Une chaleur extrême transforme les lacs amazoniens en véritables bains bouillants, provoquant une mortalité de masse sans précédent chez les dauphins roses et les poissons. Des chercheurs ont enregistré des températures de l'eau dépassant les 40°C, une situation dramatique qui met en lumière les conséquences directes du changement climatique sur l'un des écosystèmes les plus riches de la planète.
En septembre 2023, la région du lac Tefé, au Brésil, a été le théâtre d'une hécatombe écologique. Plus de 150 carcasses de dauphins de rivière, une espèce menacée, ont été retrouvées flottant à la surface, victimes d'une eau devenue littéralement insupportable.
Points Clés
- La température de certains lacs amazoniens a dépassé 40°C pendant la sécheresse de 2023.
- Plus de 150 dauphins roses, une espèce en danger, sont morts dans la région du lac Tefé.
- La surface des lacs a drastiquement diminué, le lac Badajós perdant jusqu'à 90% de sa superficie.
- Les scientifiques lient ce phénomène au réchauffement climatique et aux émissions de combustibles fossiles.
Une chaleur sans précédent dans les eaux amazoniennes
Les récentes recherches menées dans le centre de l'Amazonie révèlent une situation alarmante. Une étude publiée dans la revue Science montre que la moitié des dix lacs étudiés ont connu des températures diurnes exceptionnellement élevées, dépassant les 37°C. Le cas du lac Tefé est particulièrement frappant.
Normalement, durant les mois les plus chauds, la température de ses eaux avoisine les 30°C. Cependant, lors de la sécheresse historique de 2023, le thermomètre a grimpé jusqu'à 41°C. « Nous ne pouvions même pas mettre les doigts dans l'eau. C'était vraiment chaud, pas seulement en surface, mais jusqu'au fond », a expliqué Ayan Fleischmann, chercheur principal à l'Institut Mamirauá pour le développement durable.
Cette chaleur extrême, combinée à une baisse dramatique du niveau de l'eau, a transformé ces écosystèmes en pièges mortels. Le lac Tefé, dont la profondeur n'était plus que de deux mètres par endroits, a perdu environ 75% de sa superficie. Le lac Badajós a connu une réduction encore plus spectaculaire, avec 90% de sa surface évaporée.
Des chiffres qui interpellent
L'augmentation de 10°C de la température de l'eau dans le lac Tefé représente une quantité d'énergie colossale. Les lacs amazoniens se réchauffent en moyenne de 0,3 à 0,8°C par décennie depuis une trentaine d'années, un rythme supérieur à la moyenne mondiale.
L'hécatombe des dauphins roses
La conséquence la plus visible et la plus tragique de cette surchauffe des eaux a été la mort massive des dauphins de rivière de l'Amazone, également connus sous le nom de « botos » ou dauphins roses. Pendant une période de six semaines, près de 200 carcasses ont été découvertes, un événement que personne dans la région n'avait jamais observé au cours du siècle dernier.
« C'était complètement surréaliste et vraiment effrayant », a confié Ayan Fleischmann. Ces mammifères aquatiques, déjà menacés, n'ont pas pu survivre dans une eau dont la température dépassait largement leur seuil de tolérance. La mort a également frappé des milliers de poissons, privant les dauphins survivants et les communautés locales d'une source de nourriture essentielle.
Un écosystème aquatique bouleversé
Les experts s'inquiètent des répercussions à long terme sur l'ensemble de la faune aquatique. La saison de basses eaux, durant laquelle ces températures extrêmes ont été observées, coïncide normalement avec la période de reproduction de nombreuses espèces, y compris les dauphins, les lamantins et la plupart des poissons.
« Il est probable que 2023 ait été une année désastreuse sur le plan de la reproduction pour la plupart des espèces. Si cela se produit de manière répétée, leurs populations, ainsi que celles des espèces qui leur sont écologiquement liées, déclineront sévèrement. »
Cette perturbation de la chaîne alimentaire et des cycles de reproduction pourrait entraîner un déclin sévère et durable des populations animales, fragilisant encore davantage un écosystème déjà sous pression.
Une conséquence directe du changement climatique
Pour les scientifiques, il n'y a aucun doute : cette catastrophe est directement liée au changement climatique. La combinaison de sécheresses de plus en plus intenses et de vagues de chaleur prolongées crée les conditions parfaites pour cette surchauffe des plans d'eau peu profonds.
Le rôle des sécheresses extrêmes
L'Amazonie a subi une sécheresse exceptionnelle en 2023, suivie d'une autre fin 2023-début 2024, établissant de nouveaux records de basses eaux. Avec moins de volume d'eau et un ensoleillement intense dû à un ciel sans nuages, les lacs se réchauffent beaucoup plus rapidement et atteignent des températures critiques.
Les chercheurs soulignent que les solutions locales sont quasi inexistantes face à un problème d'une telle ampleur. La seule réponse viable est une action mondiale pour s'attaquer aux causes profondes du réchauffement climatique.
Adrian Barnett, qui n'a pas participé à l'étude, insiste sur ce point : « Un phénomène d'une telle ampleur nécessite une approche systémique, ce qui signifie s'attaquer à la racine du problème : les émissions de combustibles fossiles et les causes du réchauffement climatique lui-même. »
La tragédie des dauphins roses de l'Amazone n'est pas un incident isolé, mais un avertissement sévère. Elle démontre que les impacts du changement climatique ne se limitent pas aux forêts, mais touchent également de plein fouet les écosystèmes aquatiques, même les plus vastes et les plus emblématiques du monde.





