À moins d'un an du coup d'envoi, la Coupe du Monde de la FIFA 2026, qui se déroulera aux États-Unis, au Canada et au Mexique, suscite de vives inquiétudes. Présenté comme le plus grand événement sportif de l'histoire, son format élargi et sa dispersion géographique soulèvent des questions majeures quant à son coût environnemental, notamment en matière d'émissions de carbone et de risques liés à la chaleur extrême.
Des experts du climat, des groupes de supporters et même des joueurs expriment leurs préoccupations face à ce qui pourrait devenir l'édition la plus dommageable pour le climat jamais organisée, en contradiction avec les engagements de durabilité affichés par les instances dirigeantes du football.
Points Clés
- La Coupe du Monde 2026, avec 48 équipes et 104 matchs, devrait générer des émissions de carbone record, estimées à plus de neuf millions de tonnes de CO2.
- Quatorze des seize villes hôtes sont considérées comme vulnérables à des vagues de chaleur extrême, posant des risques pour les joueurs, le personnel et les millions de supporters.
- Des experts et des joueurs critiquent la FIFA pour l'expansion du tournoi, la jugeant incompatible avec les promesses de réduction de l'empreinte environnementale du sport.
- Les expériences passées, comme la Coupe du Monde 1994 aux États-Unis et la récente Coupe du Monde des Clubs, ont déjà mis en évidence les dangers de jouer sous des températures élevées.
Un format XXL au coût environnemental élevé
La prochaine Coupe du Monde marquera un tournant avec un format inédit. Pour la première fois, 48 équipes participeront à la compétition, disputant un total de 104 matchs, soit 40 de plus que lors des éditions précédentes. Le tournoi s'étendra sur un continent entier, avec des matchs organisés dans 16 villes réparties entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Cette expansion massive est au cœur des préoccupations environnementales. Selon des recherches menées par le groupe Scientists for Global Responsibility (SGR), le tournoi pourrait générer plus de neuf millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone. Cette estimation en ferait l'édition la plus polluante de l'histoire de la compétition.
Le Dr Madeleine Orr, experte en sport et climat à l'Université de Toronto, estime que cet événement envoie un « message dangereux ». Elle souligne l'incohérence entre cette expansion et les promesses publiques de la FIFA de réduire ses émissions.
« C'est complètement en décalage avec les promesses [de la FIFA] de réduire les émissions. À ce stade, il s'agit de limiter les dégâts », a-t-elle déclaré.
Lors de la candidature initiale, les organisateurs avaient pourtant promis d'établir de « nouvelles normes en matière de durabilité environnementale ». Une promesse que de nombreux experts jugent aujourd'hui difficilement réalisable.
La menace de la chaleur extrême
Au-delà de l'empreinte carbone, la question des conditions climatiques est une source d'inquiétude majeure. Le tournoi se déroulera en juin et juillet, des mois où la chaleur peut être intense dans de nombreuses régions hôtes. Quatorze des seize villes sélectionnées sont considérées comme vulnérables à des chaleurs extrêmes.
Des températures en hausse
Des données de Climate Central montrent que les villes américaines qui accueilleront des matchs en 2026, et qui l'avaient déjà fait en 1994 (Boston, Dallas, Los Angeles, New York/New Jersey), connaissent aujourd'hui beaucoup plus de jours où la température dépasse 32°C qu'il y a trente ans.
Le Dr Orr avertit que de nombreux stades pourraient être « pratiquement injouables » entre midi et 16 heures. Elle s'inquiète moins pour les athlètes, qui bénéficient d'un suivi médical, que pour les dizaines de milliers de supporters, de bénévoles et de membres du personnel présents sur les sites.
Le souvenir de la Coupe du Monde 1994 aux États-Unis, la plus chaude à ce jour avec des températures atteignant 41°C à Orlando, est encore vif. Les experts météorologiques estiment que l'édition 2026 pourrait battre ce record, le changement climatique augmentant la probabilité de vagues de chaleur intenses et prolongées.
Des précédents alarmants
Les difficultés liées à la chaleur ne sont pas nouvelles. Lors de la récente Coupe du Monde des Clubs aux États-Unis, plusieurs matchs ont été perturbés par des températures record et des orages violents. Le milieu de terrain de Chelsea, Enzo Fernandez, a déclaré s'être senti « pris de vertige » à cause des conditions, les qualifiant de « très dangereuses » après un match où la température dépassait 35°C.
Gianni Infantino, le président de la FIFA, a reconnu que la chaleur pourrait forcer une révision du calendrier mondial du football à l'avenir, déclarant qu'il fallait « garder l'esprit ouvert » sur la question.
Les joueurs commencent à s'exprimer
Face à cette situation, les footballeurs sont de plus en plus nombreux à prendre la parole. David Wheeler, ancien milieu de terrain et champion de la durabilité pour l'Association des Footballeurs Professionnels (PFA), constate que le changement climatique devient un sujet de conversation de plus en plus fréquent parmi les joueurs.
Il critique les instances dirigeantes du sport pour leur manque d'action.
« Malheureusement, je ne pense pas que les grandes instances et organisations dirigeantes prennent vraiment cette responsabilité au sérieux pour le moment », affirme-t-il.
Hector Bellerin, défenseur du Real Betis connu pour son engagement écologique, partage ce sentiment. Il a récemment exprimé la difficulté de promouvoir la durabilité dans un sport en pleine expansion mondiale.
Un appel à l'unité
Hector Bellerin estime que le changement ne viendra que d'une action collective. « À moins que les footballeurs du monde entier ne s'unissent – que ce soit en s'arrêtant ou en prenant des décisions audacieuses – la roue continuera de tourner », a-t-il déclaré, soulignant le sentiment des joueurs d'être traités comme de simples marchandises.
Alors que la FIFA n'a pas encore détaillé sa stratégie de durabilité ou ses plans d'urgence en cas de météo extrême, la pression monte. La plus grande fête du football mondial risque de laisser une empreinte durable, et pas seulement dans les livres d'histoire du sport, mais aussi sur le climat de la planète.





