Face à l'accélération du changement climatique, les arbres emblématiques du Royaume-Uni montrent des signes de faiblesse. Pour garantir la survie des forêts, les autorités britanniques ont publié une liste de 30 espèces d'arbres, natives et étrangères, mieux adaptées aux températures plus élevées et aux conditions météorologiques extrêmes à venir.
Cette initiative vise à créer des forêts plus diversifiées et résilientes, capables de résister aux défis du futur. Cependant, cette stratégie, connue sous le nom de migration assistée, soulève des questions complexes sur l'équilibre écologique.
Points Clés
- Le réchauffement climatique et les événements météorologiques extrêmes fragilisent les forêts du Royaume-Uni.
- Forestry England a identifié 30 espèces d'arbres capables de prospérer dans un climat plus chaud.
- La stratégie de "migration assistée" consiste à introduire des espèces adaptées aux conditions climatiques futures.
- Cette approche comporte des risques, notamment l'introduction d'espèces envahissantes ou de nouvelles maladies.
Un constat alarmant pour les forêts britanniques
Les spécialistes tirent la sonnette d'alarme : les arbres du Royaume-Uni peinent à s'adapter au rythme du changement climatique. Les vagues de chaleur et les sécheresses répétées mettent les écosystèmes forestiers à rude épreuve.
"Nous sommes très préoccupés par le fait que les conditions changeantes soumettent nos arbres à un stress important", a déclaré Dr Eleanor Tew de Forestry England, l'organisme public chargé de la gestion des forêts en Angleterre.
Les conséquences sont déjà visibles. Durant la canicule record de 2022, les Jardins botaniques royaux de Kew ont perdu 460 arbres. Selon Kevin Martin, responsable des collections d'arbres à Kew, ces événements extrêmes deviennent de plus en plus fréquents.
"Ce qui se produisait autrefois une fois par décennie est en passe de se produire tous les trois ou quatre ans", prévient Kevin Martin.
La vitesse du changement climatique en cause
Le principal défi pour les arbres est la rapidité avec laquelle le climat se réchauffe. Historiquement, les forêts se sont adaptées aux changements climatiques sur des milliers d'années, en migrant naturellement vers des latitudes plus favorables.
Un réchauffement sans précédent
La transition de la dernière période glaciaire à notre climat actuel a pris entre 5 000 et 8 000 ans, avec une augmentation de la température mondiale de 4 à 5°C, soit environ 0,1°C par siècle. En comparaison, l'activité humaine a provoqué une hausse de 1,3°C au cours du seul siècle dernier, un rythme dix fois plus rapide. Les arbres ne peuvent tout simplement pas suivre.
Cette accélération empêche les processus naturels d'adaptation. Dr Sarah Dalrymple, écologiste végétale à l'Université John Moores de Liverpool, observe déjà des signes concrets de ce stress. "Les jeunes pousses qui tombent au sol ne sont pas fertilisées et dispersées dans des habitats appropriés parce que le sol est trop sec", explique-t-elle.
Le chêne, un symbole en danger
Le chêne, qui représente environ 20 % des arbres feuillus du pays, est particulièrement touché. Une maladie appelée "dépérissement aigu du chêne", directement liée au stress thermique et hydrique, a provoqué une diminution de sa population dans le centre et le sud-est de l'Angleterre.
Selon le Woodland Trust, chaque chêne abrite jusqu'à 2 300 espèces différentes, incluant des oiseaux, des mammifères, des champignons et des insectes. C'est plus que tout autre arbre natif du Royaume-Uni, ce qui rend sa potentielle disparition particulièrement grave pour la biodiversité.
Une stratégie d'avenir : la migration assistée
Pour contrer cette tendance, Forestry England a élaboré une liste d'espèces d'arbres susceptibles de mieux supporter le climat futur. Cette liste comprend des espèces locales bien connues comme le chêne, le bouleau et l'aulne, mais aussi des essences non natives provenant de régions plus chaudes et sèches.
Parmi les nouveaux venus potentiels, on trouve :
- Le séquoia à feuilles d'if (Coast Redwood), originaire d'Amérique du Nord.
- Le pin laricio de Corse (Corsican Pine), adapté au climat méditerranéen.
Cette approche, appelée migration assistée, consiste à introduire dès aujourd'hui des espèces qui seront adaptées au climat que le Royaume-Uni connaîtra dans plusieurs décennies. L'idée est d'aider activement les forêts à s'adapter plutôt que de subir passivement les changements.
Une proposition concrète serait de planter au Royaume-Uni des graines de chênes communs provenant de la frontière entre la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Ces arbres poussent dans des conditions de sol et d'environnement similaires à celles du sud de l'Angleterre et pourraient renforcer les populations de chênes locales.
Un équilibre délicat entre action et précaution
La migration assistée n'est cependant pas sans risques. L'un des principaux défis est l'imprévisibilité des conditions météorologiques. "Les gelées printanières tardives suivies de vagues de chaleur créent des conditions auxquelles il est très difficile pour les arbres de s'adapter", souligne Dr Tew.
Un autre risque majeur est l'introduction involontaire d'espèces envahissantes ou de nouvelles maladies. Le précédent de la chalarose du frêne est dans tous les esprits.
Le cas de la chalarose du frêne
En 2012, un champignon transporté par le vent depuis l'Asie a provoqué une épidémie de chalarose du frêne au Royaume-Uni. Cette maladie menace aujourd'hui jusqu'à 80 % des frênes adultes du pays, avec des conséquences écologiques et économiques désastreuses.
Le débat se situe donc entre le risque d'intervenir et celui de ne rien faire. "Si nous ne menons aucune action de conservation et laissons la nature suivre son cours, et que le chêne disparaît, nous perdrons toute la biodiversité qui l'entoure", affirme Kevin Martin.
La sélection des nouvelles espèces doit donc être rigoureuse pour évaluer leur potentiel invasif. "Il n'y a pas de solution miracle", conclut Dr Tew. "Nous avons besoin de stratégies diversifiées selon les régions pour aider les arbres à s'adapter." L'avenir des forêts britanniques dépendra de cet équilibre subtil entre une intervention audacieuse et une gestion prudente des risques.





