Deux études récentes publiées dans les revues Nature et PNAS révèlent que le réchauffement climatique affecte directement les rivières et les cours d'eau des États-Unis. Cette augmentation de la température de l'eau provoque des changements significatifs dans la diversité et l'abondance des espèces de poissons, avec des conséquences différentes selon les régions.
Les recherches montrent que les cours d'eau froids, notamment dans l'ouest du pays, subissent une forte baisse du nombre de poissons, tandis que les rivières plus chaudes voient leurs populations augmenter mais avec des espèces de plus petite taille. Ces transformations menacent les écosystèmes aquatiques et les activités qui en dépendent.
Points Clés
- Une étude sur 27 ans montre des tendances opposées : les populations de poissons augmentent dans les rivières chaudes et diminuent dans les rivières froides.
- Le nombre de poissons dans les cours d'eau froids a chuté de plus de 50 %.
- Les vagues de chaleur aquatiques durent maintenant presque deux fois plus longtemps que les vagues de chaleur atmosphériques.
- Les États-Unis (hors Alaska et Hawaï) abritent l'une des plus grandes diversités de poissons en zone tempérée au monde.
Deux tendances opposées dans les rivières américaines
Une première étude, menée par une équipe de l'Agence de protection de l'environnement (EPA) et publiée dans la revue Nature, a analysé les données de près de 400 espèces de poissons à travers le pays sur une période de 27 ans. L'objectif était de comprendre comment la faune piscicole évolue face aux changements environnementaux.
Brian Gallagher, chercheur au Whitman College et co-auteur de l'étude, souligne l'importance de la biodiversité américaine. "Les 48 États contigus des États-Unis possèdent l'une des plus grandes diversités de poissons au monde en dehors des tropiques", a-t-il expliqué. "Pour une région tempérée, nous avons une biodiversité piscicole remarquable."
Les résultats de cette vaste analyse montrent cependant des évolutions très contrastées selon la géographie.
Augmentation dans les eaux chaudes
Dans les régions où les rivières et les cours d'eau sont naturellement plus chauds, comme dans le centre du pays, le sud-est ou le long de la côte du Golfe du Mexique, les chercheurs ont observé une augmentation de la population piscicole. Le nombre total de poissons (l'abondance) et la variété des espèces (la richesse) ont tous deux progressé.
Cependant, cette augmentation s'accompagne d'un changement notable : les poissons y sont généralement de plus petite taille. Cela suggère une modification de la structure des communautés aquatiques, favorisant des espèces mieux adaptées aux températures élevées.
Déclin marqué dans les eaux froides
La situation est radicalement différente dans les cours d'eau froids, principalement situés dans l'ouest du pays et à des altitudes plus élevées. Ces écosystèmes, souvent prisés pour la pêche récréative, montrent une tendance inverse.
"Dans les cours d'eau froids, nous observons exactement le contraire, où l'abondance et la richesse diminuent", précise Brian Gallagher.
Les poissons restants dans ces zones sont en moyenne plus grands, mais leur nombre total a drastiquement chuté. L'étude a révélé une baisse de plus de 50 % du nombre de poissons dans ces habitats d'eau froide au cours de la période étudiée.
Un chiffre alarmant
Selon l'étude publiée dans Nature, le nombre total de poissons dans les rivières et cours d'eau froids des États-Unis a diminué de plus de 50 % en 27 ans. Cette baisse est attribuée à la fois à l'introduction d'espèces non indigènes et à l'augmentation rapide des températures de l'air.
Selon les chercheurs, ce déclin est en partie dû à l'introduction d'espèces non indigènes par l'homme. Mais un facteur majeur est le réchauffement climatique. "Ces cours d'eau se trouvent également dans des zones qui ont connu les augmentations de température de l'air les plus rapides au cours de la même période", ajoute Gallagher.
Les vagues de chaleur aquatiques s'intensifient
Une seconde étude, menée par des chercheurs de l'Université d'État de Pennsylvanie (Penn State) et publiée dans la revue PNAS, corrobore ces observations en se concentrant sur la température de l'eau elle-même. En analysant 40 ans de données, les scientifiques ont identifié un phénomène préoccupant : les "vagues de chaleur aquatiques".
Ces événements, définis comme des jours où la température de l'eau est anormalement élevée, deviennent plus fréquents et plus longs.
Qu'est-ce qu'une vague de chaleur aquatique ?
Une vague de chaleur aquatique est une période prolongée de températures de l'eau anormalement chaudes dans une région donnée. Tout comme les vagues de chaleur atmosphériques, elles peuvent causer un stress important pour les organismes vivants, en particulier pour les espèces d'eau froide comme les truites et les saumons, qui ont des tolérances thermiques limitées.
Li Li, professeure en ingénierie écologique et civile à Penn State et co-auteure de l'étude, a découvert que ces vagues de chaleur dans l'eau durent maintenant près de deux fois plus longtemps que les vagues de chaleur dans l'air.
"Cela signifie que ce genre de jours se produit plus souvent chaque année, ce qui aura un impact majeur sur les systèmes aquatiques", a déclaré Li Li.
L'air plus chaud réchauffe l'eau, et cette chaleur est retenue plus longtemps dans les rivières, créant des conditions difficiles pour de nombreuses espèces de poissons qui ne peuvent pas s'adapter assez rapidement.
Conséquences pour les écosystèmes et les communautés
Les auteurs des deux études soulignent que les poissons ne sont pas seulement un indicateur de la santé des écosystèmes, mais aussi une ressource vitale. Ils représentent une source importante de nourriture, de revenus via la pêche commerciale et récréative, et font partie intégrante des traditions culturelles de nombreuses communautés américaines.
La transformation des populations de poissons pourrait avoir des effets en cascade :
- Impact économique : Le déclin des espèces prisées pour la pêche sportive, comme la truite dans l'ouest, pourrait nuire au tourisme local.
- Sécurité alimentaire : Les changements dans l'abondance et la taille des poissons pourraient affecter les pêcheries commerciales et les communautés qui en dépendent.
- Équilibre écologique : La disparition d'espèces clés ou l'introduction d'espèces plus tolérantes à la chaleur peut perturber l'ensemble de la chaîne alimentaire aquatique.
Face à ces constats, les scientifiques appellent à une meilleure protection et gestion des habitats fluviaux. La surveillance continue des températures de l'eau et des populations de poissons est essentielle pour anticiper les changements et mettre en place des stratégies d'adaptation pour préserver cette biodiversité remarquable.





