Jeremy Kwong-Law, ancien directeur des investissements chez Grok Ventures, s'attaque à un problème majeur dans le secteur des technologies climatiques : le manque de financement pour les entreprises qui cherchent à passer des technologies éprouvées aux infrastructures déployées. Ce "milieu manquant" freine le déploiement de solutions essentielles pour lutter contre le changement climatique.
Après neuf ans passés à superviser des investissements majeurs dans les technologies climatiques, Kwong-Law identifie un écart crucial entre le capital-risque et les financements d'infrastructures traditionnels. Cet espace non couvert empêche de nombreuses innovations de devenir des solutions concrètes.
Points Clés
- Jeremy Kwong-Law identifie un "milieu manquant" dans le financement des technologies climatiques.
- Ce manque concerne les entreprises qui développent leurs premières usines commerciales.
- Les investissements requis (environ 50 millions de dollars) sont trop élevés pour le capital-risque et trop risqués pour les infrastructures traditionnelles.
- Des rendements d'environ 20% ne correspondent pas aux attentes du capital-risque.
- La transition des technologies prouvées vers des infrastructures déployées est essentielle.
Le "Milieu Manquant" du Financement Climatique
Le secteur des technologies climatiques est confronté à un paradoxe. D'un côté, les investisseurs en capital-risque sont prêts à financer les startups logicielles et les technologies en phase de démarrage. De l'autre, les investisseurs en infrastructures s'intéressent aux projets matures et éprouvés, comme les parcs solaires ou éoliens déjà en exploitation.
Entre ces deux extrêmes, il existe un segment critique qui peine à trouver des financements. Il s'agit des entreprises qui ont une technologie validée, mais qui doivent construire leurs premières usines ou installations commerciales à grande échelle. Ces projets représentent un risque et un besoin en capital spécifiques.
Un Chiffre Clé
Les entreprises du "milieu manquant" ont souvent besoin d'environ 50 millions de dollars pour leurs premières installations commerciales.
Pourquoi le Capital-Risque est Insuffisant
Le capital-risque est généralement structuré pour des investissements à fort potentiel de croissance exponentielle. Il recherche des rendements très élevés, souvent supérieurs à 50% ou même 100%, pour compenser les nombreux échecs inhérents à ce modèle.
Les projets d'infrastructures climatiques, même innovants, offrent des rendements plus modestes. Des rendements projetés d'environ 20% sont considérés comme trop faibles pour les fonds de capital-risque. Ces investissements sont jugés trop gourmands en capital par rapport aux rendements attendus.
« Le capital-risque n'est pas adapté à cela car c'est une activité intensive en capital, et les rendements ne conviennent pas au capital-risque – ils ont besoin d'un rendement énorme pour que leurs fonds fonctionnent, » a déclaré Jeremy Kwong-Law à Capital Brief.
Le Rôle Crucial de Grok Ventures
Avant de se concentrer sur ce défi, Jeremy Kwong-Law a passé neuf ans chez Grok Ventures. Il y a occupé le poste de directeur des investissements. Son rôle était de gérer les milliards de dollars de Mike Cannon-Brookes, co-fondateur d'Atlassian, dédiés aux technologies climatiques.
Cette expérience lui a permis d'acquérir une connaissance approfondie du paysage du financement climatique. Il a pu observer de près où les fonds étaient disponibles et où les lacunes persistaient. Son départ de Grok Ventures, il y a quatre mois, a marqué le début de sa quête pour résoudre ce problème structurel.
Contexte de l'Investissement Climatique
Le financement des technologies climatiques est essentiel pour atteindre les objectifs de décarbonisation mondiaux. Il s'agit d'un marché en croissance rapide, mais qui nécessite des modèles de financement adaptés à chaque étape de développement des technologies.
- Phase de démarrage : Souvent financée par des fonds de capital-risque.
- Phase de déploiement d'infrastructure : Généralement financée par des fonds d'infrastructure ou des banques.
- Le "milieu manquant" : La transition entre ces deux phases, où les technologies sont prouvées mais pas encore à l'échelle commerciale, et nécessitent des capitaux importants.
Les Risques pour les Investisseurs en Infrastructure
Les investisseurs en infrastructures, comme les fonds de pension ou les grandes institutions financières, recherchent la stabilité et la prévisibilité. Ils privilégient les projets avec un historique de performance clair et des flux de revenus garantis. Pour eux, le risque est un facteur déterminant.
Construire une première usine commerciale, même avec une technologie éprouvée en laboratoire ou à petite échelle, comporte des incertitudes. Des problèmes techniques imprévus, des dépassements de coûts ou des retards de production peuvent survenir. Ces risques sont jugés trop élevés pour les critères d'investissement des fonds d'infrastructure traditionnels.
Cela crée une situation où les entreprises de technologies climatiques se retrouvent coincées. Elles sont trop grandes pour le capital-risque et trop risquées pour les investissements en infrastructure. Cette impasse retarde la mise en œuvre de solutions vitales pour l'environnement.
Exemples de Technologies Impactées
De nombreuses innovations pourraient être affectées par ce problème de financement. Cela inclut des entreprises développant :
- De nouvelles méthodes de capture de carbone.
- Des procédés industriels à faible émission de carbone.
- Des batteries de nouvelle génération pour le stockage d'énergie.
- Des carburants durables pour l'aviation ou le transport maritime.
- Des technologies avancées de recyclage.
Chacune de ces technologies nécessite un passage à l'échelle industrielle pour avoir un impact significatif. Le financement du "milieu manquant" est donc essentiel pour leur déploiement.
Solutions Potentielles pour Combler le Fossé
La résolution de ce problème nécessite des approches innovantes en matière de financement. Plusieurs pistes sont explorées pour créer de nouveaux véhicules d'investissement ou adapter les modèles existants :
- Fonds hybrides : Création de fonds combinant des caractéristiques du capital-risque et de l'investissement en infrastructure, avec des horizons de rendement et des tolérances au risque spécifiques.
- Financement public-privé : Implication des gouvernements via des subventions, des prêts à faible taux ou des garanties de prêt pour réduire le risque pour les investisseurs privés.
- Accélérateurs d'industrialisation : Programmes dédiés à l'accompagnement des entreprises pour la construction de leurs premières usines, incluant un soutien technique et financier.
- Partenariats stratégiques : Collaborations entre grandes entreprises industrielles et startups pour partager les coûts et les risques du déploiement.
L'objectif est de créer un écosystème où ces technologies critiques peuvent prospérer. Sans cela, de nombreuses innovations resteront au stade de concept ou de prototype, sans jamais atteindre leur plein potentiel pour la décarbonisation.
L'Urgence Climatique
Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre est nécessaire d'ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Le déploiement rapide des technologies climatiques est une composante clé de cet effort.
Perspectives d'Avenir
Le travail de Jeremy Kwong-Law met en lumière un enjeu fondamental pour l'avenir de la planète. Combler ce fossé de financement n'est pas seulement une question économique, mais une nécessité pour la transition énergétique mondiale. Des rapports récents soulignent d'ailleurs l'énorme opportunité économique liée aux technologies vertes.
En identifiant précisément ce problème, Kwong-Law espère catalyser de nouvelles solutions. Son expérience et son réseau pourraient jouer un rôle clé dans la mobilisation des capitaux nécessaires pour les prochaines générations de technologies climatiques.
Le succès de cette démarche dépendra de la capacité à convaincre différents types d'investisseurs de la valeur et de la viabilité de ces projets. Il faudra également développer de nouveaux cadres financiers qui reconnaissent les spécificités de ces investissements.





