Le géant pétrolier Exxon Mobil a engagé une action en justice contre l'État de Californie, contestant deux nouvelles lois qui obligent les grandes entreprises à une transparence accrue sur leurs émissions de gaz à effet de serre et les risques financiers liés au climat. La plainte, déposée récemment, soutient que ces réglementations violent les droits constitutionnels de l'entreprise, notamment la liberté d'expression.
Ces lois, connues sous le nom de "California Climate Accountability Package" et adoptées en 2023, représentent une avancée significative dans la réglementation environnementale américaine. Elles pourraient affecter des milliers d'entreprises opérant dans l'État et établir un précédent pour d'autres juridictions.
Points Clés
- Exxon Mobil a déposé une plainte contre la Californie pour contester deux lois sur la divulgation des données climatiques.
- L'entreprise affirme que ces lois violent ses droits à la liberté d'expression.
- Les réglementations exigent la déclaration des émissions directes et indirectes (Scope 3), ainsi que des risques climatiques financiers.
- Cette affaire pourrait créer un précédent juridique majeur pour la responsabilité climatique des entreprises aux États-Unis.
Une confrontation juridique sur la transparence climatique
La Californie a renforcé sa législation environnementale en 2023 avec l'adoption de deux textes majeurs. Le premier oblige les entreprises réalisant plus d'un milliard de dollars de revenus annuels à déclarer l'ensemble de leurs émissions de gaz à effet de serre. Le second contraint celles dont les revenus dépassent 500 millions de dollars à publier un rapport bisannuel détaillant les risques financiers que le changement climatique fait peser sur leurs activités.
Exxon Mobil conteste ces exigences, arguant qu'elles l'obligent à adopter un discours sur le changement climatique qui ne correspond pas nécessairement à sa position. Selon la plainte, cette contrainte porterait atteinte à son droit à la liberté d'expression, protégé par le Premier amendement de la Constitution américaine.
Contexte : Le "California Climate Accountability Package"
Adopté en 2023, cet ensemble de lois vise à accroître la responsabilité des entreprises face au changement climatique. Il se compose principalement de deux textes : la loi SB 253 (Climate Corporate Data Accountability Act) et la loi SB 261 (Climate-Related Financial Risk Act). Ensemble, elles créent l'un des cadres de reporting climatique les plus stricts au monde, inspiré des normes européennes.
La question des émissions indirectes au cœur du débat
Un des points les plus importants de la nouvelle législation californienne est l'obligation de comptabiliser les émissions dites de "Scope 3". Celles-ci représentent les émissions indirectes générées tout au long de la chaîne de valeur d'une entreprise, y compris celles produites par l'utilisation finale de ses produits par les consommateurs.
Pour une compagnie pétrolière comme Exxon Mobil, cela signifie devoir calculer et publier les émissions résultant de la combustion de l'essence et des autres carburants qu'elle vend. Jusqu'à présent, la plupart des réglementations se concentraient sur les émissions directes des opérations d'une entreprise (Scope 1) et celles liées à sa consommation d'énergie (Scope 2).
Qu'est-ce que le Scope 3 ?
Les émissions de Scope 3 peuvent représenter plus de 75% de l'empreinte carbone totale d'une entreprise, en particulier dans des secteurs comme l'énergie, l'automobile ou les biens de consommation. Leur calcul est complexe mais jugé essentiel pour évaluer l'impact climatique réel d'une organisation.
L'inclusion du Scope 3 est une évolution majeure. Elle force les entreprises à prendre en compte l'impact climatique global de leur modèle économique, bien au-delà de leurs propres usines ou bureaux.
Des implications nationales et un précédent potentiel
Le procès intenté par Exxon Mobil est suivi de près, car son issue pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières de la Californie. Si les lois californiennes sont validées par les tribunaux, elles pourraient servir de modèle à d'autres États américains souhaitant mettre en place des politiques climatiques plus ambitieuses.
Inversement, si l'argument d'Exxon Mobil sur la liberté d'expression l'emporte, cela pourrait freiner les futures tentatives de régulation de la transparence climatique des entreprises, non seulement en Californie mais dans tout le pays.
Cette affaire soulève une question fondamentale : jusqu'où un gouvernement peut-il aller pour obliger les entreprises à communiquer sur leur impact climatique et les risques associés ?
Des milliers d'entreprises, bien au-delà du secteur de l'énergie, sont concernées par ces nouvelles règles. Toute grande société faisant des affaires en Californie devra se conformer à ces exigences de reporting si elles sont maintenues.
Un débat plus large sur la responsabilité des entreprises
Cette action en justice s'inscrit dans un contexte plus large de pression croissante sur les entreprises pour qu'elles assument leur responsabilité face au changement climatique. Les investisseurs, les régulateurs et une partie du public demandent de plus en plus de transparence sur les stratégies des entreprises pour s'adapter à un monde bas carbone.
Les partisans des lois californiennes estiment qu'il ne s'agit pas de contraindre un discours, mais de fournir des informations factuelles et essentielles aux investisseurs et aux consommateurs pour prendre des décisions éclairées. Ils comparent ces divulgations aux rapports financiers obligatoires qui garantissent la transparence des marchés.
L'issue de ce conflit juridique entre l'un des plus grands producteurs d'énergie au monde et l'un des États les plus influents en matière de politique environnementale façonnera sans aucun doute le paysage de la réglementation climatique d'entreprise pour les années à venir.





