Le Prochlorococcus, un micro-organisme marin essentiel qui produit près d'un tiers de l'oxygène terrestre, est plus vulnérable au réchauffement des océans que ce qui était précédemment estimé. Une nouvelle étude met en lumière les risques potentiels pour cet organisme fondamental et, par extension, pour la chaîne alimentaire marine mondiale.
Points Clés
- Le Prochlorococcus est le micro-organisme photosynthétique le plus abondant sur Terre.
- Il est responsable de près d'un tiers de la production d'oxygène de la planète.
- Sa température idéale se situe entre 19 et 28 degrés Celsius.
- Des eaux tropicales et subtropicales pourraient dépasser cette limite supérieure d'ici 75 ans.
- La productivité du Prochlorococcus pourrait chuter de 17% à 51% dans les tropiques d'ici la fin du siècle.
Un rôle vital dans l'écosystème planétaire
La photosynthèse est un processus fondamental pour la vie sur Terre. Elle convertit l'énergie solaire en nutriments et en oxygène. Le Prochlorococcus est un acteur majeur de ce processus. Ce micro-organisme est si petit qu'il est difficile à observer, même parmi les cyanobactéries.
Malgré sa taille, son influence est considérable. Il est le micro-organisme photosynthétique le plus abondant dans les océans. Il joue un rôle crucial dans la production d'oxygène et constitue la base de nombreuses chaînes alimentaires marines. Sans le Prochlorococcus, la biodiversité marine et l'atmosphère terrestre seraient profondément affectées.
Fait important
Le Prochlorococcus est présent dans plus de 75% des eaux de surface ensoleillées des océans, particulièrement dans les régions tropicales où il est adapté aux conditions chaudes et pauvres en nutriments.
Une vulnérabilité inattendue au réchauffement
Historiquement, les scientifiques pensaient que le Prochlorococcus s'adapterait bien au réchauffement climatique. Sa présence dominante dans les eaux tropicales, naturellement chaudes, suggérait une tolérance élevée à la chaleur. Cependant, une nouvelle étude remet en question cette hypothèse.
François Ribalet, océanographe à l'Université de Washington et auteur principal de l'étude, explique que « pendant longtemps, les scientifiques ont cru que le Prochlorococcus se porterait très bien à l'avenir. Mais dans les régions les plus chaudes, il ne se porte pas si bien. » Cette observation indique une limite inattendue à sa capacité d'adaptation.
« Leur température de 'burnout' est bien plus basse que nous le pensions. » – François Ribalet, océanographe à l'Université de Washington.
Les données de l'étude montrent que la plage de température idéale pour le Prochlorococcus se situe entre 19 et 28 degrés Celsius. Au-delà de 30 degrés Celsius, le taux de division cellulaire ralentit considérablement. Il peut descendre à un tiers du taux observé dans les eaux plus fraîches de leur plage de tolérance.
Méthodologie de l'étude
Pour obtenir des données précises, les chercheurs ont analysé 800 milliards de cellules de Prochlorococcus prélevées lors de 90 voyages de recherche sur 13 ans. Ils ont utilisé un cytomètre de flux, un instrument capable de détecter ces minuscules phytoplanctons.
Cette approche a permis d'étudier les microbes dans leur environnement naturel, contrairement aux études précédentes qui se basaient principalement sur des cellules cultivées en laboratoire. Les taux de division cellulaire ont été directement corrélés aux variations de température de l'eau, plutôt qu'à la lumière du soleil ou aux nutriments.
Contexte du réchauffement océanique
La surface des océans se réchauffe plus de 400% plus vite que dans les années 1980. Ce phénomène est principalement dû à la combustion de combustibles fossiles et à la perte de puits de carbone, qui augmentent les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Conséquences pour la chaîne alimentaire marine
Le ralentissement de la croissance du Prochlorococcus dans des eaux plus chaudes a des implications majeures. Moins de Prochlorococcus signifie moins de carbone disponible pour le reste de la chaîne alimentaire marine. Cela pourrait affecter de nombreux organismes, des petits zooplanctons aux grands prédateurs marins.
Les mers tropicales sont déjà pauvres en nutriments à cause de leur chaleur, ce qui limite le cycle ascendant des nutriments des eaux profondes. Le Prochlorococcus s'est adapté à ces conditions difficiles, notamment grâce à sa petite taille et à un génome simplifié. Cependant, cette adaptation pourrait avoir eu un coût.
Les chercheurs suggèrent que ces microbes pourraient avoir perdu des gènes anciens liés à la réponse au stress. Cela pourrait limiter leur résilience face à l'augmentation rapide des températures. Cette perte de capacité d'adaptation est une préoccupation majeure pour l'avenir des écosystèmes marins.
Le rôle potentiel de Synechococcus
Une autre cyanobactérie, le Synechococcus, cohabite avec le Prochlorococcus dans les tropiques et les subtropiques. Le Synechococcus est capable de supporter des températures plus élevées, mais il nécessite plus de nutriments. Si le Prochlorococcus décline, le Synechococcus pourrait prendre le relais.
Cependant, les conséquences d'un tel changement sur la chaîne alimentaire marine sont incertaines. François Ribalet souligne que « si le Synechococcus prend le dessus, il n'est pas garanti que les autres organismes pourront interagir avec lui de la même manière qu'ils l'ont fait avec le Prochlorococcus pendant des millions d'années. »
- Scénario de réchauffement modéré : La productivité du Prochlorococcus pourrait chuter de 17% dans les tropiques d'ici la fin du siècle.
- Scénario de réchauffement sévère : La productivité pourrait diminuer de 51% dans les tropiques.
- Impact global (modéré) : Une baisse de 10% de la productivité mondiale.
- Impact global (extrême) : Une baisse de 37% de la productivité mondiale.
Perspectives d'avenir et limites de l'étude
L'étude prévoit que l'aire de répartition géographique du Prochlorococcus s'étendra vers les pôles. « Ils ne vont pas disparaître, mais leur habitat va se déplacer », précise Ribalet. Ce déplacement pourrait entraîner des déséquilibres écologiques dans les nouvelles zones colonisées et dans les régions qu'ils quittent.
Les auteurs reconnaissent certaines limites à leur étude. La méthodologie utilisée pourrait masquer l'existence de souches rares plus résistantes à la chaleur. De plus, bien que les données couvrent diverses régions océaniques, de nombreuses zones tropicales importantes n'ont pas été incluses dans l'analyse.
« C'est l'explication la plus simple pour les données que nous avons actuellement », affirme Ribalet. Il ajoute : « Si de nouvelles preuves de souches résistantes à la chaleur émergent, nous accueillerions cette découverte. Cela offrirait de l'espoir pour ces organismes essentiels. » L'étude a été publiée dans la revue Nature Microbiology.





