Le gouvernement brésilien a officiellement accordé une licence à la compagnie pétrolière d'État Petrobras pour commencer des forages d'exploration près de l'embouchure du fleuve Amazone. Cette décision, annoncée lundi, met fin à une bataille réglementaire de cinq ans et suscite une vive controverse, notamment à l'approche du sommet climatique COP30 que le pays s'apprête à accueillir.
Alors que les autorités défendent ce projet comme une étape vers la souveraineté énergétique et un moyen de financer la transition écologique, les organisations environnementales dénoncent une décision contradictoire qui menace un écosystème fragile et compromet les engagements climatiques du Brésil.
Les points clés
- Le gouvernement brésilien a accordé une licence de forage pétrolier à Petrobras dans la Marge Équatoriale.
- La décision intervient quelques semaines avant que le Brésil n'accueille le sommet climatique COP30 à Belém.
- Les écologistes qualifient la mesure de "sabotage" des objectifs climatiques mondiaux.
- Le président Lula da Silva soutient le projet, affirmant que les revenus financeront la transition énergétique du pays.
- Petrobras assure que les opérations sont sûres et n'auront pas d'impact direct sur les communautés autochtones.
Une approbation controversée après des années de débats
L'agence environnementale brésilienne IBAMA a validé la demande de Petrobras, affirmant que l'autorisation a été délivrée à l'issue d'un "processus rigoureux d'octroi de licences environnementales". Cette même agence avait pourtant rejeté une demande similaire en mai 2023, invoquant des lacunes dans les plans de protection de la faune en cas de marée noire.
La zone concernée, connue sous le nom de Marge Équatoriale, est considérée comme très prometteuse en termes de réserves de pétrole et de gaz. Petrobras a indiqué que les forages pourraient commencer immédiatement et devraient durer environ cinq mois. Le projet est fortement soutenu par le président Luiz Inácio Lula da Silva, qui y voit une source de revenus essentielle.
Un changement de cap pour le président Lula
Durant ses deux premiers mandats, de 2003 à 2010, Luiz Inácio Lula da Silva était un fervent défenseur des biocarburants. Cependant, sa position a évolué suite aux importantes découvertes de pétrole offshore qui ont permis de financer de nombreux services publics dans des États comme celui de Rio de Janeiro, allant de la santé à l'éducation.
Le ministre de l'Énergie, Alexandre Silveira, a salué la décision, la présentant comme une défense de "l'avenir de notre souveraineté énergétique". Pour le gouvernement, l'exploitation de ces ressources fossiles est une étape nécessaire pour financer la transition du pays vers une économie plus verte.
La colère des défenseurs de l'environnement
La nouvelle de l'approbation a provoqué une onde de choc parmi les organisations de défense de l'environnement. L'Observatorio do Clima, un réseau d'associations écologistes brésiliennes, a qualifié la décision de "sabotage" pur et simple du prochain sommet COP30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre dans la ville amazonienne de Belém.
"Le gouvernement agit à l'encontre de l'humanité en stimulant davantage l'expansion [des combustibles fossiles] et en pariant sur plus de réchauffement climatique", a déclaré Suely Araujo, coordinatrice à l'Observatorio do Clima.
Les critiques soulignent l'ironie de la situation : le Brésil s'apprête à accueillir des dirigeants du monde entier pour discuter de "l'élimination progressive des combustibles fossiles", tout en autorisant leur expansion sur son propre territoire. Les militants s'inquiètent également des risques que le forage fait peser sur l'un des écosystèmes les plus riches et les plus fragiles de la planète.
Un écosystème unique menacé
L'embouchure de l'Amazone abrite un écosystème marin exceptionnel, incluant des récifs coralliens uniques et une biodiversité marine riche. Les organisations de protection de la nature craignent qu'une marée noire dans cette région ait des conséquences dévastatrices et irréversibles pour la faune, la flore et les communautés locales qui en dépendent.
Petrobras se veut rassurante
Face aux critiques, la compagnie pétrolière nationale a tenté de calmer les inquiétudes. Petrobras affirme que ses modélisations de risques ont été rigoureusement effectuées et concluent qu'une éventuelle marée noire "n'atteindrait probablement pas la côte".
L'entreprise soutient également qu'il n'y aurait "aucun impact direct" sur les communautés autochtones vivant dans la région. Ces assurances sont cependant loin de convaincre les opposants au projet, qui rappellent les accidents passés et estiment que le risque zéro n'existe pas en matière d'extraction pétrolière offshore.
Un dilemme national entre économie et écologie
Cette décision met en lumière le dilemme auquel le Brésil est confronté. D'un côté, le pays possède d'immenses ressources naturelles dont l'exploitation pourrait générer des revenus considérables pour lutter contre la pauvreté et financer des services publics. De l'autre, il abrite la plus grande forêt tropicale du monde et porte une responsabilité majeure dans la lutte contre le changement climatique.
Le gouvernement de Lula semble vouloir naviguer entre ces deux impératifs, mais cette nouvelle licence de forage est perçue par beaucoup comme un signal clair que, face à un choix, la priorité est donnée au développement économique basé sur les énergies fossiles. La crédibilité du Brésil en tant que leader climatique lors de la COP30 sera sans aucun doute mise à l'épreuve par cette décision controversée.





