Une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature Geoscience révèle que la Circulation Méridienne de Renversement de l'Atlantique (AMOC), un système de courants océaniques essentiel à la régulation du climat mondial, s'affaiblit à un rythme sans précédent. Les chercheurs de l'Université de Copenhague avertissent que ce système pourrait approcher un point de basculement critique bien plus tôt que les modèles climatiques ne le prévoyaient, entraînant des conséquences potentiellement graves pour le climat de l'hémisphère Nord.
Points Clés
- Une nouvelle étude indique que la Circulation Méridienne de Renversement de l'Atlantique (AMOC) est à son point le plus faible depuis plus de 1 000 ans.
- Les chercheurs ont utilisé des données paléoclimatiques et des modèles statistiques pour identifier des signaux d'alerte précoce d'un effondrement potentiel.
- Un arrêt de l'AMOC pourrait provoquer des hivers beaucoup plus rigoureux en Europe et en Amérique du Nord, et perturber les moussons en Afrique et en Asie.
- L'étude suggère que le point de basculement pourrait être atteint dès le milieu de ce siècle si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites de manière drastique.
Qu'est-ce que l'AMOC et pourquoi est-il important ?
La Circulation Méridienne de Renversement de l'Atlantique, souvent appelée AMOC, est un vaste réseau de courants océaniques. Il fonctionne comme un gigantesque tapis roulant, transportant de l'eau chaude des tropiques vers l'Atlantique Nord.
Dans les régions nordiques, cette eau se refroidit, devient plus dense et plus salée, puis plonge vers les fonds marins. Elle retourne ensuite vers le sud, où le cycle recommence. Ce processus est fondamental pour la distribution de la chaleur sur la planète.
Un régulateur climatique mondial
L'AMOC joue un rôle crucial dans le système climatique. En transportant la chaleur vers le nord, il assure à l'Europe occidentale des températures relativement douces pour sa latitude. Son bon fonctionnement est également lié aux régimes de précipitations dans les régions tropicales et à la stabilité des calottes glaciaires.
Le rôle du Gulf Stream
Le Gulf Stream est la partie la plus connue de l'AMOC. C'est ce courant de surface qui apporte de l'eau chaude le long de la côte est des États-Unis avant de traverser l'Atlantique en direction de l'Europe. Un affaiblissement de l'AMOC signifie un ralentissement direct du Gulf Stream, avec des impacts directs sur les conditions météorologiques.
Les conclusions alarmantes de la nouvelle étude
L'équipe de recherche, dirigée par le professeur Peter Ditlevsen de l'Institut Niels Bohr à Copenhague, a analysé les températures de surface de la mer dans une zone spécifique de l'Atlantique Nord subpolaire sur une période de 150 ans, de 1870 à aujourd'hui.
Leurs résultats montrent des signes clairs que l'AMOC perd de sa stabilité. Selon leur modèle, le point de basculement pourrait survenir entre 2025 et 2095, avec une estimation la plus probable autour de 2050, si les émissions mondiales de carbone ne diminuent pas.
"C'est une conclusion très préoccupante. Nous ne nous attendions pas à trouver des preuves aussi solides d'un rapprochement du point de basculement. Un effondrement de l'AMOC aurait des conséquences climatiques majeures et irréversibles à l'échelle de quelques décennies."
Signaux d'alerte précoce
Les chercheurs ont identifié une augmentation des fluctuations et de la "variance" dans les températures de surface de l'océan. Ce phénomène est considéré comme un indicateur statistique fiable qu'un système complexe, comme l'AMOC, approche d'un changement d'état brutal, aussi appelé "bifurcation".
Quelles sont les causes de cet affaiblissement ?
La principale cause identifiée est le changement climatique d'origine humaine. La fonte accélérée de la calotte glaciaire du Groenland et l'augmentation des précipitations dans l'Atlantique Nord injectent de grandes quantités d'eau douce dans l'océan.
Cette eau douce est moins dense que l'eau salée. Elle perturbe le processus de plongée des eaux froides et salées, qui est le moteur de la circulation de l'AMOC. En d'autres termes, l'apport d'eau douce "bloque" le mécanisme du tapis roulant océanique.
Un cycle qui s'auto-entretient
Le réchauffement global accélère la fonte des glaces, ce qui affaiblit l'AMOC. Un AMOC plus faible transporte moins de chaleur vers le nord, ce qui pourrait paradoxalement entraîner un refroidissement régional temporaire. Cependant, le déséquilibre global du système énergétique de la Terre continue de s'aggraver.
Impacts potentiels d'un effondrement de l'AMOC
Si l'AMOC devait s'arrêter complètement, les conséquences seraient catastrophiques et se feraient sentir dans le monde entier. Les scientifiques avertissent que ce ne serait pas un changement graduel, mais un basculement rapide une fois le seuil franchi.
Conséquences pour l'Europe et l'Amérique du Nord
Ces régions connaîtraient un refroidissement spectaculaire. Les températures hivernales moyennes pourraient chuter de 5 à 10 degrés Celsius en quelques décennies. Cela entraînerait :
- Des hivers beaucoup plus longs et plus rigoureux.
- Une réduction significative des précipitations estivales.
- Des impacts majeurs sur l'agriculture et la sécurité alimentaire.
Conséquences pour les tropiques
L'effondrement de l'AMOC perturberait gravement les régimes de pluies tropicales. La ceinture de pluies tropicales, vitale pour l'agriculture de milliards de personnes, pourrait se déplacer vers le sud. Cela pourrait provoquer :
- Des sécheresses prolongées en Afrique de l'Ouest et en Asie du Sud-Est.
- Des inondations plus fréquentes en Amérique du Sud.
- Une perturbation de la mousson indienne.
De plus, le niveau de la mer le long de la côte est de l'Amérique du Nord pourrait augmenter de plusieurs dizaines de centimètres, aggravant les risques d'inondations côtières.
Un débat scientifique en cours
Il est important de noter que toutes les études ne s'accordent pas sur l'imminence de ce point de basculement. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, dans son dernier rapport, a qualifié un effondrement de l'AMOC avant 2100 de "très improbable", bien qu'il reconnaisse que la confiance dans cette évaluation est faible.
Cependant, la nouvelle étude de Copenhague utilise une approche différente, basée sur des signaux d'alerte statistiques plutôt que sur des simulations climatiques directes. Les auteurs soutiennent que leur méthode pourrait détecter des changements que les modèles climatiques globaux ont du mal à capturer.
La communauté scientifique prend ces résultats très au sérieux. Ils soulignent l'urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour minimiser le risque de franchir des points de basculement climatiques aux conséquences irréversibles.





