Malgré trois décennies de négociations internationales sur le climat, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont atteint des niveaux records en 2024, qui fut également l'année la plus chaude jamais enregistrée. Cette situation met en lumière un décalage persistant entre les ambitions affichées et les actions concrètes des nations, alors que les conséquences du réchauffement planétaire s'intensifient partout dans le monde.
Des îles du Pacifique menacées par la montée des eaux aux vagues de chaleur dangereuses en Europe, l'urgence climatique est palpable. Pourtant, un récent sommet à New York a révélé un paysage géopolitique complexe, où les progrès de certains pays sont freinés par les reculs ou l'inaction d'autres acteurs majeurs.
Points Clés
- Les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un record en 2024, année la plus chaude enregistrée.
- Des pays comme la Chine et l'Union européenne renforcent leurs objectifs, mais font face à des défis internes.
- La position des États-Unis sous l'administration Trump a créé une dynamique de ralentissement chez certains alliés.
- Des pays en développement comme le Brésil augmentent leurs ambitions, mais sont critiqués pour leurs politiques internes sur les énergies fossiles.
- Seul un tiers des pays ont soumis leurs nouveaux engagements climatiques à temps, révélant un manque d'élan mondial.
Des signaux contradictoires sur la scène mondiale
Le récent sommet de haut niveau à New York a été le théâtre de déclarations contrastées. D'un côté, plus de 100 pays ont annoncé de nouveaux engagements climatiques, témoignant d'une volonté d'agir. De l'autre, des discours dissonants ont rappelé les profondes divisions qui freinent une action collective efficace.
La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, a été reconnue pour avoir atteint ses objectifs en matière d'énergies vertes avec cinq ans d'avance. Son expansion rapide dans les énergies renouvelables et les véhicules électriques a non seulement permis de réduire la pollution dans ses villes, mais aussi de renforcer son économie et son influence internationale.
Lors du sommet, le président Xi Jinping a annoncé le premier objectif de réduction absolue des émissions du pays. La Chine s'est engagée à réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre de 7 % à 10 % par rapport à leur niveau maximal d'ici 2035. Cet engagement marque un changement significatif par rapport à ses précédents objectifs basés sur l'intensité carbone, qui permettaient aux émissions de continuer à croître.
L'Europe avance avec prudence
L'Union européenne, bien qu'elle n'ait pas encore soumis ses nouveaux engagements formels, a manifesté son intention de viser une réduction collective des émissions nettes de 66 % à 72 % d'ici 2035, par rapport aux niveaux de 1990. Le continent a connu une accélération de sa transition vers les énergies renouvelables, en partie stimulée par la nécessité de réduire sa dépendance au gaz russe.
L'UE a également innové en étendant ses règles de tarification du carbone au-delà de ses frontières. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM), qui doit entrer en vigueur en janvier 2026, imposera un coût sur l'impact climatique des biens importés de pays sans tarification carbone similaire. Cette mesure vise à protéger l'industrie européenne et à inciter d'autres pays à agir.
Cependant, l'UE fait face à des obstacles internes. Des pressions d'entreprises ont conduit à un assouplissement potentiel des exigences de durabilité pour les sociétés. De plus, certains États membres pourraient demander le report d'un nouveau marché du carbone destiné aux transports et aux bâtiments.
L'influence américaine et le ralentissement de certains pays
La position de l'administration américaine a eu un impact notable sur la dynamique mondiale. Les déclarations du président Donald Trump, qualifiant le changement climatique de « plus grande escroquerie jamais perpétuée », ont envoyé un signal fort à la communauté internationale.
Bien que de nombreux dirigeants mondiaux ne soient plus surpris par ce type de rhétorique, certains analystes craignent que le recul des États-Unis n'encourage d'autres nations à réduire leurs propres ambitions. Cette tendance semble se confirmer avec le retard ou l'affaiblissement des engagements de plusieurs pays, notamment parmi les producteurs de pétrole.
De nombreux pays producteurs de pétrole, comme le Qatar, n'ont pas mis à jour leurs engagements depuis 2021. L'Argentine, qui possède d'importantes réserves de gaz de schiste, n'a pas non plus publié ses nouveaux objectifs, son président ayant initialement menacé de se retirer de l'Accord de Paris.
L'Angola a même affaibli son engagement précédent, invoquant un manque de financement international. L'absence de nouveaux engagements de la part de pays clés comme l'Inde, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Arabie saoudite est également une source de préoccupation majeure.
Des ambitions renouvelées malgré les obstacles
En dépit de ce contexte difficile, plusieurs pays ont présenté des objectifs plus ambitieux. Le Royaume-Uni, le Japon et l'Australie ont tous soumis des plans qui les mettent sur la voie de la neutralité carbone d'ici 2050.
Atteindre la neutralité carbone signifie que les gaz à effet de serre émis sont entièrement compensés par des projets qui évitent ou éliminent le carbone de l'atmosphère.
La Norvège s'est engagée à réduire ses émissions d'au moins 70 % d'ici 2035, un objectif aligné sur la cible de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Cet engagement est toutefois nuancé par son intention de rester un exportateur majeur de pétrole et de gaz.
Le rôle moteur des pays en développement
De nombreux pays en développement ont également renforcé leurs engagements. Le Brésil a promis une réduction nette des émissions de 59 % à 67 % d'ici 2035 et maintient son objectif de neutralité carbone pour 2050. Cependant, le gouvernement a été critiqué pour avoir approuvé des projets d'exploration pétrolière près de l'embouchure du fleuve Amazone, illustrant les tensions entre les objectifs climatiques et les intérêts économiques.
Ces contradictions sont au cœur du défi climatique mondial. Pour les nations insulaires comme les Îles Marshall, où l'altitude moyenne n'est que de deux mètres au-dessus du niveau de la mer, l'inaction n'est pas une option. La montée des eaux et le blanchiment des coraux menacent déjà leur existence même.
Une nouvelle approche pour relancer l'action collective ?
Face à des progrès jugés insuffisants, le Brésil, qui accueillera les négociations climatiques de la COP30 en 2025, a proposé une nouvelle approche. Baptisée « contribution déterminée au niveau mondial », elle vise à établir des objectifs globaux clairs alignés sur l'Accord de Paris.
Cette méthode se distingue des cadres précédents :
- Protocole de Kyoto (1997) : Fixait des objectifs spécifiques et contraignants pour chaque pays industrialisé.
- Accord de Paris (2015) : Repose sur des contributions volontaires déterminées au niveau national (NDC).
- Proposition brésilienne : Établirait des cibles mondiales, comme tripler la production d'énergies renouvelables d'ici 2030, offrant une feuille de route plus claire pour l'action nationale.
Ce nouveau format permettrait également de comptabiliser séparément les actions des villes et des régions, créant ainsi des incitations supplémentaires. En l'absence de leadership américain, cette proposition pourrait offrir une occasion de renforcer collectivement les engagements et de remodeler le langage des traités internationaux.
Alors que le monde est loin d'être sur la bonne voie pour limiter le réchauffement, cette initiative pourrait injecter un nouvel élan dans un processus qui en a cruellement besoin. Le succès des futures négociations dépendra de la capacité des nations à surmonter leurs intérêts stratégiques à court terme pour répondre à une menace existentielle commune.





