP2-4.5) engagent une hausse de 0,64 m (0,39-1,14 m) d'ici 2300 par rapport à un scénario d'atténuation strict.
Nécessité d'une action immédiate
Cette étude met en évidence la forte influence des décisions d'émissions des prochaines décennies sur l'élévation du niveau des mers sur plusieurs siècles. Les modèles utilisés, bien que simplifiés, sont calibrés sur des données complexes et reflètent les évaluations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Bien que des incertitudes subsistent, notamment pour les processus des calottes glaciaires, l'approche permet d'isoler l'impact des émissions à court et moyen terme. L'exploration de ces engagements à long terme est essentielle pour informer la planification de l'adaptation et évaluer les pertes et dommages, en particulier pour les petites îles et les zones côtières vulnérables.
Des simulations plus complexes et basées sur des processus multi-centennaux pourraient aider à réduire les incertitudes. Cependant, les résultats actuels renforcent l'idée qu'une atténuation rigoureuse des gaz à effet de serre doit commencer sans délai pour limiter les conséquences irréversibles.





