Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université de Californie à Santa Barbara révèle que les pressions combinées du changement climatique et des activités humaines sur les écosystèmes marins pourraient doubler, voire tripler, d'ici 2050. Sans une action immédiate, de vastes zones océaniques risquent une transformation irréversible.
Cette recherche, publiée par le National Center for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS), fournit une prévision mondiale des régions les plus menacées. Elle souligne l'urgence de mettre en œuvre des politiques de conservation et de gestion durable pour préserver la santé des océans et la subsistance de milliards de personnes qui en dépendent.
Points Clés
- L'impact humain sur les océans pourrait être deux à trois fois plus important en 2050 qu'aujourd'hui.
- Le réchauffement climatique et la pêche industrielle sont les principaux facteurs de cette accélération.
- Les régions polaires et les zones côtières sont identifiées comme les plus vulnérables aux changements futurs.
- Plus de 3 milliards de personnes dépendent des océans pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance.
Une prévision alarmante pour les écosystèmes marins
Une étude dirigée par Ben Halpern, directeur du NCEAS, dresse un tableau sombre de l'avenir des océans. En combinant des modèles sur le climat, la pêche et la démographie, les scientifiques ont cartographié les futures zones de stress pour les écosystèmes marins.
Selon les projections, la pression exercée par les activités humaines s'intensifiera de manière significative au cours des 25 prochaines années. Le rythme de cette dégradation est particulièrement préoccupant.
« Ces résultats sont inquiétants et donnent à réfléchir. Il nous a fallu des décennies pour accumuler l'impact que nous avons aujourd'hui, et en quelques années seulement, nous allons le doubler, voire le tripler », a déclaré Ben Halpern.
L'étude ne se contente pas de constater les dégâts actuels, mais anticipe les menaces futures pour mieux orienter les décisions politiques. Melanie Frazier, co-autrice de l'étude, qualifie les résultats de « intimidants » mais espère qu'ils motiveront un changement radical.
Les zones les plus menacées identifiées
L'analyse met en évidence deux types de régions particulièrement exposées : les zones polaires, qui subissent les changements les plus rapides, et les zones côtières, qui supporteront le fardeau le plus lourd des pressions cumulées.
Les pôles face à une transformation radicale
L'Arctique et l'Antarctique sont en première ligne. Le réchauffement de l'Arctique, au moins trois fois plus rapide que la moyenne mondiale, entraîne une fonte accélérée de la banquise. Cette situation ouvre de nouvelles zones à la pêche industrielle, ce qui, selon Halpern, « accélérera considérablement le changement ».
La hausse des températures force également les populations de poissons, comme le cabillaud du Pacifique et le colin d'Alaska, à migrer vers des eaux plus froides. Ce phénomène oblige les communautés de pêcheurs à s'adapter, parfois en investissant dans de nouveaux navires capables de naviguer plus loin en mer.
Les habitats côtiers sous une pression intense
Les écosystèmes côtiers, tels que les marais salants, les herbiers marins, les mangroves et les récifs coralliens, sont parmi les plus vulnérables. Ces habitats protègent les côtes des tempêtes, soutiennent les pêcheries et stockent le carbone.
Ils sont menacés par une multitude de facteurs :
- La montée du niveau de la mer
- Le développement côtier et l'urbanisation
- L'acidification des océans, qui affecte les espèces à coquille comme les huîtres et les moules
- La pollution par les nutriments provenant de l'agriculture, qui provoque des proliférations d'algues toxiques
Selon Ben Halpern, certains de ces écosystèmes risquent d'être complètement « évincés » par la convergence de ces pressions.
Les conséquences pour les populations humaines
La dégradation des océans n'est pas seulement une crise écologique, c'est aussi une crise humaine. Les Nations Unies estiment que plus de 3 milliards de personnes dépendent directement des océans pour leur alimentation et leurs revenus.
Un risque de conflits accrus
Sarah Glaser, directrice de l'initiative Ocean Futures au WWF, souligne que le déplacement des stocks de poissons dû au changement climatique pourrait exacerber les tensions entre les pays ou les communautés de pêcheurs. « Alors que ces poissons sont redistribués, cela va provoquer des conflits, soit parce qu'il y a une compétition pour des ressources halieutiques rares, soit parce que les anciens accords de gestion ne s'appliquent plus », explique-t-elle.
Les nations insulaires et les pays des régions tropicales et subtropicales, qui manquent souvent de ressources pour surveiller et gérer leurs zones marines, pourraient être les plus durement touchés. Ils subissent un « double coup dur » : les effets directs du changement climatique et l'aggravation de la surpêche.
Des solutions existent mais nécessitent une action audacieuse
Malgré la gravité des prévisions, les auteurs de l'étude insistent sur le fait que la trajectoire n'est pas inéluctable. L'océan possède une grande capacité de résilience, à condition qu'on lui en donne l'opportunité.
Plusieurs pistes d'action sont proposées :
- Améliorer la gestion de la pêche : La mise en place de réglementations bien appliquées pour maintenir les captures à des niveaux durables a prouvé son efficacité. Les stocks de poissons peuvent se reconstituer rapidement.
- Développer les aires marines protégées : Une étude de l'Université d'Hawaï a montré que ces zones favorisent un « effet de débordement », où l'augmentation des populations de poissons à l'intérieur de la réserve profite aux zones de pêche adjacentes.
- Gérer la pollution terrestre : Une meilleure gestion de l'agriculture, notamment en réduisant l'utilisation d'engrais, et l'investissement dans des systèmes modernes de traitement des eaux usées permettraient de réduire la pollution qui atteint les côtes.
- Agir sur le climat : La solution la plus fondamentale reste la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'expansion des énergies propres et le soutien à une aquaculture durable.
Ben Halpern conclut sur une note d'espoir : « Si nous pouvons agir maintenant, et avec audace, nous pouvons réellement créer un avenir différent, un avenir où l'océan est florissant et où nous continuons à en bénéficier. »





