En Floride, une coalition de 25 gouvernements locaux a engagé une action en justice contre l'administration du gouverneur Ron DeSantis. Cette poursuite conteste une nouvelle loi, connue sous le nom de SB 180, qui limite considérablement leur capacité à adopter des réglementations locales sur l'aménagement du territoire, notamment celles visant à renforcer la résilience face aux catastrophes naturelles et au changement climatique.
La législation, entrée en vigueur le 1er juillet, est perçue par les plaignants comme une atteinte sans précédent à leur autonomie, gelant de fait toute nouvelle mesure de protection environnementale ou de contrôle de l'urbanisation. Le conflit met en lumière une tension croissante entre l'État et les municipalités sur la question de la gestion environnementale.
Points Clés
- 25 gouvernements locaux de Floride ont intenté un procès contre l'administration DeSantis.
- La poursuite vise la loi SB 180, qui restreint le pouvoir local en matière d'urbanisme.
- La loi est critiquée pour entraver les mesures de protection environnementale et de résilience climatique.
- Des groupes de défense de l'environnement ont également lancé des contestations judiciaires distinctes.
Une loi controversée au cœur du conflit
La loi SB 180 est au centre de la controverse. Adoptée avec le soutien de grands promoteurs immobiliers de l'État, elle interdit aux gouvernements locaux d'adopter des politiques de développement foncier qui seraient « plus restrictives ou contraignantes » que les lois de l'État. Cette mesure a un effet rétroactif jusqu'en août 2024.
Pour de nombreuses municipalités, cela signifie un gel de leurs plans d'urbanisme. Les projets visant à protéger les zones humides, à gérer l'étalement urbain ou à imposer des normes de construction plus strictes pour faire face à la montée des eaux et aux ouragans sont désormais menacés.
« C'est la plus grande intrusion dans l'autorité locale dans l'histoire de la Floride depuis l'adoption de la constitution actuelle en 1968 », a déclaré Jamie Cole, l'avocat principal représentant les gouvernements locaux dans ce litige.
L'exemple du comté de Manatee
Le comté de Manatee illustre parfaitement l'impact de cette loi. Les commissaires du comté ont été menacés de destitution et de suspension des financements de l'État simplement pour avoir envisagé des amendements à leur plan directeur. Ces propositions visaient à améliorer la résilience de la région côtière face aux catastrophes.
Les mesures proposées incluaient deux objectifs principaux :
- Protéger les zones humides : Interdire la construction à moins de 50 pieds (environ 15 mètres) des marais pour prévenir les inondations futures.
- Contrôler l'étalement urbain : Supprimer une exception qui permettait le développement à l'est d'une limite urbaine établie de longue date.
Ces initiatives, pourtant largement soutenues par les électeurs, ont été bloquées par l'administration de l'État en vertu de la nouvelle loi.
Une autre loi limitant l'action climatique
Le 1er juillet 2024, une autre loi signée par le gouverneur DeSantis est entrée en vigueur. Elle permet au gouvernement de l'État d'ignorer le changement climatique dans l'élaboration des politiques énergétiques, interdit la construction d'éoliennes en mer dans les eaux de l'État et supprime les programmes de subventions pour les énergies renouvelables et la conservation de l'énergie.
George Kruse, président de la commission du comté de Manatee, a exprimé sa frustration : « C'est incroyablement difficile et frustrant parce que nous voulons que les gens vivent ici, mais nous voulons qu'ils vivent ici en toute sécurité, et vous nous liez les mains. »
La riposte judiciaire s'organise
Face à ce qu'ils considèrent comme un abus de pouvoir de l'État, les gouvernements locaux et des organisations de défense de l'environnement ont décidé de se tourner vers les tribunaux. L'action en justice menée par les 25 municipalités n'est pas isolée.
L'organisation 1000 Friends of Florida a également déposé une plainte distincte, contestant la constitutionnalité de la loi SB 180. Le groupe soutient que la loi « gèle arbitrairement la planification locale globale à travers la Floride ».
La plainte demande au tribunal de déclarer la loi SB 180 inconstitutionnelle, en totalité ou en partie, et d'empêcher l'État de l'appliquer. Plus d'une douzaine de gouvernements locaux ont déjà reçu des lettres du Department of Commerce, l'agence de planification de l'État, déclarant leurs propositions de modification des politiques d'urbanisme « nulles et non avenues ».
Les arguments constitutionnels soulevés
La plainte de 1000 Friends of Florida s'appuie sur plusieurs arguments juridiques pour invalider la loi SB 180. Selon les plaignants, la loi viole la Constitution de la Floride de plusieurs manières :
- Violation de la règle du sujet unique : La loi regrouperait des changements politiques sans rapport les uns avec les autres dans un projet de loi sur la gestion des urgences.
- Caractère arbitraire : L'interdiction d'améliorer les mesures de planification serait déclenchée par des événements d'ouragans aléatoires et sans lien.
- Vague et imprécise : Le texte interdit des mesures « plus restrictives ou contraignantes » sans définir clairement ces termes.
- Incohérence constitutionnelle : La loi bloquerait des actions locales nécessaires pour protéger l'air, l'eau et les terres sensibles, en violation de la clause sur les « ressources naturelles » de la Constitution de l'État.
Rachel Hildebrand, une résidente du comté d'East Orange et co-plaignante, a souligné l'enjeu pour les communautés locales. « Ce combat vise à garantir que notre voix locale soit entendue et que nos enfants puissent hériter de l'environnement naturel et sûr que nous avons travaillé si dur à préserver », a-t-elle déclaré.
Un contexte de politiques anti-climat
La loi SB 180 s'inscrit dans une série d'actions de l'administration DeSantis visant à réduire la portée des politiques environnementales et climatiques en Floride. Ces dernières années, plusieurs décisions ont suscité la controverse.
Initiatives controversées de l'administration DeSantis
Parmi les autres mesures critiquées, on note la suppression des références au « changement climatique » dans tous les documents officiels de l'État. Après les ouragans Helene et Milton, le gouverneur a rejeté l'idée d'interdire la reconstruction dans des zones régulièrement dévastées, affirmant le droit des propriétaires à décider pour leurs biens.
L'administration a également tenté de commercialiser plusieurs parcs d'État majeurs via une initiative baptisée « Great Outdoors Initiative », un projet rapidement retiré face à un tollé public. De plus, le Département de l'Éducation de Floride a approuvé l'utilisation de supports pédagogiques de PragerU Kids, une organisation connue pour diffuser des informations remettant en cause le consensus scientifique sur le climat.
Ces actions, combinées à la loi SB 180, dessinent une stratégie globale qui privilégie le développement économique à court terme au détriment de la protection environnementale et de la planification à long terme, laissant les gouvernements locaux avec des outils limités pour protéger leurs communautés des impacts croissants du changement climatique.





